Marché pneumatique : Premium ou Budget ?

Muriel Blancheton
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Marché Pneu

En mixant un pneu dont le prix flambe depuis le début de l’année, avec des coûts énergétiques qui devraient également être en surchauffe dès janvier 2023, on arrive à un cocktail explosif pour la filière et une question de fond : les marques Budget vont-elles prendre le pas sur un marché historiquement Premium ?

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Par effet de ruissellement, les manufacturiers ont passé des hausses de barème de 18% à 23% entre 2020 et 2022. Immédiatement répercutés dans un même élan solidaire par tous les grossistes européens chez les retailers. Conséquence : un prix du pneumatique en hausse face à un consommateur perplexe. Sans compter les ruptures d’appros pénalisant la supply chain. Difficile d’avouer des ruptures, mais les taux de service ont plongé. Au premier semestre, le marché n’a ainsi pu que constater son impuissance face au décrochage du Premium qui a perdu 5 points pour descendre à 55% de parts de marché en moyenne. Le problème, c’est qu’il n'y a pas eu de transfert vers des marques Quality type Uniroyal chez Continental ou BF Goodrich de Michelin, ou encore Firestone et Nokian chez Bridgestone. Par manque de disponibilités sur ces dernières et peut-être aussi pour prioriser son budget sérieusement attaqué dans tous les sens, le client final est allé chercher des enveloppes exotiques à bas prix, du côté des Budget, ce qui a mécaniquement dégradé les marges. Un phénomène inquiétant car les volumes réalisés ne compenseront jamais la valeur perdue. Une problématique à laquelle s’agrège un autre facteur, très anxiogène pour les industriels. Dès janvier prochain, le spectre d’un tsunami sur les couts énergétiques, et particulièrement le gaz dont ils ont cruellement besoin pour faire tourner leurs usines, se dessine (+60% sur le gaz et l’électricité depuis 2019 d’après les calculs de l’ETRMA qui craint une période très difficiles pour 2023). Ajouté à leurs carences en matière premières, des coupes budgétaires sévères se profilent – reste à déterminer le superflu de l’indispensable – avec des hausses se déversant encore en distribution. Et in fine, le client final en bon juge de paix décidera de de se reporter encore vers du premier prix aux marges dégradées. Un vrai cercle vicieux.

2022, année chaotique

Les ventes ont été erratiques pour les pneumatiques, avec des prix gonflés qui ont déstabilisé les clients. Pas facile pour les pros d’anticiper les stocks. Pourtant, le marché était plutôt dynamique voire spéculatif au premier semestre 2022, avec des distributeurs qui reconstituaient leurs stocks et se préparaient aux effets bénéfiques attendus de la Loi Montagne. Le tout dans une effervescente reprise générale. Une montée en pression que le conflit russo-ukrainien a vite calmé, faisant souffrir toute la chaîne d’approvisionnements déjà en sous-capacité. Car tous les industriels ont – ou avaient – un lien avec les deux pays en conflits (sites de production, fournisseurs de caoutchouc, de carbone…). Des facteurs sociaux-économiques (inflation, taux d’intérêts, ralentissement de la consommation…) sont venus s’ajouter. Du coup, les ventes TC4 en France jouent au yoyo depuis le début de l’année. Elles sont toutes dans le rouge avec une inflation sur les prix de 13% en moyenne sur le premier semestre chez les spécialistes, fast-fitters et centres autos. En Tourisme par exemple, le marché a fait une plongée de - 6,4% en janvier, +8,5% en avril, -7,7% en juin…pour arriver à -4,6% en septembre. Selon les dernières statistiques à 9 mois du Syndicat du Pneu, le pneu Eté est à -9,1% et le pneu Hiver est à -22%. Les distributeurs prévoient une fin d’année compliquée. « Les pneus ne se vendent qu’une seule fois ! Nous payons les bons résultats observés en 2021 en sortie de confinements. J’ajouterai cet autre élément : 40% des VN mis à la route sont des SUV chaussés de pneus plus larges, avec des coûts en remplacement proportionnels. Sauf qu’ils sont bien souvent non anticipés par l’acquéreur lors de l’achat du véhicule et fatalement reportés », analyse Dominique Stempfel, le président du Syndicat du Pneu. Plus les reports avancent, plus le remplacement recule. Encore logique !  Le client ira-t-il vers du Premium – quitte à patienter un peu pour l’achat – ou vers le Budget qu’il peut avoir immédiatement et à bas prix ? Visiblement, il a choisi la deuxième option….

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Muriel Blancheton
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