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Exclusif – PSA pense distribuer des pièces équipementières: mais le peut-il ?

Jean-Marc Pierret
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En parallèle de sa révolution logistique PR annoncée, PSA étudie discrètement une stratégie de distribution de pièces équipementières vers le BtoB, façon groupement de distributeurs indépendants. C’est certes dans le sens de l’histoire. Mais le constructeur a-t-il vraiment tout paramétré pour parvenir à l’écrire avec succès ? Est-ce seulement possible ?
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Une info venue de nos lecteurs-correspondants!PSA envisageant de se lancer dans la distribution de pièces multimarque équipementières et plus seulement estampillées Eurorepar ? C’était somme toute une option prévisible. En achetant Mister-Auto et au-delà des frictions générées à cette occasion avec ses réseaux, PSA a importé des compétences en pricing, sourcing et gestion de gammes de pièces équipementières. Précédemment, l’état-major de PSA avait été très impressionné par la fructueuse activité PR de la plateforme Opal (Ouest Pièces Auto Logistique) du groupe Dubreuil et plus particulièrement par sa voisine multimarque Autodistribution Auto Pièces Atlantique (également détenue par le même groupe) qui revendique 1 900 clients réparateurs indépendants. Et par les potentialités des quelque 10 autres plateformes du réseau qui ont déjà suivi cet exemple, au moins pour les pièces des deux marques...Et puis, soyons clairs : l’idée, aussi théorique puisse-t-elle encore être, n’est pas neuve en soi. PSA n’est sûrement pas le seul constructeur à l’envisager. Le seul niveau de la distribution indépendante de pièces de rechange pèse 5 milliards d’euros de chiffre d’affaires par an en France seulement, dont 60% transitent par la distribution traditionnelle et le reste, par les centres auto, spécialistes et autres pneumaticiens. Et ce, avec des marges sinon aussi confortables qu'avant, au moins toujours attirantes. Voilà qui, depuis longtemps, suscite des gourmandises frustrées du côté des constructeurs qui s’estiment lésés d’une part substantielle d'un marché leur revenant de droit...
De l'attractive théorie... à la dure pratique
Ce qui est en l'occurrence résolument nouveau, c’est qu’un constructeur, biberonné depuis toujours à sa propre pièce d’origine et du bout des lèvres à la MDD, se mette à réellement plancher sur la distribution de pièces d’équipementiers et sous leurs marques. Car parallèlement à la refonte annoncée de son schéma logistique en pièces constructeur et Eurorepar, PSA s’est bel et bien mis à penser plus large.Il a discrètement décidé de regarder comment les 40 à 50 plateformes qui doivent à terme concentrer la logistique PR de Peugeot et Citroën en France (et qui font d’ailleurs partie des 140 définies pour couvrir de la même façon l’Europe occidentale), pourraient finalement s’enrichir de l’expérience multimarque réussie du groupe Dubreuil. D’autant qu’en amont, le tout peut être irrigué depuis le centre PR mondial de Vesoul, victime de l’embargo iranien qui a effectivement laissé vacant depuis 2012 quelque 80 000 m2 jusqu’alors dédiés aux expéditions de 450 000 voitures en kit/an vers ce pays. L’équivalent de 11 terrains de football vides, sans compter les étages possibles, ça donne envie de jouer... D’ailleurs, 10 000 de ces mètres carrés sont déjà alloués aux gammes de Mister-Auto depuis le 1er juillet.Sur le papier, l’idée a évidemment du sens : un nouveau métier pour accroître le business pièces déjà réputé très lucratif, des décisions logistiques a priori compatibles, une compétence Mister-Auto permettant de construire des gammes multimarque pertinentes comme jamais : voilà qui est diablement convergent. Sans oublier bien sûr des équipementiers fournisseurs prêts à s’engouffrer dans ce nouveau potentiel marché, à commencer par ceux de la 1ère monte qui ne peuvent (ni sûrement ne veulent) rien refuser à un donneur d’ordres comme PSA. D'autant que la profitabilité de la rechange est sans commune mesure avec celle de la 1ère monte...Oui, sur le papier, “ça le fait”. Mais le constructeur paramètre-t-il vraiment tout ? Étudie-t-il tout ? Prend-il bien tout en compte ? Se donne-t-il tous les moyens de mettre sur le pas de tir sa fantastique ambition : venir boulotter le marché réservé et quasi-séculaire de la distribution indépendante ?
