Pièces en ligne BtoB : les leçons Otop et Originauto

Jean-Marc Pierret
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Dominos

Fin janvier dernier, Optodis, le dernier avatar d'Otop, sombrait dans une liquidation judiciaire définitive. Ce naufrage, quelques mois après la dissolution d'Originauto et malgré la croissance du commerce digital dopé par la pandémie, vient rappeler la résiliente force de la proximité physique et humaine de la distribution traditionnelle, de ses stocks et de ses multiples services...

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Le 27 janvier dernier, Optodis a été mise en liquidation judiciaire. Créée par Point S début août 2020, l'entreprise hébergeait Otop alors fraîchement reprise à la barre du tribunal par l’enseigne de centres auto. Point S comptait bien la relancer en s’appuyant à la fois sur les concessionnaires Otop survivants de la première période de l’entreprise phygitale et sur l'intérêt des adhérents du réseau Point S.

La distribution traditionnelle de pièces a bien sûr accueilli ce point final mis à l’aventure d’Otop avec une discrète -mais profonde- satisfaction. D'autant plus que trois mois avant, Mobivia avait décidé de son côté de dissoudre Originauto dans Vroomly Parts (voir « Pièces en ligne : Originauto est mort, vive Vroomly Parts ? »). Les distributeurs classiques ne manquent d'ailleurs pas de souligner avec une gourmandise certaine que ces deux expériences dites disruptives ont disparus alors même que la pandémie venait pourtant de booster la numérisation des comportements. Sans se priver non plus de nous tacler amicalement au passage, nous comme nos confrères qui prédisions un peu vite un inéluctable basculement (voir en ce qui nous concerne : « Quand la "bombe BtoB" des pièces en ligne explosera… »).

Les atouts serviciels des traditionnels

La disparition définitive de ces deux coins dits disruptifs enfoncés dans la longue histoire de la distribution physique de pièces vient effectivement de le confirmer : il n’est décidément pas si simple de démoder le modèle historique de la distribution BtoB en France, que ce soit digitalement ou même phygitalement.

Nous avions déjà évoqué les solides fondamentaux de la distribution traditionnelle dans notre article « Originauto, Otop, Partakus… : du rêve à la -dure- réalité ? ». A commencer d’ailleurs par les réponses digitales apportées par lesdits traditionnels eux-mêmes. Ils savent aussi, depuis de longues années, prolonger numériquement leur relation à la fois physique et humaine avec leurs clients réparateurs.

La main dans l'humain

Car s’il est facile de s’infiltrer dans le vide dont la nature est réputée avoir horreur, il n’y a guère d’espace laissé vacant dans la solide proximité entre distributeurs et réparateurs. Elle s'enracine dans une infinité de services doublée d'une forte présence humaine. Nous en avons bien sûr évoqué les principales : supply chain optimisée, 4 livraisons par jour, retours gratuits de pièces et de garanties, soutiens en formation et en informations techniques, MDD croissantes...

Mais il faut aussi souligner le rôle moins visible de cette autre proximité informelle des chefs d’entreprises distributeurs comme de leurs équipes terrain : dans les instants difficiles des réparateurs que peuvent être les difficultés financières, les divorces ou les décès ; dans ces moments heureux aussi que sont les naissances, les mariages et les créations ou extensions d’entreprises. La distribution à depuis longtemps gagné son rond de serviette dans les ateliers comme aux tables familiales des réparateurs. Cette réalité quasi-tribale, émotionnelle et affective, n'a probablement pas encore été paramétrée à sa juste valeur par les stratèges du tout digital.

Intérêt marginal

Taquins, les réparateurs ont bien sûr entretenu et continuent d'émettre des signaux d'infidélité. Dès 2014 avec Originauto puis en 2018 avec Otop. Sans jamais non plus renoncer à leurs commandes discrètes mais régulières auprès des pure-players BtoC que sont les Yakarouler, Mister-Auto, Oscaro et consorts. En testant aussi l’offre des sites BtoB pneumatiques, encore plus lorsqu’ils s'élargissent aux pièces.

Mais c'est finalement à la marge que les réparateurs auront encouragé les bouillonnements digitaux de la pièce. Et en leur concédant des besoins plus pragmatiques que systémiques. A la marge, car ils n’ont jamais été légion à basculer, encore moins à renoncer à leurs au moins deux distributeurs de proximité en moyenne ; selon leurs besoins, car la remise offerte par les acteurs de la pièce en ligne BtoB ou même BtoC n’est réellement attractive que pour les pièces à forte valeur unitaire. Et souvent d’ailleurs, plus pour offrir une solution économique à des automobilistes désargentés que dans le cadre d’une volonté réelle d’accroître leurs marges sur les pièces.

Inébranlables stocks et services

Les réparateurs ne se sont évidemment pas privés d’agiter les prix digitaux des nouveaux venus sous le nez agacé de leurs distributeurs qui, eux, ont mis longtemps à “remarketer” et expliciter tous ces services gratuits qui justifient le surcoût apparent de leurs prix.

Mais comme souvent sur le marché de la pièce soumis à l'inertie du parc roulant comme à celle des comportements, la disruptive révolution annoncée se mue humblement en évolution. Vroomly s'est certes enrichi de l'expérience Originauto. Les sites de ventes de pneus en ligne s'adjoignent une diversification en pièces concurrencées. Les marketplace prospèrent. Des sites BtoC continuent à profiter des commandes de pros, semi-pros et autres blackeurs, sans abandonner complètement l'envie de structurer une offre vers les professionnels de l'entretien-réparation.

Mais malgré tout, les traditionnels élargissent encore leurs parts de marché. Ils réussissent même à reconquérir ce marché du pneumatique pourtant ultra-digitalisé et ultra-concurrencé...

Avec la fin d'Otop et le recylage d'Originauto, la preuve est à nouveau faite que celui qui sait associer des stocks de proximité en servant les attentes quotidiennes des réparateurs a encore de beaux jours devant lui. Surtout quand il sait s'hybrider de digitalisation pour insuffler modernité et efficacité dans son business model sans pour autant le remettre en question...

Jean-Marc Pierret
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