Faux VO/vrais VGE (suite) : le procès d’Evry accouchera-t-il d’une souris ?
Trois ans de prison avec sursis, une mise à l’épreuve de trois ans et l’interdiction définitive de gérer une entreprise en lien avec le secteur automobile. Sans oublier l’obligation d’indemniser les victimes. C’est ce que le procureur de la République, Bertrand Daillie, a requis contre l’expert en automobile accusé d’avoir frauduleusement remis en circulation quelque 247 véhicules gravement endommagés (VGE), revendus ensuite comme véhicules d’occasion (VO) par des réparateurs complices. Le procès en correctionnelle, qui se tient au Tribunal de grande instance (TGI) d’Evry, dans l’Essonne (91), a connu sa dernière audience le 9 septembre dernier.
Dans le cadre de l’enquête, seulement 107 des 247 voitures concernées avaient ensuite eu droit à des expertises de sécurité –celles des propriétaires qui ont porté plainte– et 51 jugées effectivement dangereuses donc, in fine, interdites de circuler. Rapportés au nombre total de VGE remis à la route par cet expert de 39 ans, ces 51 véhicules encore dangereux, dignes d’être qualifiées d’épaves roulantes, représentent tout de même plus d’un cinquième du passif du professionnel. Et au moins autant d’automobilistes exposés à un accident grave dû aux malfaçons lors de la réparation…
Quid de la mise en danger de la vie d’autrui ?
Et pourtant, les faits «d’escroquerie, de manœuvres frauduleuses», selon les mots du procureur, et de mise en danger manifeste de la vie d’autrui n’ont pas suffi à pousser le magistrat à requérir une peine plus importante à l’encontre de l’expert. Et ce, alors même qu’une affaire similaire était née d’un accident mortel à Milly-la-Forêt (91 également), en 2014 : le passager d’un jeune conducteur avait perdu la vie dans la sortie de route de la Clio noire dans laquelle ils roulaient, véhicule acheté d’occasion mais en vérité VGE aux soudures dangereuses remis en circulation par un expert véreux, qui avait, lui, fini condamné à de la prison ferme.
De source proche du dossier, les avocats de la défense du prévenu d’Evry auraient toutefois réussi à instiller suffisamment de doute dans l’esprit du magistrat pour que celui-ci se montre plus clément que ce que la loi lui permettait de réclamer dans une telle affaire. Certes, aucun sinistre fatal n’a pu être imputé à l’un des faux VO/vrais VGE qu’il a permis de remettre à la route. Mais l’expert aurait pu faire les frais d’un réquisitoire plus sévère à son encontre. En effet, le procureur n’a pas retenu les chefs d’accusation d’escroquerie en bande organisée et d’association de malfaiteurs, quand bien même le prévenu comparaissait avec 26 réparateurs au total…
Combien d’accidents mortels potentiels ?
Pour la moitié de ces garagistes, le magistrat a requis la relaxe. Pour neuf d’entre eux, des peines de trois à six mois de prison avec sursis ont été demandées. L’un des prévenus fait toutefois face à une peine plus importante : un an d’emprisonnement avec sursis et l’interdiction de gérer une entreprise en lien avec l’automobile pour une durée de trois ans. Enfin, pour les trois réparateurs ne s’étant pas présentés à l’audience, un mois de prison ferme a été requis.
Des accusés qui peuvent cependant s’estimer heureux qu’aucune victime physique ne soit à déplorer suite à leurs agissements dans cette affaire… Mais pour combien de temps encore ? Car le nombre de véhicules supposés dangereux à la suite de tels méfaits dépasse allègrement le nombre de voitures concernées par ce procès. Les enquêteurs eux-mêmes estiment à plus de 2 000 le nombre de véhicules suspects n’ayant pas encore fait l'objet d'expertises de sécurité dans le cadre des affaires en cours…
Le « copinage » d’un « profiteur »
Si ces deux milliers d’épaves roulantes potentielles ne sont pas à leur imputer, ni à imputer à l’expert mis en cause dans le procès d’Evry, ce dernier également peut s’estimer heureux de ne pas avoir fait face à un réquisitoire plus ferme. Le procureur, en effet, n’a pas vu en lui un «délinquant profond» ni un membre d’un réseau d’arnaque bien établi mais un simple «profiteur» s’étant adonné à du «copinage» avec d’autres professionnels motivés tout comme lui par l’appât du gain facile.
Des suspects qui, selon les propos du procureur rapportés par nos confrères du quotidien Le Parisien, ne relèveraient pas du «concept de bande organisée [qui] implique une préméditation qui n’a pas été établie». Un peu comme si l’occasion avait fait le larron, en somme… Les larrons de cette triste foire devront toutefois attendre le 3 décembre prochain pour connaître le verdict du juge puisque l’affaire a été mise en délibéré à cette date-là.