Originauto, Otop, Partakus…: du rêve à la -dure- réalité ?
Sous l’impulsion de leurs fondateurs, puis de leurs repreneurs, Otop ou Originauto n’ont pas encore percé sur le marché BtoB. Quant à la place de marché Partakus, son puissant fondateur et financeur qu’est Renault ne l’a même pas fait vraiment émerger. Et si, en fait, le marché BtoB de l’après-vente ne les attendaient pas vraiment ?
En matière de vente de pièces en ligne BtoB, la fameuse disruption annoncée cherche encore sa voie. Originauto en 2014, Otop en 2018, puis Partakus (né Parts Advisor en 2019) ont chacun promis à différentes échelles de meilleurs prix, des circuits plus courts et des services innovants voulant simplifier la vie des réparateurs en les rendant généralement plus productifs, plus actifs commercialement et bien sûr, plus rentables.
Des géants sur le papier
Originauto et Otop semblaient pourtant bien nés. Ils ne voulaient pas non plus manger le marché ; juste se faire une petite place pour se rendre suffisamment visibles et se revendre aussi cher que possible à des acteurs-concurrents dits de la “vieille économie”. Quant à Partakus, il pouvait être convaincant. Sur le papier, il avait fière allure avec son concept de “place de marché” interconnectant moult stocks pour apporter une infinité de pièces à des réparateurs, des disponibilités garanties... et plus de clients-réparateurs aux distributeurs inscrits.
Tous les trois en étaient certains : il suffisait d'enjamber digitalement le circuit long et complexe de la distribution traditionnelle pour s'offrir le plus court trajet vers le succès.
Décollages difficiles
Mais alors même que la digitalisation des métiers vient d'être boostée par un an de pandémie, les rêves ne sont pas devenus réalité. Loin s'en faut. Originauto et Otop ont effectivement été vendus à des acteurs du secteur (respectivement Mobivia et Point S). Mais dans de piètres conditions. Otop a été repris à vil prix à la barre du tribunal. Sans casser beaucoup plus sa tirelire, Mobivia s'est offert un Originauto qui ne parvenait pas à déjauger ni financièrement, ni volumétriquement. Quant à Partakus, il n'a jamais émergé et semble maintenant sur le point d'être refondu sans gloire par Renault dans une stratégie IAM qui tarde à émerger.
Ce n'est pas sur l'aspect technique que tous trois ont démérité. Ils arborent des CRM de folie, une inventivité digitale respectée, des armées de geeks affutés et souvent, des cultures data exemplaires. Le top du top de l'efficacité digitale. C'est donc du côté du marché qu'il faut chercher l'origine de ce plafond de verre qu'ils ont tous trois rencontré avant même de vraiment décoller.
Évacuons d'abord le cas spécifique de Partakus. Probablement a-t-il avant tout subi les effets de cette filiation contre-nature aux yeux des distributeurs indépendants qu'il voulait abonner à ses services : être né des fonds et des plans de Renault. Difficile en effet de séduire des acteurs indépendants qui craignent de livrer ainsi collectivement les secrets d'un IAM difficilement compris par le constructeur et déjà officieusement convoité par lui...
Pas de miracle digital
Mais lui comme Otop et Originauto doivent commencer à se poser une question plus fondamentale : le marché les attendait-il seulement ? Car c'est une chose de prétendre de vouloir répondre à un besoin ; une autre d'être certain que les cibles ont vraiment besoin de cette réponse.
Le digital n’est pas intrinsèquement miraculeux. Il impose un profond changement des esprits, des habitudes et des entreprises. Une telle révolution copernicienne a généralement besoin d'un sacré catalyseur pour s'imposer. C'est par exemple le cas du rendez-vous en ligne. En la matière effectivement, la question n'est plus de savoir si les réparateurs doivent s'y mettre, mais quand. Car là, ce sont les rois-consommateurs qui sont en train d'imposer l’évolution, même aux plus rétifs des ateliers. C'est le client qui change les règles du jeu. Et on ne s'impose un tel changement que lorsqu'il s'impose à nous.
Un trad' déjà digitalisé
Mais en est-on là du côté du marché BtoB des pièces que veulent “disrupter” les trois compères digitaux ? Les réparateurs sont bien sûr toujours intéressés par des pièces moins chères ; ou par des disponibilités garanties. Mais ils n'en manquent pas non plus, de la MDD au premium, dans l'univers physique traditionnel fait de 5 livraisons par jour, de proximité et de services multiples. En outre, ils se digitalisent déjà avec les outils déployés par leurs bons vieux fournisseurs distributeurs.
Autossimo, pour ne citer que lui, revendique 16 000 commandes/jour. Et à en croire Laurent Desrouffet, directeur des réseaux de réparation VL d'Autodistribution, l'outil de commande, de devis et d'informations techniques décolle avec la digitalisation des réflexes des réparateurs. Autossimo génère un chiffre à faire pâlir de jalousie toutes les startups du secteurs : l'outil digital assure souvent plus de 50 % des facturations des distributeurs, suscite 300 M€ de CA et atteindra 500 M€ d'ici 2 ans...
Quant au consommateur, il n'exige pas encore des prix plus bas que bas de la part de réparateurs et de distributeurs qui vivent pourtant encore de marges soutenues par le référentiel prix-constructeur.
Pourquoi dès lors opter pour la vitesse et les prix compétitifs du digital quand ladite vitesse suppose des services moins complets que ceux des fournisseurs traditionnels et quand le prix lui-même n'est pas -pas encore- sous réelle tension ?
Question posée à Mobivia/originauto, Point S/Otop… et Renault/Partakus.