Spécial Loi Hamon – Négociations encadrées = promos menacées?

Jean-Marc Pierret
Image
Toute à sa volonté de protéger les petits fournisseurs des diktats des grands donneurs d'ordres, la Loi Hamon vient bousculer les mauvaises —mais aussi les bonnes— pratiques tarifaires de la distribution de pièces. A commencer par les nécessaires et parfois imprévisibles opérations promotionnelles...
Partager sur
A tout vouloir prévoir, la Loi Hamon a aussi tendance à “bloquer” des stratégies commerciales pourtant éminemment utiles et répandues dans la rechange automobile. Selon le texte, le contrat commercial annuel doit indiquer «le barème de prix tel qu’il a été préalablement communiqué par le fournisseur, avec ses conditions générales de vente, ou les modalités de consultation de ce barème dans la version ayant servi de base à la négociation». Le texte précise, à toutes fins utiles, que le contrat doit indiquer les réductions de prix. On le sait, les prix sont aujourd’hui soit basés sur un “prix public remisé”, soit sur des “prix nets” (voir «Paroles d’experts - 1 : Marché de la pièce : touche pas à mon Prix Constructeur” !»). Le législateur a voulu ainsi éviter des renégociations unilatérales au seul profit des intérêts du "gros client" et, pour faire bonne mesure, a rendu l'inverse tout aussi prohibé.Le problème c'est qu'ainsi rédigée, la loi Hamon interdit de facto la légalité des commandes spéciales qui permettent de “pousser” les ventes en échange de remises exceptionnelles. Or, souligne la Fiev dans son document interne, «un tel mécanisme peut parfois représenter une part très importante de l’activité d’un fabricant : jusqu’à 80% dans l’industrie et 20-25% dans l’automobile». Et dans ce cas, la pratique devient illicite aux yeux de la Loi Hamon puisqu’elle implique justement, poursuit la Fiev, «de passer, régler et facturer une commande à un prix différent de celui fixé» dans les CGV ou la convention globale de distribution.Pour rester “dans les clous”, il faudrait alors pouvoir justifier d’un avenant encadrant ces commandes spéciales. Seulement voilà : ces offres et commandes promotionnelles sont, par définition temporaires, peu formalisées et «échappent de fait à la définition contractuelle de l’avenant», souligne la Fiev.
La Loi Hamon met un joyeux b… dans les pratiques
Soit. Mais pour le marché BtoB de la pièce, cela implique un vrai changement culturel, notamment en ce qui concerne la classique -et souvent nécessaire- "élasticité" des prix et des commandes. Car en rechange automobile, tout n'est pas critiquable dans l'élasticité des tarifs définis entre fournisseurs et clients. Les équipementiers (et distributeurs) les plus performants cherchent aussi à coller au plus près aux évolutions des tarifs constructeurs, publiant jusqu’à 4 tarifs par an. Cette pratique –salutaire en termes de marge et de compétitivité de la filière indépendante– pourrait-elle se poursuivre dans un cadre où les commandes ne peuvent plus être réglées à un prix différent de celui de la convention globale ? De même, quid dans ce cas des toujours fréquents prix nets, par essence dé-corrélés des “prix tarifs remisés” ?Il y a aussi les corollaires certes moins défendables mais tout aussi répandues et en partie utiles en ce qu'elles participent à maintenir les prix des pièces relativement bas, eux qui sont régulièrement soupçonnés d'aller plus vite que l'inflation...  Il n'est ainsi pas rare, pour un équipementier, d’offrir des prix “canons” en fin de trimestre ou semestre, à ses principaux clients, afin de gonfler artificiellement son chiffre d’affaires… et contenter ainsi à (très) court terme son actionnariat. De même, les principales centrales d’achats ont coutume de “faire monter les enchères” en fin d’année, lorsqu’elles disposent de trésorerie et de place : quel prix pour telle commande exceptionnelle, qui permettra par ailleurs d’atteindre un palier attractif de RFA (Remise de Fin d’Année) ? Sans compter les acheteurs et leur marotte bien connue : attendre systématiquement le dernier moment pour… tendre la sébile et négocier des conditions additionnelles auprès de dirigeants d’équipementiers sous la pression de leurs responsables logistiques…Bref : à vouloir faire mieux, la Loi Hamon n'est-elle pas devenue, au moins pour les bonnes pratiques de la rechange automobile, l'ennemi du bien ?Les autres articles de notre dossier spécial "Loi Hamon" :
Jean-Marc Pierret
Partager sur

Inscrivez-vous gratuitement à nos newsletters

S'inscrire