Désinfection non indemnisée : nouvelle parade des assureurs au libre choix

Romain Thirion
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Sur le terrain, les réparateurs non agréés font de plus en plus face à des refus d'indemnisation par les assureurs de leurs forfaits de désinfection de véhicule mis en place dans le cadre de l'épidémie de Covid-19. Et si certains donneurs d'ordres acceptent de finalement prendre en charge la prestation, ils continuent de différencier carrosserie et vitrage...

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Bien que l'épidémie de Covid-19 rende l'accueil des clients et la prise en charge des véhicules plus complexe, les compagnies et mutuelles d'assurance semblent avoir trouvé une nouvelle façon de tordre le droit de leurs assurés au libre choix de leur réparateur. En l'occurrence, en refusant d'indemniser les forfaits de désinfection facturés par les carrossiers lorsqu'ils ne figurent pas parmi leurs partenaires “agréés”. Deux exemples en provenance du sud-ouest nous sont récemment parvenus.

Le premier témoigne du refus des Mutuelles de Poitiers de prendre en charge le forfait désinfection de 30 euros facturé par un réparateur du Lot-et-Garonne (47) adhérent de la FFC Grand Sud-Ouest, pourtant pris en compte par l'expert au moment de son chiffrage. Le responsable du Service Sinistres VAM des Mutuelles de Poitiers, dans un courrier daté du 23 septembre, précisait notamment au carrossier que l'assureur « ne règle plus de forfait Covid aux garages non agréés pour les facturations ultérieures au 16/09 », ceci résultant en la déduction de 36 euros de la facture accordée au réparateur...

La FFC Grand Sud-Ouest monte au créneau

Naturellement, la FFC Grand Sud-Ouest est montée au créneau et s'est fendue, le 2 novembre, d'un courrier à destination de la direction du Service Sinistres VAM des Mutuelles de Poitiers. « Vous n’êtes pas sans savoir l’importance que représente ce protocole de désinfection pour protéger les clients et les salariés au quotidien. Aujourd’hui et plus que jamais chaque geste compte pour y réussir, y rappelle la FFC GSO par la voix de son président, Jean-François Michel. Participer ainsi à un effort commun contre la lutte de cette pandémie est pour chacun la moindre des choses. Les entreprises ne vous refacturent qu’une partie des débours occasionnés par la mise en place de tout un circuit de désinfection, pour la protection de votre clientèle, dans le respect des normes en vigueur. »

La branche régionale de l'organisation professionnelle a, bien entendu, rappelé à l'assureur que son comportement témoignait d'une volonté de contourner le droit de son assuré au libre choix de son réparateur. D'autant que « l'expertise contradictoire réalisée à la carrosserie [a conduit l'expert de la mutuelle à prendre] en compte le forfait de désinfection en respectant les tarifs dûment affichés, insiste le courrier de la FFC GSO. De ce fait, l’expert pris un engagement ferme, vis à vis du client ».

Cet affranchissement unilatéral de la décision de l'expert, « sans respecter le droit du client à être informé », a donc mis ce dernier dans l’obligation de s’acquitter de ce forfait.

Le forfait Covid finalement accepté... dans certaines limites

La FFC GSO ayant fait remonter son échange avec les Mutuelles de Poitiers à la DGCCRF, l'assureur a finalement fait volte-face, du moins en partie. « Dans une logique d'adaptation continue à la situation sanitaire et limiter le reste à charge de nos sociétaires, notre direction a décidé, en date du 19/10, d'accepter de prendre en charge les frais de décontamination engagés dans la limite de 30€ HT, à condition qu'ils soient validés par notre expert (avec suivi du protocole de désinfection) », déclare le responsable du Services Sinistres VAM.

Une condition entre parenthèses, mais de taille puisqu'elle implique que l'expert assiste à la désinfection pour constater le respect du protocole en question... Et dans un échange d'e-mails suivant, le même responsable affirme que « [ce] règlement du forfait sanitaire devant faire l'objet d'un suivi d'expert ; il est entendu qu'il ne concerne que les dossiers collisions, pas les dossiers vitrages »... Alors qu'un remplacement de pare-brise ou de lunette arrière implique quand même que le réparateur passe par l'intérieur du véhicule, et nécessite donc la désinfection du véhicule aussi...

Quand la MAAF s'y met aussi

Après avoir eu affaire aux décisions hasardeuses des Mutuelles de Poitiers, plusieurs réparateurs de la FFC GSO ont ensuite eu maille à partir avec la MAAF sur le même sujet. Laquelle, au lieu de prendre en charge le forfait de désinfection à hauteur de 30 euros HT, comme le font l'ensemble des marques du groupe Covéa pour leurs garages “agréés”, a décidé de n'indemniser que 10 euros maximum les réparateurs ne disposant d'aucune convention commerciale avec elle.

Aussi, dans un courrier en date du 25 novembre et adressé à la Direction du service client de la MAAF, la branche régionale de l'organisation professionnelle, citant la DGCCRF elle-même, signale-t-elle à l'assureur que celui-ci « doit fournir l’article du contrat de l’assuré sur lequel elle se fonde, pour ne pas régler l’intégralité de ce forfait [et que] sans cet article du contrat, le service de la répression des fraudes ouvrira un dossier contre la compagnie ».

Une fois encore, la FFC GSO rappelle dans sa lettre que, « en faisant une différence de traitement, [la MAAF entrave] la liberté du consommateur de choisir son atelier de réparation, loi définie par l’arrêté du 29/12/2015 – article L 211 – 5 -1 ». Une disposition légale que les compagnies et mutuelles d'assurance semblent bien déterminées à continuer d'essayer de contourner, même dans un contexte comme celui que connaît actuellement la France et qui, malgré les demandes d'indemnisation des pertes d'exploitation subies dans d'autres secteurs que l'automobile, profite manifestement à ces mêmes assureurs...

Romain Thirion
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