Le gouvernement réhabilite le diesel… et l’hybride

Romain Thirion
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Présentée au Comité stratégique de la filière automobile, l'étude sur l’évaluation des émissions en usage réel des véhicules Euro 6dTEMP, commandée par le gouvernement et réalisée par l'IFPEN, vient souligner fortement l'importance d'adapter la motorisation des véhicules aux usages qui en sont faits et réhabilite, de ce fait, les moteurs Diesel les plus récents, moins émetteurs de CO² et de particules fines. Et les hybrides...

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Cinq ans après l'explosion du scandale du Dieselgate, qui a entraîné l'opprobre sur les motorisations Diesel et provoqué, en Europe occidentale, la dégringolade des immatriculations des véhicules équipés, donnant par-là même un poids inédit aux partisans de l'électromobilité, le débat public pourrait bien être amené à se rééquilibrer.

L'IFP Energies Nouvelles (IFPEN), ex-Institut français du pétrole, vient de présenter lors d'une réunion extraordinaire du Comité stratégique de la filière automobile sa toute dernière étude sur l'évaluation des émissions en usage réel (selon la norme RDE) des véhicules Euro 6dTEMP, qu'ils soient Diesel, à essence ou hybrides.

8 couples de véhicules essence et diesel comparables ont été pris en compte pour l'étude, « multimarques, multisegments (citadine et SUV), multitechnologies et non neufs », selon le CNPA. Ces 16 modèles ont été rejoints par 6 véhicules hybrides. Un total de 22 véhicules représentant plus des deux tiers du parc roulant français ont ainsi été étudiés afin d'évaluer la conformité de leurs émissions polluantes et de gaz à effet de serre en condition de conduite réelle par rapport aux normes d'homologation constructeur.

Le Diesel émet toujours moins de CO²...

Parmi les véhicules roulant au gazole, certains étaient équipés de la technologie de dépollution SCR, laquelle nécessite l'ajout d'AdBlue, et deux d'entre eux ne disposaient que de la technologie LNT, le fameux “piège à NOx”. Si ces derniers ont affiché des résultats non conformes aux normes européennes, ceux dotés du SCR ont vu leur niveau de NOx limité à 57 mg/km, soit en-dessous des limites autorisées, mais toujours au-dessus des 20 mg/km des véhicules essence.

L'étude de l'IFPEN insiste notamment sur le fait que les niveaux d'émission de NOx sont plus importants moteur froid et sur des trajets courts, ce qui tend à confirmer l'importance de sélectionner les motorisations en fonction de l'usage que l'on fait du véhicule.

L'essence, de ce fait, se montre plus appropriée en ville. Mais en prenant en compte les taux d'émission de gaz à effet de serre, en particulier le CO2, les moteurs à essence restent les moins efficients, puisque leur consommation supérieure de carburant aboutit, sur un même parcours, à des émissions de dioxyde de carbone supérieures de 11 % à celles des véhicules Diesel. « Lorsque les gaz à effet de serre non réglementés (protoxyde d’azote N2O et méthane CH4) sont pris en compte, un véhicule essence émet 6 % de gaz à effet de serre de plus qu’un véhicule diesel similaire », souligne le gouvernement dans un communiqué. Enfin, concernant le monoxyde de carbone (CO), l'IFPEN révèle qu'elles sont de 434 mg/km pour l’essence contre 83 mg/km pour le Diesel, révélant une nouvelle l'avantage de celui-ci par rapport à l'essence.

...et côté particules, le Diesel gagne aussi !

Des enseignements qui sonnent comme la vérité de Lapalisse pour les spécialistes de l'automobile mais que la filière accueille d'un œil encore plus réjoui lorsqu'ils sont confirmés par une étude diligentée par le gouvernement lui-même. Encore plus de la part d'un gouvernement aussi ouvertement hostile, par conviction ou par électoralisme, au véhicule thermique.

Et l'étude de l'IFPEN rend aussi aux motorisations Diesel leur efficacité supérieure en termes de filtration des particules fines. « En prenant en compte l’impact des régénérations de filtres à particules, le niveau moyen d’émission de particules de taille supérieure à 23 nm des véhicules diesel est 2,8 fois plus faible que celui des versions essence sur le périmètre de l’étude (le niveau étant très variable en essence) », souligne en effet le gouvernement.

A noter cette particularité de l'étude dont Fabrice Godefroy, président de l'association Diéselistes de France, vient de faire part : il s'agit en outre de véhicules diesel testés qui affichent déjà de nombreux kilomètres, donc tous susceptibles de vivre déjà des dérives techniques, ce qui rend cette réhabilitation diesel particulièrement pertinente...

L'hybride plus pertinent en ville

En cycle urbain, en revanche, il semble qu'essence et Diesel doivent s'incliner face aux moteurs hybrides. En effet, les hybrides non rechargeables se sont révélés plus vertueux que leurs homologues à essence, avec 12 % d'émissions de CO2 en moins en moyenne, et jusqu'à 33 % de moins en ville ! Un avantage complètement annulé en circulation extra-urbaine et en particulier sur les tronçons autoroutiers, confirmant ainsi la pertinence des véhicules Diesel sur de longues distances.

