Dix ans après, une nouvelle charte entre experts et réparateurs

Romain Thirion
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Signature Charte experts-réparateurs 16 septembre 2024

La nouvelle charte interprofessionnelle entre la Fédération française de l’expertise automobile (FFEA) et les trois principaux syndicats représentatifs du métier de carrossier (Mobilians, FNA, FFC) a été signée le 16 septembre. Une nécessité car les dix années écoulées ont été riches d’évolutions venues complexifier des relations complexes sur le terrain.

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Retour au 28 janvier 2014. La "Charte de bonnes pratiques expert/réparateur" permettait alors aux organisations professionnelles régentant les deux métiers de tracer les lignes directrices de leurs relations, au quotidien, sur le terrain. Mais les contraintes auxquelles ils font face ainsi que les outils qu’ils utilisent ont changé depuis, et il fallait remettre l’ouvrage sur le métier, « avec l’objectif de toujours tendre vers de bonnes relations car plus elles le sont, plus notre client est satisfait », souligne Marie-Françoise Berrodier, président de la branche carrossiers de la FNA. Un travail de plus d’un an pour les différents signataires du document, qui entrera en vigueur le 1er janvier 2025 et sera révisée annuellement.

« Il fallait dépoussiérer certains points car les technologies, notamment, ont évolué et l’intelligence artificielle, par exemple, s’est beaucoup développée. Il y a aussi beaucoup plus de véhicules hybrides et électriques », affirme François Mondello, président de la FFEA. « La pièce issue de l’économie circulaire (PIEC) s’est aussi imposée comme une alternative et est au cœur de nos discussions sur la méthodologie de réparation, même si, à la fin, c’est le client qui décide », rappelle Jean-Marc Donatien, président du métier Carrossier de Mobilians. « L’expérience des confinements de la pandémie de Covid, durant laquelle les carrossiers pouvaient ouvrir mais pas les experts, nous ont aussi obligé à anticiper les crises », ajoute Laurent Fourcade, président de la FFC Mobilité Réparation & Services.

Le contradictoire comme boussole

La nouvelle charte vise donc à améliorer toujours plus les interactions entre les deux parties, en mettant l’accent sur des principes clés comme la transparence, la communication et le respect du contradictoire, « condition sine qua non de nos rapports amiables » selon François Mondello (FFEA). En pratique, cela doit se traduire par des échanges clairs et obligatoirement traçables entre expert et réparateur concernant les dommages subis par le véhicule et les méthodes de réparation à adopter. Chaque étape du processus de réparation, de l’évaluation initiale des dommages à la facturation, doit être documentée. Cette traçabilité permet non seulement de garantir la qualité des réparations, mais aussi d'assurer une transparence totale vis-à-vis du propriétaire du véhicule et de son assureur.

La charte s’appesantit sur les différents modes d’expertise – en présentiel, à distance, en self-care par l’assuré ou assistée par l’IA – et sur leurs limites, tandis que le réparateur y est rappelé à son obligation de résultat sur les chantiers qui lui sont confiés. Comme le rappelle le document, l'expert est tenu de prendre en compte les moyens techniques disponibles chez le réparateur pour garantir une réparation dans les règles de l'art.

L’IA, oui, mais avec l’humain

L’innovation technologique occupe également une place importante dans cette nouvelle charte. Et notamment l’utilisation d’outils d’intelligence artificielle (IA) pour évaluer les dommages et estimer les coûts de réparation. Les quatre organisations professionnelles signataires insistent ainsi dans le document sur le contrôle humain sur toute utilisation de l’IA, afin de s'assurer de la sécurité des réparations et de la fiabilité des résultats obtenus.

En effet, que ce soit dans l'élaboration du rapport d'expertise pour les experts ou dans l'estimation des réparations pour les réparateurs, l’IA ne doit pas remplacer totalement le jugement professionnel. « L’IA n’a pas vocation à remplacer les professionnels que nous sommes mais peut nous aider à devenir des professionnels augmentés », ajoute le président de la FFEA. Ainsi chaque estimation ou rapport basé sur une IA doit être vérifié et validé avant d’être communiqué, comme le stipule la charte.

Perte totale et procédure VE adressées

Un autre aspect clé de la charte concerne les véhicules économiquement irréparables (VEI) ou gravement endommagés (VGE). Les experts en automobile sont responsables de déterminer la valeur de ces véhicules avant et après sinistre, ainsi que le montant des réparations nécessaires. La charte rappelle que si le coût des réparations dépasse la valeur de remplacement à dire d’expert (VRADE), le véhicule peut être classé en perte totale, sauf décision contraire du propriétaire.

Dans ces cas, l’expert collabore étroitement avec le réparateur pour déterminer la meilleure méthode de réparation tout en veillant à utiliser des pièces d'occasion issues de l'économie circulaire (PIEC) ou des pièces de qualité équivalente (PQE), lorsque cela est possible. L'objectif étant de minimiser les coûts tout en respectant les exigences de sécurité. « Nous devons travailler absolument sur la préconisation de solutions de repli sans qu’il y ait mise au rebut du véhicule », soutient François Mondello. « Encore faut-il que le chiffrage des VEI puisse être réalisé avec des PIEC et plus seulement avec des pièces neuves », tempère Laurent Fourcade.

La commission de conciliation désormais nationale

Dernier point, en cas de litige sur la durée entre expert et réparateur sur le terrain, la commission de conciliation nationale pourra être saisie par les antennes locales des différentes organisations professionnelles signataires de la charte. Ce qui supprime, de fait, les commissions de médiation régionales qui existaient alors. « La commission nationale se réunira au moins une fois par mois et sa vocation sera de démêler les litiges ancrés dans le temps et non les désaccords ponctuels. Mais cela reste une commission de conciliation et non d’arbitrage : elle ne fera qu’émettre des avis qui auront, en quelque sorte, des allures de jurisprudence », précise le président de la FFEA.

Romain Thirion
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