Le CNPA exige une relance incluant la filière aval et stimulant la demande

Romain Thirion
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Préoccupé par les premières pistes de relance du gouvernement, qui entend porter d'abord ses efforts sur la filière amont de l'automobile, autrement dit la partie industrielle du secteur, le CNPA veut encourager celui-ci à apporter davantage de soutien, dès le mois de juin, aux entreprises de service, ce qui implique de stimuler fortement la demande des ménages et de désengorger dès que possible les distributeurs VN/VO des stocks faramineux qu'ils ont accumulé dès avant le confinement.
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Depuis plusieurs semaines, le CNPA fait les comptes et c'est peu dire qu'il attend du gouvernement une réelle prise en compte de son propre plan de relance, baptisé R³. Car, comme le rappelle l'organisation professionnelle, selon une étude menée par ses soins auprès des entreprises des services de l’automobile, quelque 30% des 141 900 entreprises du secteur (dont dont 79 075 sans salarié) risquent la faillite, « ce qui mettrait en jeu 40 000 à 50 000 postes, si les mesures adéquates n’étaient pas mises en
œuvre » pour leur permettre de résister à la grave crise économique engendrée par la pandémie de Covid-19.

« Les mesures d’urgence adoptées (chômage partiel en premier lieu) ont été très utiles pendant le temps du confinement mais elles ne suffiront pas à sauvegarder les entreprises du secteur si des mesures d’accompagnement spécifiques ne sont pas
rapidement mises en œuvre compte tenu des problèmes de trésorerie considérables auxquelles elles sont confrontées », insiste par ailleurs la fédération. Et ajoute que « la relance de la filière automobile repose non seulement sur les constructeurs mais
aussi sur l’aval de la filière, qui apparaît, à certains égards, comme encore plus fragilisée que l’amont (équipementiers et constructeurs). Il est primordial que les services soient accompagnés dans leur transformation, notamment digitale, qui est à l'œuvre, au même titre que l’industrie », estime le CNPA.

Peser sur le gouvernement

Seulement, c'est avec une crainte non dissimulée que le CNPA a vu arriver les premières propositions du gouvernement relatives au plan de relance de la filière automobile. « Il est à constater, à ce stade, que les premières propositions de mesures d’urgence émises par le Gouvernement sont destinées à soutenir l’industrie, mais ne portent pas sur l’aval de la filière, déplore l'organisation professionnelle. Ainsi, aucune disposition n’est pour le moment prévue pour répondre à l’enjeu d’immobilisation et de dépréciation des stocks des concessionnaires – les mesures d’urgence ciblant l’acquisition de véhicules électriques, mais ne répondant pas à la question de l’écoulement des stocks de véhicules thermiques et de véhicules d’occasion. »

A l'occasion d'un point presse destiné à rappeler sa position quant au plan de relance tout autant qu'à peser sur les décisions du gouvernement, Francis Bartholomé, président national du CNPA, convaincu de la nécessité de stimuler la demande des ménages, relevait d'ailleurs « qu'une relance massive qui n'inclurait que les 5% du marché que représentent les véhicules électriques et hybrides serait un coup d'épée dans l'eau ». Et Xavier Horent, délégué général de l'organisation professionnelle d'appuyer : « le plan de relance tel qu'il se dessine oublie le principe de neutralité énergétique alors que celui-ci figure dans le contrat stratégique de la filière automobile ». Celui-ci ajoute que « la France est aussi le pays des Gilets Jaunes et il est illusoire de croire que l'on pourra faire acheter autant de véhicules hybrides et électriques aux ménages modestes ».

Endiguer une chute inédite du marché

Parce que, côté marché, là aussi, le CNPA a fait les calculs et, selon les projections, la baisse des ventes de voitures en France pour 2020 devrait atteindre -30%. Un recul du marché du véhicule d’occasion de -19% est à prévoir, ce qui situerait le marché VO autour de 4,7 millions de transactions, soit un recul de 1,1 million, alors qu'il est le principal vecteur de renouvellement du parc roulant depuis quelques années. Or, pour écluser un stock de véhicules (non immatriculés et immatriculés) évalué, pour les seules concessions automobiles, à environ 4 mois de vente, soit une immobilisation de trésorerie correspondante de l’ordre de 10 milliards d’euros, l’introduction d’une refonte de la prime à la conversion revenue sa version de 2018 et sans conditions de ressources pour une action “coup de poing” pendant 6 mois, d’ici au 31 décembre 2020, est la principale solution envisagée par l'organisation professionnelle.

Mais le CNPA prévient : une telle prime doit également concerner les véhicules neufs et d'occasion essence et diesel Euro 6, ainsi que les véhicules utilitaires légers. « Nous sommes soutenus par plusieurs présidents de région dans notre démarche, précise Xavier Horent. Eux sont conscients que le renouvellement du parc et le maintien de la mobilité des Français en dehors des grandes villes ne peut pas se limiter aux véhicules hybrides ou électriques. » D'autant que, selon des données transmises par l’Argus, et sur un panel de 22 000 professionnels de l’automobile (concessionnaires, agents, marchands, garages, …), les stocks détenus sont constitués à 52% de véhicules diesel, à 44% de véhicules essence (soient 96% des véhicules thermiques), pour seulement 3% de véhicules hybrides et 1% de véhicules électriques. Donc encore moins que les 5% évoqués par Francis Bartholomé lui-même.

L'entretien-réparation pas oublié...