Quant aux véhicules hybrides rechargeables, l'étude de l'IFPEN démontre que leur efficience dépend largement du niveau de charge de leur batterie. Selon le document, « les émissions [de CO2] sont très faibles lorsque le véhicule est rechargé quotidiennement et les distances parcourues inférieures à 50 km par jour [et] lorsque les recharges sont peu fréquentes ou les distances parcourues élevées (supérieures à 100 km par jour), les émissions se rapprochent de celles d’un véhicule thermique de modèle équivalent ». La pertinence environnementale de l'hybride rechargeable dépend ainsi entièrement -et tellement logiquement...- des bonnes pratiques de ses utilisateurs en termes de recharge et à l'usage qu'ils font de leur véhicule.

Transmis aux ONG environnementales qui dénoncent sans nuance les SUV hybrides en les utilisant comme des véhicules “tout thermique”...

Des enseignements en vue de la future norme Euro 7 et des ZFE

Selon Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’Économie, des Finances et de la Relance, chargée de l’Industrie, « cette étude permet d’objectiver, en conditions réelles, les caractéristiques d’émission de chaque technologie ».

Et celle-ci de reconnaître, entre les lignes, l'inadéquation du Diesel pour les trajets urbains, du fait des plus fortes émissions de NOx très polluantes et concentrées en ville, mais sa pertinence supérieure à celle des véhicules essence et hybrides pour les trajets plus longs et interurbains. Des résultats qui doivent permettre de « nourrir les recommandations des autorités françaises dans le cadre des travaux à venir au niveau européen pour définir les futures normes d’émission des véhicules (Euro 7) », selon le gouvernement.

Une étude trop tardive ?

Des résultats qui, dans le même temps, réjouissent les organisations professionnelles représentatives des métiers de la filière aval de l'automobile. Et notamment le CNPA qui, toutefois, ne se montre pas dupe en soulignant que « la publication très tardive de cette étude, commandée il y a près de deux ans, en mars 2019, ne doit rien au hasard : elle intervient à quelques semaines de la présentation du Projet de loi Convention Citoyenne pour le Climat, portant, entre autres, des dispositions sur le renforcement des Zones à Faibles Emissions (ZFE) ».

Le CNPA rappelle d'ailleurs que la part de véhicules thermiques dans le parc sera encore majoritaire dans les deux prochaines décennies, que l'automobile reste le moyen de transport privilégié des français, notamment en régions, et que la mise en place des ZFE renforcées doit tenir compte de ces paramètres.

Des efforts de la filière et du dogmatisme des pouvoirs publics

« Cette étude pose plus particulièrement la question de la place du véhicule thermique dans nos trajets en zone urbaine, rappelle plus largement Xavier Horent, délégué général du CNPA. C’est un point particulièrement problématique sur le plan économique et social, qui n’est pas résolu. La mise en place des ZFE et l’évolution du mix énergétique du parc actuel et à 10 ans nous montrent qu’il est indispensable de mettre en place des politiques publiques adéquates, qui répondent à ces enjeux. »

Des enjeux auxquels la filière automobile française semble avoir pris en compte et auxquels elle s'est adaptée, en témoigne la baisse drastique des émissions de CO2 (-35 % en 20 ans), des émissions de NOx (division par 6 en 20 ans) et de particules fines (division par 10 depuis 3 ans), tel que le rappelle le CNPA.

Des propos qui font écho à ceux de la FIEV, représentante des équipementiers aussi bien en amont de la commercialisation des véhicules qu'en aval. « Les entreprises membres de la FIEV se sont engagées avec détermination dans l’amélioration de la performance énergétique des véhicules. Elles visent des objectifs ambitieux en matière de transition écologique et à aucun moment ne militent pour un statu quo, rappelle le syndicat patronal. Elles acceptent d’être challengées par la science et de remettre en cause des décisions que les avancées de la science viennent contredire. En revanche, il doit en être de même pour tous, pouvoirs publics inclus, afin d’avancer ensemble dans la même direction, en suivant la même méthode. »

Respecter la neutralité technologique

D'une quasi même voix, à quelques éléments de langage près, CNPA et FIEV invitent le gouvernement à mieux respecter la neutralité technologique. « Si l’activité des industriels ne peut s’appuyer sur autre chose que sur la science et la recherche, la FIEV s’inquiète d’une moindre rigueur des décisions politiques sur ce plan à date, regrette l'organisation professionnelle. Les lois et règlements doivent faire référence à des seuils et plafonds qui ne sont pas arbitrairement déterminés. Il leur faut reposer sur des études scientifiques, des analyses, des tests, et être longuement discutés et questionnés avec des experts. L’administration qui œuvre pour l’intérêt général, a pour mission d’apporter un éclairage avisé pour permettre la décision politique. »

Le CNPA, de son côté, rappelle qu'il vaut mieux inciter que contraindre dans le domaine de la mobilité individuelle, et en particulier dans l'automobile, qui représente un niveau d'investissement supérieur de la part des ménages. « Il est fondamental de parier sur les innovations technologiques plutôt que sur le renforcement de la réglementation, de la fiscalité et des sanctions », rappelle-t-il.

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