Le contrat d’agent ou la perversion d’un système
Le nouveau règlement d'exemption de la Commission européenne n’est pas encore livré – il devrait arriver d’ici cet été – que les tensions sont déjà palpables chez les concessionnaires. En cause, le contrat d’agent que les constructeurs agitent de plus en plus pour conserver leurs parts de marché VUL et VP et maitriser leurs prix de vente sur un marché de plus en plus digital.
Le fantasme de la vente directe et de la captation des données des clients des distributeurs sera-t-il bientôt réalité avec le contrat d’agent ? En le signant, les concessionnaires sortent du contrat habituel fournisseur/distributeur (qui achète pour revendre)… Une sortie du droit de la concurrence en fait car l’agent n’est plus un opérateur indépendant – à la différence d’un contrat classique achat/revente, où le distributeur détermine son prix de vente, son rabais… – mais un simple auxiliaire de vente agissant pour le compte et au nom du fournisseur qui facture.
De fait, le constructeur prend en charge tous les risques commerciaux et financiers inhérents à la vente de ses produits : stock, exposition des VN, frais de formation des vendeurs, corporate identity et même coût d’occupation des surfaces affectées à la vente ou à l’exposition ! De son côté, l’agent est protégé par le droit commercial avec une indemnité de fin de contrat pour compenser la cessation du contrat. Le seul fait de la cessation – hors faute grave de l’agent – ouvre droit à cette indemnité (deux ans de commissions brutes).
« Dès la signature du contrat, il y a un transfert de la clientèle, assimilable à une cession du fonds de commerce, qui doit être valorisé selon le droit français. C’est pourquoi Mercedes, avec son contrat d’agent finalisé en Suède, Autriche et Allemagne, a indiqué que la France serait la dernière car il faut régler cette problématique fiscale de cession du fonds qui n’existe pas ailleurs », nous explique un avocat spécialisé.
Contrat « non authentique »
Sauf que selon lui, ce contrat d’agent a déjà muté de manière perverse… La marque Cupra a mis en place pour son modèle Born un variant baptisé « contrat non authentique », proposé à son réseau SEAT.
« Ce contrat ne prend pas en charge les risques financiers puisque l’agent conserve la possibilité de rétrocéder une partie de sa commission à son client ! Très subtil et écrit dans le préambule ! », note notre interlocuteur médusé. Le tout avec la garantie pendant trois ans d’un niveau de commission qui leur permet de couvrir les coûts qui restent à la charge de l’agent (sachant qu’il n’a plus le stock à porter) et de faire des remises – c’est-à-dire abandonner une partie de sa commission – en préservant un niveau de rentabilité équivalent à ce qu’il a sur SEAT.
L’intérêt de ce contrat est, pour le constructeur, de contrôler le prix de vente au client final. Mais si le niveau de commission n’était toutefois pas suffisant pour que les agents puissent concéder des remises adaptées à leur environnement concurrentiel, il peut aussi disposer de voies de recours.
Clause noire ?
Le Cecra a récemment tiré la sonnette d’alarme sur ces constructeurs ayant proposé à leurs revendeurs actuels de passer à des contrats d'agent non authentiques et de supporter des investissements et des risques importants. « En l'absence d'une possibilité effective pour les agents de céder une partie significative de leur commission, les autorités de la concurrence peuvent considérer qu'il existe de facto une situation de prix de revente imposé, ce qui est une clause noire dans le règlement actuel d'exemption par catégorie et le restera également dans le futur projet de règlement », avertit la fédération européenne des distributeurs.
Et d’évoquer un contrat dangereux pour tout le monde, avec des risques d’amendes à la clé. Un tourbillon juridique malsain dans lequel seraient emportés les futurs agents, quand bien même ils auraient signé par peur de perdre leur panneau. Car la Commission européenne surveille de près les contrats d'agent non authentiques qu’elle estime anticoncurrentiels. À suivre…