Le CNPA remet ainsi en avant les effets positifs d'un tel dispositif sur l'assainissement du parc, les efforts devant être focalisés sur les véhicules les plus polluants (Euro 1 à 4) qui représenteront seulement 10% du parc en 2030, mais près 40% des émissions de NOx et 70% des émissions de particules. La fédération met également sur la table l'idée d'une prime à l’achat d’un VN ou d'un VO dédiée aux acteurs et contributeurs au développement de la mobilité partagée, en particulier ceux inscrits sur une plateforme d'autopartage, lors du renouvellement de leur véhicule, à laquelle s’ajouterait un éventuel bonus lié à la motorisation vertueuse du véhicule et venant récompenser l’usage vertueux de celui-ci. Enfin, le CNPA envisage « des mesures de soutien spécifiques et ciblées en faveur des personnels soignants : il conviendrait de permettre à ces personnes de bénéficier en priorité d’une aide à leur mobilité, tel qu’un chèque mobilité, une prime à l’achat d’un véhicule ou une déductibilité d’impôt ».

Toutefois, la seule vente de véhicules ne permettant pas forcément d'atteindre des objectifs aussi ambitieux de relance et d'assainissement du parc, le CNPA mise donc également sur l'entretien-réparation, qui doit aussi être dotés de mesures incitatives pour encourager les Français à maintenir leur véhicule le plus conforme possible aux normes d'émissions polluantes et de gaz à effet de serre. Raison pour laquelle l'organisation professionnelle demande la création d'un chèque-réparation de 100 euros, accessible sans conditions de ressource, mais aussi « une baisse de la fiscalité sur les prestations du contrôle technique et de la réparation automobile s’agissant de visites non obligatoires contribuant par nature à une démarche volontaire (amélioration de la sécurité du véhicule, réglages anti-pollution) », ainsi qu'une réduction de la fiscalité sur la vente de pièces de réemploi (PRE), dans une logique de promotion de l’économie circulaire par les professionnels de l’automobile.

…les loueurs et les flottes non plus

Notant qu'un “Plan Tourisme” d'une dizaine de milliards d'euros (contre seulement 1 milliard pour la filière auto) a été annoncé par le Premier ministre afin de soutenir les entreprises du secteur et favoriser la “Destination France”, le CNPA pense aussi aux loueurs de véhicules, puisque la location constitue le 3e poste de dépenses touristiques des Français chaque année. Aussi, l'organisation professionnelle évoque son désir de voir mis en place un “Chèque Tourisme” qui pourrait intégrer la location de véhicules de courte durée (LCD). Et en ce qui concerne les véhicules de location de longue durée (LLD), en particulier ceux des flottes d'entreprise, le CNPA souhaite le renforcement du bonus écologique en faveur des personnes morales, car « les flottes représentent plus de 60% de l’acquisition de véhicules neufs ».

Ainsi, en cohérence avec les objectifs de la Loi d'orientation des mobilités (LOM) « et du fait de leur affaiblissement économique, il est aujourd’hui indispensable de soutenir leurs efforts dans le verdissement de leurs flottes », juge le CNPA. Dans cet objectif, ledit bonus doit revenir à 6 000 euros et être élargi aux véhicules hybrides rechargeables. En outre, le CNPA préconise la déductibilité de la TVA pour les véhicules électriques (VE) et hybrides rechargeables (VHR) acquis dans l’année suivant la sortie du confinement. Le point final de la longue liste de mesures destinées à la relance par la demande souhaitée par le CNPA.

Un soutien direct aux entreprises de la filière aval exigé

L'organisation professionnelle réclame toutefois au gouvernement qu'il n'abandonne pas les dispositifs qu'il a mis en place durant le confinement pour sauvegarder tant que faire ce peut l'emploi et l'activité des entreprises de la filière des services de l'auto. Craignant que seule la partie industrielle du secteur auto ne bénéficie, dès ce mois de juin, des efforts de l'exécutif, le CNPA demande la prorogation des mesures d’urgence (prêts garantis par l’Etat, mesures sur le chômage partiel et fonds de solidarité) jusqu’à l’automne 2020, la prorogation du dispositif du chômage partiel au-delà du 1er juin, prenant en compte le niveau d’activité réel des entreprises, l'exonération de charges pour les entreprises des services de l’automobile et une véritable sécurisation juridique de la responsabilité de l’employeur.

Pour ce qui est de l'activité même des entreprises de la filière, le CNPA réaffirme son souhait d'obtenir un aménagement des modalités d’organisation du travail et textes réglementaires sur le temps de travail et les heures supplémentaires pour la
période à venir d’ici fin 2020, un assouplissement, pour une durée temporaire de l’ordre de 6 mois à 1 an, du cadre actuel du travail dominical, aujourd'hui jugé trop contraignant, ainsi que le dégrèvement de certaines taxes spécifiques au commerce automobile prorata temporis de la durée du confinement (17 mars - 11 mai 2020). L'occasion pour le CNPA de faire réapparaître de vieux serpents de mer comme la taxe locale sur les enseignes et publicités extérieures (TLPE) et surtout la taxe sur les surfaces commerciales (TASCOM), qui concerne les commerces exploitant une surface de vente au détail de plus de 400 m² et réalisant un chiffre d'affaires hors taxe à partir de 460 000 euros, « car pendant la période de confinement, le chiffre d'affaire des distributeurs automobiles était loin d'atteindre ce montant. »

Romain Thirion
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