Spectaculaire rebond de l’après-vente (suite): les éclairages de nos lecteurs
La semaine dernière, nous vous avions laissés sur cette interrogation : Comment le marché de l'après-vente peut-il spectaculairement rebondir, au-delà parfois de 2019, alors même que la consommation de carburants reste depuis début 2021 en retrait de -8,5 % par rapport à la période pré-covid ? Comment peut-on faire des entrées-atelier en plus avec pourtant presque 10 % de km parcourus en moins ? (revoir « Mais d’où diable vient le spectaculaire rebond de l’après-vente ? »).
Vous avez largement participé à notre réflexion en commentant notre article sur le sujet (voir encadré ci-dessous). L'explication la plus largement partagée par nos lecteurs : la prolongation de la vie des véhicules détenus au détriment du renouvellement VN. Un phénomène selon vous encouragés par 5 stimuli majeurs et souvent complémentaires :
- La pénurie qui, par des délais croissants, décourage l'achat d'un nouveau véhicule.
- Les incertitudes réglementaires influant la valeur de revente prévisionnel du véhicule à choisir (Hybride ? Électrique ? Diesel ?),
- La remise à la route de véhicules jusqu'alors subsidiaires et réhabilités à la fois par la bulle sanitaire individuelle qu'ils représentent et par l'attentisme évoqué en point 2.
- Une évolution du prix des pièces qui “surdope” les chiffres d'affaires.
- Sans occulter le fait que, même en ayant roulé peu, les véhicules sont censés faire une révision tous les X km OU tous les ans.
Une spécificité “réseaux constructeurs” ?
« Les gens roulent moins. Et ils avaient reporté les actions d’entretien qu’ils font maintenant. C’est ce que rapportent les 5 500 concessionnaires de l’Hexagone ». Cette contribution de notre confrère Emmanuel Taillardat a ouvert une intéressante piste complémentaire de compréhension qui pourrait être propre aux ateliers RA1 et RA2.
Fort de sa connaissance de l'activité des réseaux constructeurs, il éclaire ainsi une assez probable évidence. Les véhicules récents, sous garantie et/ou sous contrat d'entretien constructeurs, sont logiquement assez captifs des RA1 et RA2. Or, les ateliers de ces derniers ont massivement fermé lors des premières semaines de confinement, puis ont tourné à activité réduite avant de rencontrer les difficultés d'approvisionnement en “pièces de marque constructeur” qui perdurent encore.
Assez logique donc que les clients de ces véhicules aient dû attendre et viennent encore actuellement et massivement rattraper leurs retards d'entretien dans les ateliers des réseaux de marque. En creux, voilà aussi qui vient probablement récompenser ceux des groupements indépendants qui s'alimentent en pièces concurrencées d'origine constructeur (en boîtage de la marque) et les proposent au marché. Historiquement, il s'agissait de permettre aux réparateurs indépendants de répondre aux clients croyant encore mordicus à la suprématie technique du logo constructeur. En ces temps de pénuries, ils doivent aussi venir servir les ateliers constructeurs...
Sans exclure cette explication de l'un de nos lecteurs concessionnaires : « La hausse des services assortie d’une baisse des carburant tient au fait que les clients renonçant à changer leur véhicule font les entretiens et des réparations qu’ils n’auraient pas faits s’il avaient revendu leur voiture. Notre panier moyen est en hausse pas seulement parce que les pièces sont plus chères, mais parce que les réparations sont plus importantes ».
Une responsabilité “Flottes” ?
Notre récente soirée de la remise des Ze Awards nous a aussi permis de valider ces diverses analyses auprès de nos 200 invités professionnels présents. Et d'ouvrir une autre explication au paradoxe “plus de business/moins de km parcourus”.
Et s'il fallait chercher une partie de l'explication du côté des parc de flottes ? « Un professionnel fait 50 à 100 000 km par an, quand un particuliers en réalise 13 000 environ », nous confiait un observateur pertinent du monde de la distribution indépendante. Depuis le début de la pandémie, les commerciaux se sont plutôt mis derrière leurs smartphones et leurs ordis que derrière leurs volants. Les entreprises, de leur côté, ont privilégié les réunions digitales aux grands raouts présentiels. Chez ces grands détenteurs de véhicules de société et de fonction, les changements perdurent.
Renseignement pris auprès d'une étude 2019 produite par le Commissariat général au développement durable (« Les flottes de véhicules des personnes morales »), les véhicules d'entreprises parcourent plutôt et cette fois en moyenne quelque 26 000 km par an (35 600 km pour les véhicules diesel, qui pèsent encore 75 % desdites flottes). Soit tout de même le double, voire le triple, des “voitures persos” qui se contentent de 12 à 13 000 km/an selon le GiPA.
