Pièces constructeurs : retour à l'origine

Muriel Blancheton
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Pièces constructeurs équipementiers engrennage

De manière totalement assumée, le distributeur indépendant achète lui-même ses pièces constructeurs pour ses clients réparateurs. Une fidélisation et un panier margeur que les marques ont bien l’intention de s’accaparer…

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Chanceux réparateur : choyé par son distributeur habituel qui multiplie les références, les livraisons et les services, il est aussi dragué par le concessionnaire local qui lui fournit la pièce d’origine manquante. L’arrivée « à coups de hache » de Distrigo en 2015 – dispositif unique en son genre puisque jamais copié – n’a pas révolutionné le système en place mais l’a bien consolidé ! La distribution indépendante est plus servicielle que jamais envers son garagiste : disponibilité, prix, délais, proximité et resserrement des troupes sont au menu.

On ne va pas refaire l’histoire du combat ancestral entre l’OES et l’IAM, mais Stellantis a encore récemment démontré qu’il n’avait vraiment plus de chapelle en démultipliant ses relais, au nom de la sacro-sainte proximité régionale – toucher le MRA jusqu’au bout des territoires est désormais son Graal – et en ouvrant ses stocks de pièces d’origine aux centres Feu Vert via Distrigo. Même le prudent Renault avec Exadis, ses plateformes et à présent Motrio érigée en marque IAM, montre des velléités d’occuper le terrain. Jusqu’à Volkswagen Group France qui annonce l’ouverture de son catalogue de 90 000 références aux indépendants ! Une « révolution intellectuelle » en marche pour Thierry Suquet. Le patron Pièces et Services de VGF mène un plan ambitieux pour compter 1500 clients MRA à terme, aussi bien en mécanique qu’en carrosserie. Même BMW et sa position haut de gamme testerait une formule en Allemagne. On ne refait pas non plus l’histoire d’une frontière déjà bien grignotée par deux marchés qui vont désormais piocher chez l’autre ce qu’il ne trouve pas chez lui et réciproquement.

Les indépendants fortement mobilisés

Regardons plutôt de l’autre côté du miroir. Il n’est définitivement plus question pour la rechange indépendante de laisser une once de terrain à des acteurs en conquête de leur parc ancien. Et pour cela, elle puise sans détour dans les stocks des constructeurs pour mettre à disposition de son client réparateur la pièce d’origine. Et les exemples fusent : ainsi, l’idée de se fournir et d’en proposer est née dès 2016 chez Alliance Automotive Group. Après avoir constaté que stocker des pièces « constructeurs » de grandes ventes n’étaient guère utile car peu demandées par les indépendants, AAG a rapidement opté pour une stratégie plus qualitative.

Idem chez Alternative Autoparts qui considère que son rôle de groupement est bien de trouver des solutions pour ses adhérents et clients, « et d’être en mesure de proposer une offre complète et contrecarrer le contretemps du « time to market » (ou comment fournir les pièces absentes du marché de la rechange), ainsi que celui des pièces captives », assène Julien Lefort, directeur général adjoint. Il faut éviter à tout prix que le réparateur aille ouvrir un compte chez le concessionnaire le plus proche et succombe aux charmes des opérations coup de poing de celui-ci (super-promotion sur le lubrifiant, le pneumatique….). D’où la mise en place chez l’Agra d’un outil fidélisateur « face au concurrent constructeur qui utilise son cheval de Troie pour le conquérir », estime Laurent Brutinel, son président.

Ford sous-traite, BMW réfléchit

En Allemagne, la marque américaine a noué un accord avec le grossiste indépendant Winkler, pour y implanter ses pièces d’origine Ford Trucks. Un choix pragmatique et raisonné de la part du constructeur et de son importateur outre-Rhin (le groupe Stegmaier), en déléguant à moindre frais la distribution aftermarket de ses gammes pour son réseau. La stratégie est différente en France : c’est la coentreprise fondée par trois groupes de concessions Ford Auto (Amplitude, Maurin et DMD) qui assure la logistique PR pour les points de service Ford Trucks. « Il y aurait eu pourtant sans doute bien des candidats intéressés pour sous-traiter ce service du côté des indépendants », confie un témoin du marché.

Autre cas allemand avec BMW qui plancherait sur un remodelage de sa distribution PR – via son entité Aftermarket AIG – et réfléchirait à confier à un distributeur indépendant français la diffusion de ses pièces pour ses véhicules de plus de 8 ans… À suivre.

Muriel Blancheton
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