IAMaga (Nexus) : les premières leçons du premier sommet africain de la pièce
Les 14 et 15 juin derniers, Nexus Automotive International organisait son premier One Africa Business Summit au Caire, au travers du groupement IAMaga créé en 2019 et dédié à l’ensemble du continent africain. L’occasion de mettre en valeur les potentiels d’un marché africain sous-exploité, les innovations au service des quelque 100 distributeurs adhérents de IAMaga, les outils adaptés à la conquête de ce marché spécifique.... et de rappeler aux équipementiers occidentaux qu’à défaut d’adopter les lois de ce marché, ils pourraient subir celles de leurs concurrents chinois.
Annoncé en 2019 sur l’Afrique francophone de l’Ouest et créé en 2022 sous sa forme étendue à l’ensemble du continent, IAMaga regroupe une centaine d’adhérents africains. L'entité pèse déjà 1,9 milliard de dollars sur les plus de 40 milliards que cumulent les adhérents de Nexus dans le monde entier.
Un vaste potentiel...
Ce tout premier sommet cairote, Nexus l’a voulu à la hauteur des enjeux pièces et services qui traversent un continent dans lequel 40 % des VO mondiaux se déversent chaque année, rappelle Gaël Escribe, le CEO de Nexus Automotive International. La tendance va évidemment perdurer : c’est aussi là que l’on retrouvera une large part des véhicules thermiques européens disqualifiés par l’électrification décidée par l’Union européenne à marche forcée.
L’Afrique regroupe en outre 1,3 milliard d’habitants qui garderont pour longtemps encore l’automobile comme l’ultradominant mode de transport. Et ce, d’autant plus que « le taux d’équipement automobile en Afrique est encore faible », complète G. Escribe. Selon l’OICA(*) en effet, avec une moyenne de 49 véhicules (VP+VUL) pour 1000 habitants contre une moyenne mondiale de 209, l’Afrique n’exhibait encore en 2020 qu’à peine plus de 60 millions de véhicules en circulation, soit cinq fois moins que la Chine...
... pour un marché complexe
L’objectif premier de IAMaga est d’aider ses distributeurs à se développer sur un marché continental en expansion, mais complexe et aux multiples spécificités. Quelque 55 pays africains subissent des niveaux de vie variables mais généralement insuffisants, une forêt de droits de douane inventifs, des risques crédit conséquents et une contrefaçon endémique. Et parce qu’il restera longtemps thermique, son parc n’échappera pas à des défis environnementaux croissants qu’il faudra bien assumer.
Humblement, Gaël Escribe concède que le couple Nexus/IAMaga n’a pas toutes les solutions. « Mais nous en avons déjà beaucoup ; avec IAMaga, Nexus peut et veut mettre à la disposition de ses adhérents des plans d’action et des services adaptés au continent », souligne-t-il. Il considère qu’une croissance de 20 % par an est un minimum pour qui se met en position d’exploiter à plein les potentiels après-vente africains.
À cette fin, Nexus met bien sûr à profit la culture marchés et l’expérience de ses adhérents (deux de ses distributeurs actionnaires sont africains) de ses fournisseurs ou de start-up comme Marketparts, dont l’empreinte mondiale lui a donné l’habitude d'apprivoiser les droits de douane (voir « Marketparts passe en mode transactionnel »). Une compétence indispensable pour faciliter les échanges entre distributeurs africains et de fait, pour fluidifier et massifier les échanges intracontinentaux.
« L’Afrique est un marché très innovant », plaide G. Escribe. Une vision qui doit aussi inclure la recherche et l’accompagnement des talents africains, « mal identifiés et mal soutenus », constate le patron de Nexus qui rappelle que des start-up existent dans des pays comme le Rwanda ou le Kenya. « IAMaga veut aussi miser sur le capital humain en Afrique. » Au Caire, l’accent a donc été mis sur les innovations issues de la communauté Nexus et IAMaga, ses partenaires et le retours d’expériences des acteurs locaux.
L'emprise chinoise
L’occasion aussi de rappeler que l’Afrique est un creuset de développement encore mal abordé par les équipementiers occidentaux. Et là, il y a urgence. Car lors de cet événement cairote, IAMaga rappelle le retard africain pris par les équipementiers occidentaux sur leurs concurrents chinois.
Pour le moment, Nexus comme IAMaga parient sur les marques premium historiques et souhaitent les accompagner dans la conquête de cet eldorado après-vente. Mais « les Chinois ont compris le marché africain. Certains distributeurs du continent vont déjà jusqu’en Chine pour signer des accords d’approvisionnement en pièces », alerte Gaël Escribe. Il rappelle aussi que les importations croissantes de véhicules chinois drainent dans leur sillage les équipementiers concernés...
Fort de la présence de Nexus en Chine en tant que principal groupement international, il souligne que l’industrie de l’Empire du Milieu est capable de fournir des pièces de qualité et au prix souhaité par le marché africain. Car c’est aussi là que le bât blesse : « Faire des remises supplémentaires de 10 à 20 % par rapport au prix occidental ne suffit pas sur un marché au pouvoir d’achat très faible. »
Equipementiers occidentaux : s’adapter ou sortir ?
Les équipementiers américains, japonais ou européens ont donc tout intérêt à suivre les travaux de IAMaga pour convertir leurs logiciels commerciaux aux attentes africaines. Car sinon, « le risque existe que les marques occidentales sortent du marché d’ici cinq ans », s’inquiète Gaël Escribe. Et dans ce cas, bon gré mal gré, Nexus devra être aussi pragmatique que le marché : « Si à terme, nous n'avions d'autre choix que de devoir hybrider nos catalogues avec des pièces chinoises pour accompagner le développement de nos adhérents africains, nous le ferons. »
Reste à trouver l’élixir susceptible de convaincre “nos” équipementiers qu’il leur faut réduire drastiquement leurs prétentions de marge habituelles. Ou éventuellement, de construire des usines de production locales pour adapter leurs coûts, dans le sillage des constructeurs occidentaux au Maroc ou de Stellantis et ses projets algériens par exemple. Mais aussi – et surtout – en leur garantissant, dans ces deux précédents cas, que seront endiguées les inévitables tentations de réimportation des pièces de cette offre africaine adaptée... vers les marchés occidentaux.
Mais là aussi, comme dans bien d’autres domaines, on ne trouve que ce que l’on veut bien chercher...
(*) OICA : Organisation Mondiale des Constructeurs Automobiles