Flottes : 10 % du parc, mais 30 % de la baisse des volumes de carburants
L'impact d'une diminution du kilométrage des “véhicules pros” ne serait donc pas anodin sur les volumes de carburants actuellement consommés. En temps normal et puisqu'ils roulent au moins deux fois plus que les autres, les 2,9 millions de véhicules détenus par des personnes morales(*) équivalent donc, en consommation de carburants, à au moins la consommation de 6 millions de véhicules privés. Si ces 2,9 millions de véhicules roulent maintenant deux fois moins qu'habituellement pour une consommation moyenne d'environ 6 l/100, ils épargnent 2, 3 millions de m3 de carburants. Sur les 8 millions de m3 manquant par rapport à début 2019, un peu moins de 10 % du parc VP roulant expliqueraient donc au moins le tiers de la baisse nationale...
Et c'est là que l'on peut reboucler avec la hausse de l'après-vente spécifiquement constatée dans les réseaux constructeurs. Ces véhicules d'entreprises sont, toujours selon l'étude du Commissariat général au développement durable, des véhicules achetés neufs à 89 %. Ils sont en outre plutôt jeunes (3,9 ans en moyenne). Logique donc qu'on les retrouve aussi dans les réseaux constructeurs qui concentrent l'essentiel du marché des flottes et donc de cet entretien différés depuis début 2020...
Mais bien sûr, il n'y a jamais de solution simple à des événement complexes. Vous pouvez donc continuer à enrichir le débat en commentant ci-dessous cet article...
(*)Soit 2,3 millions de VP auxquels il faut ajouter 600 000 DVP, ces « Dérivés-VP » originellement de 5 places convertis en 2 places et sous statut VU. Dans le détail, 84 % des VP sont répartis dans 3 secteurs : 33 % dans la production, 26 % dans les services et 25 % dans les administrations.
Les pistes et commentaires de nos lecteurs...
Vous pouvez aussi les retrouver en cliquant ici...
- « Une des raisons les plus probable vient de la crise des semi-conducteurs et autres puces électroniques qui équipent les nouvelles voitures. Pour une nouvelle voiture aujourd’hui les délais de livraison sont à 18 mois environ. Ceci explique qu’il y a beaucoup de réparations sur les véhicules anciens/occasion. Mais attention lorsque les livraisons VN vont reprendre, l’après-vente risque de pâtir… »
- « le Malus CO2 et la multiplication des ZFE encouragent les particuliers à conserver leur véhicule plus longtemps au lieu d’acheter un neuf à un prix exorbitant et qui sera peut-être interdit de circulation dans 4 ans. Le marché de l’occasion est en forte expansion vs. la chute des ventes VN. »
- « La hausse des services assortie d’une baisse des carburant tient au fait que les clients renonçant à changer leur véhicule font les entretiens et des réparations qu’ils n’auraient pas faits s’il avaient revendu leur voiture. Notre panier moyen est en hausse pas seulement parce que les pièces sont plus chères mais parce que les réparations sont plus importantes. »
- « Comme le précise un commentaire ci-dessous, c’est l’augmentation du prix des pièces qui donne ce rebond. En nombre d’unités vendues, il y a très certainement stagnation ou recul. A creuser... »
- « Il semble que nous ayons plus affaire à de la réparation plutôt qu'à de la maintenance. Peut-être la piste des volumes d’huiles pourrait aider à mieux comprendre ? »
- « concernant votre interrogation sur la chute du volume de carburant brûlé, tous les jours les demandes de révision mettent en évidence le faible nombre de kilomètres parcourus depuis 2 ans. Il n’est pas rare que des automobilistes viennent alors qu’ils n’ont pas dépassé 5/7 000 km. »
- « L’augmentation sans cesse et très importante du prix des pièces de rechange est sûrement une des raisons de ces très bons résultats. La mauvaise année 2020 a peut être conforté les acteurs du marché de la pièce qu’il fallait augmenter les prix. »
- « Les gens roulent moins. Et ils avaient reporté les actions d’entretien qu’ils font maintenant. C’est ce que rapportent les 5500 concessionnaires de l’Hexagone. »
- « Bonne nouvelle : l’Observatoire de l’activité MRA Ebp MeCa/AM Today reprendra semaine prochaine. » Et c'est chose faite (cliquez ici pour le retrouver) !