1er challenge : le complexe tissu logistique
Même si c’est loin d’être certain, admettons pour préalable que le constructeur ait bien pris conscience que le marché de la pièce multimarque exige d’entrée quelque 150 000 références “vivantes”. Juste pour entrer dans la partie. Juste pour se mettre à niveau de la concurrence des groupements indépendants. Admettons également que ces 40 à 50 plateformes, déjà définies bimarque (pièces Peugeot + Citroën) et en outre dédiées à Eurorepar, aient quand même prévu la très conséquente place complémentaire compatible avec une gamme multimarque équipementière digne de ce nom.Comment de toute façon servir le marché de façon satisfaisante avec seulement 50 plateformes ? Autodistribution revendique 355 points de vente et 1 million de références en comptant même les très faibles rotations, essentielles pourtant car très rentables. Groupauto (Alliance Automotive Group) affiche quant à lui 255 points de vente. Ces deux poids lourds de la distribution indépendante exhibent donc chacun, au bas mot, 5 à 6 fois plus de points d’irrigation PR que n'en prévoit PSA. Et pourtant, aucun des deux groupements n’a la réputation d’être dispendieux et inutilement dépensier.Il faudra bien que PSA en vienne à cet inévitable constat : son métier de vendeur VN exige un réseau de concessionnaires et filiales de 386 points de vente chez Peugeot et de 332 chez Citroën ; vouloir faire correctement celui de distributeur de pièces multimarque exige peu ou prou la même densité. Ce serait peut-être là une opportune façon d'apporter un lot de consolation aux DOPR (Distributeurs Officiels de Pièces de Rechange) disqualifiés par la concentration PR annoncée sur seulement 50 plateformes. Mais il ne serait pas si facile de leur “vendre” l'idée, à ces concessionnaires qui, actuellement, regarde plutôt de l'autre côté (voir «Pièces : PSA a-t-il ouvert la boîte de Pandore ?»)...
2ème challenge : l’exigeant service minimum
Il y a d'autres règles en distribution PR. La première, c’est le fameux taux de service. Pour les 150 000 références précitées qui font l’essentiel du business multimarque, atteindre et dépasser 95% est à la fois nécessaire et compliqué. Pour y parvenir, les groupements de la distribution indépendante se sont structurés à grand coup de plateformes régionales, de stocks techniques, en sus des distributeurs “historiques” déjà cités. PSA doit le savoir, lui qui d’ailleurs revendique des taux de service atteignant ou dépassant les 97% pour ses seules pièces de marque. Si le constructeur se satisfaisait d'un simple 85% de taux de service en pièces multimarque comme il semble vouloir le penser, l’offre risque d’être un peu trop courte.Mais au-delà de ce taux de service, il y aussi le schéma de livraison et les habitudes en la matière. Pour séduire les réparateurs indépendants, il faut que PSA se mette en position de promettre le même service minimum : quatre livraisons/jour en moyenne. Sans oublier les retours à gérer, le tout gratuitement et avec le sourire. Car pour que le réparateur puisse travailler sans perdre trop de temps, il faut souvent lui livrer plusieurs références pour une même demande. Il y a ainsi jusqu’à 20% de retours vers le distributeur pour ces pièces subsidiaires et ce, malgré l’indéniable compétence multimarque des magasiniers des distributeurs. Les supply chain les plus intelligemment définies ne peuvent s'affranchir du maillon le plus faible et le moins reparamétrable : le terrain, qui reste souvent allergique aux concepts structurants, étranger aux algorithmes miraculeux et habitué aux fausses promesses d’infaillibilité des catalogues électroniques de pièces...Et puis, quelle force de vente prévoir pour porter l’offre PR multimarque du constructeur ? Celle des seules 50 plateformes pour livrer potentiellement 35 000 ateliers indépendants ? Bonjour les kilomètres et les effectifs. Bonjour les coûts. Et bonjour l’insatisfaction des pros habitués à des délais de deux heures maxi pour les pièces courantes... Car ces 50 plateformes vont d’abord se justifier par leurs implantations dans de grandes conurbations. Bien à l'abri donc des MRA qui, eux, prospèrent dans les zones rurales et commencent à se raréfier dès qu’apparaissent les frontières extérieures des zones péri-urbaines...
