AkzoNobel et Axalta créent un géant mondial de la peinture
Le fabricant de peinture néerlandais et le poids lourd américain du secteur ont annoncé le 18 novembre leur fusion dans une opération totalement inédite et restée secrète jusqu’à l’annonce. Ce qui donnera naissance à un leader mondial avec 17 Mds $ de CA et 600 M$ de synergies attendues. Pour le secteur de la réparation automobile, cette concentration majeure redessine la carte des fournisseurs.
Il sera toutefois compliqué de nier que cette « fusion entre égaux » cache un leadership néerlandais. Car l'opération verra les actionnaires d'AkzoNobel détenir 55% de la nouvelle entité contre 45% pour ceux d'Axalta. Les actionnaires d'Axalta recevront 0,6539 action AkzoNobel pour chaque action Axalta détenue. AkzoNobel versera par ailleurs un dividende exceptionnel de 2,5 Mds € à ses actionnaires, déduction faite des dividendes ordinaires versés en 2026. Sur le plan financier, la nouvelle entité affichera des revenus d'environ 17 Mds $ et un EBITDA ajusté de 3,3 Mds $.
Séisme sur la planète peinture
« Le conseil d'administration d'Axalta est convaincu que cette fusion avec AkzoNobel créera une valeur significative pour nos actionnaires », a confirmé Rakesh Sachdev, président du conseil d’administration d'Axalta et qui présidera le CA de la nouvelle entité, avec le président du conseil de surveillance d’AkzoNobel, Ben Noteboom, comme vice-président. Les deux groupes ont d'ores et déjà suspendu leurs programmes de rachat d'actions en cours. AkzoNobel continuera à verser ses dividendes ordinaires selon sa politique habituelle jusqu'à la clôture de l'opération, prévue fin 2026-début 2027 et qui reste soumise à l'approbation des actionnaires des deux sociétés, aux autorisations réglementaires et à d'autres conditions habituelles.
« Nous sommes ravis d'entamer un nouveau chapitre de notre longue et fière histoire de leader dans l'industrie des peintures et revêtements », se réjouit le Français Grégoire Poux-Guillaume, actuel P-DG d'AkzoNobel qui dirigera la nouvelle entité. Chris Villavarayan, P-DG d'Axalta, occupera quant à lui le poste de directeur général adjoint. La nouvelle société, dont le nom sera annoncé ultérieurement, aura un double siège social à Amsterdam (Pays-Bas), où elle sera domiciliée, et Philadelphie (Etats-Unis). Mais elle ne sera finalement cotée qu’à New-York, après une période de double cotation sur Euronext Amsterdam et le NYSE.
Complémentarité et exhaustivité promises
Le nouvel ensemble comptera une centaine de marques reconnues, 173 sites de production et 91 centres de R&D dans le monde, pour une présence dans plus de cent-soixante pays. Les investissements combinés en R&D atteindront 400 M$ par an, mobilisant quelque 4 200 chercheurs, ingénieurs et scientifiques, et s'appuyant sur environ 3 200 brevets déposés ou en cours. La fusion réunit des portefeuilles a priori complémentaires.
En effet, AkzoNobel apporte sa force dans les peintures décoratives (Dulux), les revêtements en poudre, l'aérospatial, la marine et la protection industrielle, marchés sur lesquels Axalta n’est plus depuis qu’il vole de ses propres ailes, séparé de DuPont depuis 2013. Avec ses marques Cromax, Spies Hecker, Standox et Syrox, le fabricant américain s’était spécialisé dans la finition automobile, les peintures pour véhicules légers et les revêtements industriels et commerciaux. Des activités sur lesquelles AkzoNobel est présente depuis très longtemps avec une marque puissante, Sikkens, et sa petite sœur Lesonal.
600 M$ de synergies promises
C’est dans ce secteur que les synergies promises pourraient donner lieu à des optimisations aux conséquences encore imprévisibles pour le personnel et les marques des deux entités. Même si, pour l’heure, l’optimisme est évidemment de mise. « Cette fusion nous permettra d'accélérer nos ambitions de croissance en réunissant des technologies hautement complémentaires, une expertise et des équipes passionnées pour libérer tout notre potentiel combiné », se félicite Grégoire Poux-Guillaume.
Les deux groupes tablent sur des synergies de coûts avant impôts de 600 M$ en rythme de croisière, dont 90% devraient être réalisées dans les trois premières années suivant la clôture. Ces économies proviendront principalement des achats, de l'optimisation des fonctions support, de la rationalisation du réseau industriel et de l'amélioration de la gestion de la chaîne d'approvisionnement.
Quel impact sur la distribution ?
Pour les professionnels de la distribution automobile, cette concentration majeure soulève plusieurs questions. D'un côté, la fusion promet d'accélérer l'innovation en combinant les plateformes de R&D des deux groupes et en mutualisant les meilleures pratiques. Le nouvel ensemble disposera d'une capacité de développement renforcée pour répondre aux défis de la transition vers le véhicule électrique et aux nouvelles exigences environnementales. De l'autre, la réduction du nombre d'acteurs majeurs sur le marché des peintures de réparation automobile pourrait inquiéter. Le rapprochement de deux leaders mondiaux – aux côtés de PPG et BASF Coatings – renforce la concentration d'un secteur déjà oligopolistique.
Les deux groupes mettent en avant leur volonté de « mieux servir les clients sur les marchés finaux clés » et de « renforcer les relations clients grâce à un accès approfondi aux canaux de distribution et au support produits ». Reste à voir comment cette promesse se traduira concrètement chez les distributeurs, les deux fabricants n’étant pas toujours référencés dans chez les mêmes groupements. Au-delà des enjeux commerciaux, cette méga-fusion devra surmonter des défis d'intégration culturelle et opérationnelle. AkzoNobel, fondé en 1792 et ancré dans l'histoire industrielle néerlandaise, rencontre Axalta, entreprise américaine issue en 2013 d'une scission de DuPont et ayant connu plusieurs propriétaires dont le fonds Carlyle qui a récemment annoncé l'acquisition de BASF Coatings. Le secteur de la rechange automobile observera avec la plus grande attention et sûrement quelques réserves cette recomposition majeure du paysage des fournisseurs de peintures.
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