Le pneu voit rouge
2022, année de paradoxes, observe le Syndicat du Pneu, marquée par des évolutions inédites voire brutales : le marché est négatif et les prix flambent, le Budget et le 4S redessinent le paysage… et les pneumaticiens tiennent toujours la corde envers et contre tous, même face aux vendeurs en ligne, incorporés désormais dans le panel du Syndicat.
Le rebond post-crise sanitaire n’aura duré qu’une année ! Hors Budget et pneus toutes saisons, la tendance a viré au rouge pour tout le monde en 2022 avec des chutes de volume pour les manufacturiers qui ont vendu moins d’enveloppes vers la distribution avec un sell-in à - 6,1% en TC4. Sur les ventes aux clients finaux (sell-out incluant centres autos, pneumaticiens et ventes en ligne*), le rouge est également de mise avec - 5,6 % toujours en TC4. Au total, le marché sell-in a écoulé 31,625 millions d’unités écoulées. « Le marché subit des creux que nous n’observions pas auparavant », note Régis Audugé. Le directeur général du Syndicat du Pneu résume très vite la situation : le Premium (marques A) s’érode avec désormais 54 % de part de marché (en recul constant depuis 2015), au profit du Budget qui s’ancre durablement avec une hausse de 16 %, justifiée par une année inflationniste et des clients moins attentifs sur la qualité des pneus montés sur leur véhicule. Problème : ni les deuxièmes lignes des manufacturiers (marque B) ni les "Tradebrands" (MDD) n’arrivent à s’imposer. En clair, la tranche du milieu n’a pas repris le flambeau et se trouve grignotée par des Budget à bas prix issus du Sud-Est asiatique.
*Ventes online : ventes web-to-store des réseaux physiques et pure-players
Par saison, le 4S arrive à 27 % de pénétration. Un succès marketing total souligné par le Syndicat, avec pour effet de modifier les comportements d’achat des consommateurs, plus enclins à acheter du Toutes Saisons, plutôt que du pneu Été. Le pneumatique Hiver sert quant à lui des usagers géolocalisés dans les zones froides du territoire. « Bien que le 4S n’ait pas totalement cannibalisé le pneu Hiver, nous sommes quasiment sur un marché de niche ou presque avec ce dernier, adressé à une population très ciblée (régions montagneuses) car habituée à faire la permutation tous les ans, quelles que soient les conditions climatiques », estime le directeur général. Autre tendance, celle des prix corrélés avec la hausse continue des dimensions depuis dix ans (les 17'' et plus représentent un tiers du marché), au détriment des 13 et 14'', voués à disparaître. Cette augmentation de taille s’accentuera encore avec les VE et leur indice de charge élevé.
Bilan TC4
• Le pneu Tourisme est en baisse de 4,9 % avec 14 millions écoulés en 2022 en sell-out, la deuxième plus mauvaise année depuis dix ans avec 2020.
• Les volumes représentent 92 % des ventes dans les centres autos, 77 % chez les pneumaticiens et 84,7 % des ventes en ligne.
• Progressant à un rythme soutenu depuis plusieurs années, les ventes de pneus 4x4 ou SUV ont subi un coup d’arrêt brutal (- 12,4 %) dû en grande partie aux hausses de prix.
• Malgré un léger fléchissement, la demande est forte sur les pneus de camionnettes (VUL). En témoignent les 3,1 millions de pneus mis sur le marché en 2022, deuxième meilleur résultat sur dix ans.
• Les canaux de distribution du panel (centres autos et pneumaticiens) ne profitent pas de cette hausse et finissent l’année sur une forte baisse (- 7,3 %).
Coup de chaud sur les prix
- La hausse générale des prix moyens est supérieure à 10 %. Les tarifs des pneus 4x4 ont légèrement moins flambé (+ 11,3 %) et reviennent à des niveaux équivalents à ceux de 2012. Augmentation moyenne de 13,8 % sur les pneus Tourisme et 14,9 % sur les pneus VUL (utilitaires).
- L’étagement des prix s’est remarquablement maintenu entre les différents niveaux de gamme.
- En 2012 comme en 2022, 40 € séparent le prix moyen du pneu de seconde ligne de celui de marque Premium. Tout en maîtrise, les pneus Toutes Saisons (101 €) se positionnent juste au-dessus des pneus Eté (96 €).
« En période de crise, les promotions rythment le marché »
En 2022, les promotions ont cadencé les ventes, observe le Syndicat qui évoque un contexte de crise dans lequel les pics de vente ont succédé aux chutes, en fonction des campagnes mises en place par les pneumaticiens et les les centres autos (ces derniers sont passés de - 16 % sur le chiffre de vente à + 11 % sur décembre en Tourisme).
Si les volumes ont baissé, les prix ont flambé en atteignant + 13,3 % en moyenne. En 4x4, l’écart se creuse avec le Tourisme avec un différentiel de 60 % ! En passant d’un véhicule de tourisme à un SUV, le client paie cash cette différence, à son grand dam ! « Bien trop souvent, il n’a reçu aucune information sur le coût d’un pneumatique lors de l’achat de son SUV. Au moment du renouvellement, il se rabat sur du Budget, ce qui explique la progression de ce segment », martèle Dominique Stempfel, le président du Syndicat du Pneu.
Meilleure progression depuis dix ans pour les pneumaticiens
Pour la première fois, le prix des ventes en ligne fait partie des indicateurs du Syndicat du Pneu, à la fois par les pure-players et les vendeurs en web-to-store. Premier constat : la bataille historique sur le Tourisme que se livrent les centres autos et la vente en ligne, avec une descente des tarifs, sans démarcation prononcée. L’écart de prix – 10 % environ – se joue plutôt entre centres autos et pneumaticiens. Par canaux de distribution, le Syndicat observe d’ailleurs des ruptures brutales certaines années pour les pneumaticiens et les centres, liées à des évènements comme les Gilets Jaunes en 2019, la crise sanitaire en 2020… au profit de la vente en ligne. « Avec 24 % de part de marché en 2022 contre 36 % en 2012, on voit que les pneumaticiens ont cédé un certain nombre de références en Tourisme aux pure-players qui franchissent les 16 % en Tourisme, 17 % en 4x4 et 14 % en VUL », note Régis Audugé.
Enfin, dans le mix de vente, les pneumaticiens réalisent la meilleure progression depuis dix ans avec 2 Md€ de CA sur le TC4 et l’Industrie, ce dernier point restant leur domaine réservé (à hauteur de 940 M€ dans le CA global). Les centres autos réalisent 828 M€ et les ventes en ligne cumulent à 634 M€. « Le chiffre d’affaires est toujours le juge de paix ! La progression des pneumaticiens su la vente exclusive de pneumatiques (hors prestations) est particulièrement visible, malgré le contexte. Ce sont bien eux qui tirent le mieux leur épingle du jeu, sans comptabiliser l’Agraire et le Génie civil. La vente en ligne talonne les centres autos et c’est loin d’être anodin », relève Régis Audugé.
Reste à voir comment se comportera le marché en sell-in et sell-out en 2023, dans un contexte d’inflation aigüe déjà amorcée en 2022, avec l’évolution du coût des matières premières et des transports, mais surtout des coûts énergétiques difficiles à juguler, tant en amont chez des industriels qu’en aval chez des distributeurs, dont les factures ont été multipliées par cinq.