3ème challenge : la nature même du marché PR
Tout cela nous amène à la façon dont il faut comprendre le marché PR pour l’appréhender dans le bons sens. Par habitude, PSA semble raisonner comme un constructeur pour qui l’offre VN conditionne la demande et la part de marché. Dans son monde, il lui faut proposer la meilleure voiture pour attirer et séduire un consommateur qui a simplement besoin d’un outil de mobilité et qui prend le temps du choix compliqué par une offre pléthorique.Mais pour le marché de l’après-vente et de son “sous-ensemble” de la pièce de rechange, la règle n’est plus du tout la même : c’est le besoin précis du couple réparateur-voiture qui détermine l'offre. Et d’une façon exempte de toute passion subjective. Le client automobiliste lui non plus ne choisit pas un entretien ; dans 90% des cas, il le subit. La plupart du temps, il ne prédétermine pas le besoin de sa voiture : il s’en remet au réparateur. Et le réparateur, lui, ne demande qu’une chose : avoir la bonne pièce, au bon moment et au bon prix pour entretenir ou réparer la voiture. Il attend effectivement une pièce de qualité, de préférence issue d’un équipementier de renom. Mais il ne fait pas non plus son marché comme on flâne devant plusieurs vitrines. Il s’en remet à son distributeur pour lui fournir “fissa” la pièce ayant le meilleur rapport qualité/rapidité/prix et marge.PSA se donnerait-il tous les moyens de réussir en pensant que 50 plateformes PR doivent pouvoir suffire, en imaginant un taux de service qui risque de plafonner à 80/85%, en oubliant que le réparateur indépendant ne s’intéressera à l’alternative PR multimarque de PSA –et surtout, ne s’y fidélisera– qu’à condition donc que le livreur PR vienne jusqu’à 4 fois par jour (et gratuitement) en reprenant sans broncher les pièces inutilisées ?
4ème challenge : la difficile gestion des chocs culturels
Un autre point-clé est, à n'en pas douter, le plus important, car le plus délicat de tous les fondamentaux déjà listés : la gestion de la friction culturelle. Car si PSA a vraiment l’intention de se lancer dans le métier d’un Autodistribution ou d’un Groupauto, il va devoir affronter et encaisser pléthore de chocs culturels. Dont certains seront immédiatement rédhibitoires et disqualifiants s’ils ne sont pas intégrés au projet dès sa conception.Le premier de tous ces chocs à amortir est lié à la nature intrinsèque de PSA. Le constructeur aurait-il tout prévu, tout paramétré, tout intégré pour atteindre un niveau d’offre similaire à celui de ses grands concurrents de la distribution indépendante qu’il ne pourrait gommer une évidence : il est constructeur. Donc ennemi intime, quotidien et principal des indépendants. Il est donc condamné à l'excellence en proposant d'emblée beaucoup mieux pour faire non seulement la différence, mais surtout espérer obtenir la préférence. Car le réparateur indépendant est du camp d’en face. Réseaux constructeurs et indépendants sont concurrents. Pièces constructeurs et pièces équipementières s’affrontent depuis toujours. L’avantage concurrentiel que doit apporter l’offre multimarque PR d’un PSA devra être monstrueusement supérieur pour espérer faire “basculer” le réparateur vers son offre.Un autre choc culturel peut émerger du choix de la force commerciale. Le constructeur peut évidemment demander aux magasiniers et commerciaux des concessions de s’en aller massivement chercher des commandes chez les réparateurs indépendants de leurs zones plutôt que d’espérer vainement le faire depuis 50 plateformes. Mais il faut d’abord les former et les convertir à l’offre de la pièce adaptable. Pas si simple après un siècle de culte voué à la pièce d’origine.Le constructeur peut aussi se dire qu’une “force de vente supplétive” peut s’en charger. Mais là encore, bon courage : même habituée à passer du parapharmaceutique au rayon jouet, pas sûr que ladite force de vente, externe par définition, s’imprègne facilement des codes très spécifiques du commerce de la pièce et s’attire l’empathie spontanée de bourrus MRA qu’il ne faut pas prendre pour des perdreaux de l’année et surtout, pas de haut. Cravates constructeur, costumes cintrés et verbiage marketing interdits...Ensuite, il faut aussi éviter le choc culturel des habitudes de marges. Sur ce terrain miné, PSA part aussi du fond des stands. Certes, les distributeurs indépendants sont toujours suspectés par leurs