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Afrique de l’Ouest : « Le bon moment pour poser la première pierre d’une après-vente structurée »
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Le marché de l’après-vente africain encore non structuré semble prêt à évoluer vers des standards inspirés des marchés matures occidentaux. Commence à émerger des réseaux d’ateliers multimarques dédiés à un parc récent naissant. Et contre toute attente, la pièce “low cost“ ne pourra pas seule faire la loi ! Exemple avec AutoSP au Bénin.
« Il est enthousiasmant d’aller vers ces marchés qui sont mûrs pour se développer. » Et de l’enthousiasme, il en faut créer un réseau de garages sur un terrain quasi vierge où nul constructeur n’est implanté ! C’est l’aventure qu’a entreprise Luc Azilinon avec ses associés qui ont ouvert trois ateliers AutoSP à Cotonou, la capitale économique du Bénin. « Dans nos ateliers, nos équipes travaillent selon les meilleurs standards internationaux : DMS, système d’accès aux données techniques, d’assistance technique à distance, outil de diagnostic, matériel de dernière génération…C’était un impératif, sachant que nous accueillons surtout des véhicules récents largement issus de flottes d’entreprises ou d’administration », raconte celui qui a notamment contribué au développement du catalogue électronique d’Autodistribution en France. Une affaire qui fonctionne « car si le parc récent est encore minoritaire au Bénin, comme d’ailleurs partout en Afrique de l’Ouest, il est en progression et a des besoins en maintenance jusque-là difficilement servis ». Prochaine étape programmée pour début 2025 : l’ouverture d’un premier site en co-branding avec un pétrolier à Abidjan, en Côte d’Ivoire. « Ensuite, nous déploierons dans d’autres capitales de la région. »
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Tout reste à faire…
Un pari car les écueils à passer restent encore nombreux dans un écosystème où tout est à inventer. En premier lieu, la constitution des équipes d’atelier (dix par site) est un challenge. « C’est compliqué, mais nous avons créé notre écosystème en soutenant un centre de formation qui peut former une quarantaine de techniciens par an. » Autre défi de taille à surmonter : l’approvisionnement en pièces de rechange, compliqué par l’absence totale de supply chain premium. Résultat : les acteurs de l’après-vente se tournent vers les produits d’assez basse qualité disponibles sur le marché. Et avec ces produits “low cost“, ils ne peuvent pas s’aligner sur les préconisations constructeurs et donc les standards de qualité attendus par les possesseurs de véhicules récents, « alors même que cette clientèle est prête à payer le prix de la qualité », insiste Luc Azilinon. « Nous commençons donc à construire nous-même ces voies d’approvisionnement en pièces premium avec des partenaires européens. Mais nous sommes loin de couvrir tous nos besoins. » Cependant, ce patron de réseau d’ateliers multimarques reconnait l’avantage d’un parc constitué à 70 % de marques asiatiques (Toyota, Hyundai, Suzuki…) et quelques véhicules haut de gamme de marque allemande. « L’important est donc d’avoir un accès local aux marques asiatiques et un accès rapide pour les autres marques. Car même si les clients ont l’habitude de délais rallongés dans les ateliers, une logistique à flux rapide est aussi nécessaire pour assurer une productivité profitable pour l’atelier. »
Développement anarchique de l’après-vente
On sent une touche d’exaspération chez celui qui a créé un écosystème après-vente en Afrique. « À l’origine de nos difficultés, outre un parc récent encore réduit, l’absence sur ces territoires des constructeurs et de leur réseau propre, où autour se développe les réseaux multimarques. Le développement d’un écosystème après-vente est forcément plus anarchique. S’y ajoute le fait que les fournisseurs premium, habitués des marchés organisés, passent leur chemin, préférant orienter leur priorité de diversification sur l’Amérique du Sud. » Sauf que pour Luc Azilinon, il est faux de penser que le marché africain n’a pas besoin des équipementiers occidentaux. « On ne peut plus envisager l’après-vente sous l’unique prisme d’un parc affichant entre 16 et 20 ans d’âge moyen selon les pays. Il est en train de rajeunir – notamment grâce à la montée des flottes – et a besoin d’un niveau de maintenance qui dépasse largement ce que l’on peut fournir avec des pièces low cost. Donc le niveau d’effort des fournisseurs premium serait immédiatement couvert par les écosystèmes qui s’installent sur ces segments et qui seront de plus en plus demandeurs », plaide-t-il.
Cibler les capitales
Il en est persuadé : « C’est le bon moment de poser la première pierre d’une offre après-vente structurée et de qualité. Et cela est d’autant plus envisageable qu’il n’est pas nécessaire d’assurer un maillage étendu : il suffit d’être bien installé dans les capitales de chaque pays qui présentent de forts potentiels de croissance. » Pour y parvenir, il n’est pas non plus question d’espérer dupliquer les modèles occidentaux dans leur totalité : « Il faut être capable de proposer une offre soigneusement construite pour répondre précisément aux besoins des automobilistes, sous peine de passer à côté du business ».
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