L’alternative hydrogène explorée aux Rencontres de la filière
Les rencontres de la filière 2024 by Solutrans sont venues rappeler que, si l’ensemble de l’écosystème s’investit pleinement dans la réalisation des objectifs de décarbonation fixés par Bruxelles, la voie unique de l’électrification du parc via des batteries de traction n’est pas tenable. Et que seule la pluralité des technologies existantes – dont l'hydrogène et le moteur thermique - permettra d’y arriver…
Les Rencontres de la Filière 2024 by Solutrans, organisées le 10 octobre dernier, sont venues éclairer les avancées en matière la technologie hydrogène. Une technologie décarbonée désormais prête et qui, abstraction faite de l’absence d’infrastructures à date, présente le double avantage d’une autonomie identique à celle d’un véhicule à batterie de traction électrique mais avec un temps de recharge bien moindre… In fine une technologie qu’il ne faut pas opposer à celle des batteries électriques, mais plutôt l’appréhender comme un nécessaire complément à ces dernières qui ne sauraient être la solution unique pour le futur du transport routier.
Industrialisation en marche
Philippe Rosier, président-directeur général de la joint-venture Symbio, spécialisée dans les piles à combustible (PAC), annonce en effet que « les dernières générations (nextgen - 75 kW) sont désormais suffisamment compactes et abordables pour que la phase industrielle puisse commencer sur le site SymphonHy ». Implanté à Lyon, il s’agit de la plus grande usine intégrée de PAC en Europe, qui prévoit une montée en cadence progressive de la fabrication des PAC. Progressive, mais d’ores et déjà ambitieuse : Symbio prévoit en effet de sortir 20 000 PAC par an d’ici 2028, et jusqu’à potentiellement 50 000 en 2030 ! L’industriel se concentre dans un premier temps sur le segment des utilitaires (ou pick up aux Etats-Unis) et, plus généralement, tous les véhicules rentrant chaque soir à leur base (cars et bus notamment). Avant de s’attaquer aux poids lourds avec le développement de PAC « gen3 » visant les 300 kW via deux stacks de 150 kW couplés…
« Si le marché est attendu pour décoller réellement vers 2030, il faudra être prêt. Car l’hydrogène cible toutes les applications demandant de la charge utile, ce qui est la problématique sur les batteries électriques de traction. Selon nos prévisions, la demande pourrait déboucher sur un parc – hors Chine – d’un million de véhicules dès 2032 ! » poursuit-il.
Objectif 8€/kg
Au-delà de la production d’hydrogène vert, dont les quantités sont encore insuffisantes pour répondre aux enjeux du TRM en Europe, la problématique à très court terme reste la construction d’infrastructures de recharge : « sur les 248 stations de recharge hydrogène recensées en Europe et au Moyen-Orient, seulement 60 sont opérationnelles », déplore le dirigeant de Symbio. Les projets fleurissent, comme Qair, producteur d’énergie verte qui s’est lancé dans la mise en place de tout un écosystème hydrogène dans le corridor Occitanie. Ou encore à l’image de Teal, joint-venture entre Air Liquide et Total, qui vise l’implantation d’une centaine de stations de recharge sur les grands corridors européens du TRM à l’horizon 2033 (20 devraient être construites à fin 2024). A noter : pour parvenir à un TCO économiquement acceptable, les opérateurs visent un objectif de 8 € / kg.
Reste également à élaborer une réglementation, et à mettre en place des incitations fiscales. A ce titre, « la norme TIRUERT (NdlR : taxe incitative relative à l’utilisation d’énergies renouvelables dans le transport), si elle pourrait dissuader les transporteurs d’acquérir des moteurs thermiques, ne sera pas seule suffisante pour orienter les professionnels vers la technologie hydrogène », souligne Philippe Boucly, président de l’association France Hydrogène.
Le moteur à combustion n’a pas dit son dernier mot !
En parallèle, les constructeurs explorent la voie des moteurs thermiques fonctionnant à l’hydrogène. Man par exemple entre en phase de test à grande échelle avec quelque 250 camions mis à la route en Europe. Autre piste, actuellement explorée par Daimler Truck : l’hydrogène liquide.
Richard Lecoupeau, fondateur du cabinet 2C Consulting, rappelle à cet égard que « le moteur thermique représente 99 % du parc roulant et 95 % des ventes VN… Abandonner complètement le moteur à combustion semble assez délicat au regard des échéances très courtes que connait le secteur du TRM ». Autre point : les véhicules électriques sont certes zéro émission du réservoir à la roue, mais du puits à la roue en revanche, l’électricité alimentant une batterie de traction d’un véhicule n’a pas les mêmes vertus selon qu’elle est produite en France ou en Pologne (centrales à charbon). Sur l’ensemble de son cycle de vie, un véhicule électrique émettra alors 48 % de CO2 de plus qu’un véhicule diesel ! Le moteur thermique, qu’il fonctionne aux biocarburants voire, à l’hydrogène, ne semble donc pas prêt d’être remisé au placard...