clients réparateurs d’en garder trop pour eux. Mais le constructeur, lui, par culture et par habitude, est encore plus confiscatoire. Il suffit d’avoir écouté les agents et concessionnaires Peugeot et Citroën au pire de la “grande crise Mister-Auto” pour s’en convaincre : les prix de vente PR sont unilatéralement définis par le constructeur sans tenir compte de l’offre tarifaire alternative équipementière. Pire : le constructeur semble proposer à ses RA1 et RA2 des niveaux de marge inférieurs, parfois de moitié, à ce qu’obtient couramment de son distributeur indépendant un réparateur du même nom.Mais PSA pourrait-il seulement construire une offre de marge similaire à celle attendue par les réparateurs indépendants pour espérer attirer à terme l’attention de ces derniers ? Sans risquer en tout cas d’avoir à revisiter brutalement et préalablement celle qu’il se réserve dans son business PR en oubliant les revendications de ses propres réseaux ? Tout se sait très vite dans le petit monde consanguin de l'après-vente. PSA le premier n’a sûrement ni l’envie, ni la possibilité de réduire la rentabilité de son propre pricing PR actuel, en tout cas pas avant d’avoir au moins conquis des volumes de ventes compensatoires chez les indépendants. Une structure attractive de la marge pour séduire les indépendants, c’est donc une quadrature de cercle : comment gagner du terrain chez d'autres sans préalablement commencer par perdre chez soi ?
5ème challenge : les incertains amis équipementiers
Reste une question et non des moindres : le rôle des équipementiers, surtout ceux qui font des centaines de millions d’euros par an avec les chaînes 1ère monte de PSA tout en ayant une réelle culture de la rechange. Ce sont les mêmes qui sont les fournisseurs-rois de Mister-Auto. Ils sont donc certainement et logiquement les premiers à être conviés à réfléchir à la stratégie PR équipementière que voudrait déployer PSA, même si rien ne filtre...Évidemment, ils savent tout ce que l’on vient d’évoquer. Évidemment, ils peuvent conseiller efficacement PSA pour l’aider à prendre le marché de la pièce indépendante par le bon bout ou, à tout le moins, à prendre conscience de tous ces points-clés à ne pas ignorer, au risque sinon de prendre un coûteux bouillon doublé d’un cuisant échec.Mais le feront-ils, ces amis équipementiers ? Pas si sûr, tant il est vrai qu’en ces temps de stabilité, voire de récession de l’après-vente, ce qui est pris n’est plus à prendre et que tout fonctionne de la même façon : une progression sonnante et trébuchante, même à court terme, est plus importante qu’une saine −mais moins immédiatement rentable− vision à long terme. Et à court terme justement, ne serait-ce que par la lucrative constitution des stocks et les prometteurs premiers mois de déploiement toujours exponentiels, l’initiative de PSA donnera de bonnes raisons financières à ses fournisseurs de détourner les yeux des écueils futurs et de clore les bouches qui voudraient les évoquer.Et d’ailleurs, s’ils le voulaient, les équipementiers pourraient-ils alerter PSA et “inspirer” sa stratégie ? Prendre le risque d’être ainsi classé traître à la cause de la rechange indépendante fait sûrement réfléchir à deux fois.En outre, les équipementiers dits de premier rang sont bien placés pour savoir qu’un grand constructeur, ça décide souvent seul, conseillé par un interne très prudemment politique et éclairé par de stratosphériques et influents consultants externes. Des consultants qui sont hélas de plus en plus nombreux à avoir compris que l’accompagnement harmonieux et savamment crédibilisé d’un désir exprimé est bien plus rentable à long terme qu’une agaçante contradiction qui pourrait énerver et disqualifier. Dans le délicieux métier du consulting haut de gamme, les conseilleurs ne sont certes pas les payeurs : mais ce sont les plus grassement payés...PSA l’aura en tout cas compris : s’il veut une ultime réassurance avant d’éventuellement appuyer sur un bouton qui lui coûtera de toute façon, qu’il réussisse ou non, plusieurs centaines de millions d’euros au bas mot, il peut nous contacter. On saura lui conseiller des gens sincères, discrets et fins connaisseurs de la rechange, tous capables de lui éviter quelques brûlures sur le chemin d'un enfer probable, même joliment pavé de belles prévisions...
Jean-Marc Pierret
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