Aliapur sur le ring

Muriel Blancheton
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Hervé Domas Aliapur

Niveaux de collectes retrouvés, économie circulaire dans l’ère du temps… mais un décret français qui veut toujours placer la filière sous tutelle et une décision européenne qui interdit les granulats. Explications sans détour avec Hervé Domas, le directeur général d’Aliapur. 

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2022, année du retour à la normale pour Aliapur ! Le parc circulant augmente, le nombre d’enveloppes vendues grossit également – tout comme leurs tailles – et l’équilibre revient entre les déclarations fournies par les pros (40 000 distributeurs de tous horizons) et les collectes à faire, soit 380 000 tonnes en volume (46 millions de pneus tourisme). « Cela correspond à 165 000 opérations de ramassage, soit une collecte toutes les 40 secondes ! », lance Hervé Domas. Le directeur général d’Aliapur souligne cependant combien l’envolée « affolante » du coût du carburant, impacté par le conflit en Ukraine, est venue heurter les collecteurs durement touchés. « Nous avons exceptionnellement augmenté les tarifs de la collecte pour les soutenir, le temps de voir les prix revenir sur des niveaux plus raisonnables. Et n’oublions pas que nos collecteurs sont également des broyeurs de pneumatiques, donc des consommateurs à haut niveau d’électricité. Et là également se pose le problème des renouvellements de contrats avec leurs fournisseurs. EDF en particulier a clairement abusé de sa position pour imposer des tarifs prohibitifs fin 2022 à des PME qui devront payer pendant deux ans (420 € le MWh au lieu de 80 € avant la crise, ndlr). Un comportement scandaleux pour une entreprise nationale qui met des PME en danger, sachant que les prix sur le marché européen ont déjà fortement diminué au premier trimestre 2023, de l’ordre de 120 € le MWh ! », indique Hervé Domas.

Ce dernier dénonce un effet d’annonce des pouvoirs publics sur la possibilité pour une entreprise de casser le contrat signé en pleine crise avec son fournisseur pour revenir sur des tarifs repositionnés. « Nous attendons toujours les textes ! Avec nos collecteurs, nous allons saisir des parlementaires pour qu’ils remontent ces questions en séances à l’Assemblée. » 

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La filière REP sous tutelle ?

Depuis vingt ans, la filière dite à responsabilité élargie des producteurs (REP)*, avec Aliapur en tête de pont (80% du marché), mais également France Recyclage Pneumatiques, collecte 100 % des pneus mis sur le marché. Mais depuis dix ans, les pouvoirs publics affûtent des textes pour intégrer la filière REP Pneumatiques dans le régime commun. Une mise sous tutelle qui sous-entend un agrément qui serait délivré aux éco-organismes pour poursuivre leur activité « qui fonctionne très bien sans être agréée », ironise Hervé Domas. Début mars, un décret a été sorti mais il doit être suivi d’un arrêté doté d’un cahier des charges, pour une promulgation fin juin. Le décret prévoit, outre le placement dans le régime commun la collecte de pneus issus d’opérations d’ensilage auprès des agriculteurs (dont le gisement est évalué à 800 000 tonnes environ), la mise à disposition sans frais par les éco-organismes auprès des déchetteries publiques qui en font la demande des contenants et équipements de protection individuelle…

* Dispositifs particuliers d'organisation de la prévention et de la gestion de déchets pour certains types de produits dont le pneumatique.

Les granulats bientôt interdits

Fin avril, une décision européenne devrait également interdire l’utilisation des granulats de pneus dans les gazons synthétiques, suspectés d’être une source de pollution aux microplastiques. Une décision qui fermera cette voie de recyclage pour la filière, « comme pour toutes les entreprises d’Europe d’ailleurs ! Le pire, c’est que même en démontrant chiffres et arguments réels à l’appui que leurs calculs sont rapides et leurs conclusions sont fausses, nous ne sommes pas entendus au niveau européen, ni même en France d’ailleurs, bloquée par des effets de manche qui ne servent que des ambitions politiques personnelles. Tout le monde veut être à l’origine d’un texte qui parle d’environnement, personne ne connaît réellement son dossier. Mais les conséquences néfastes sont bien réelles pour tout le monde », regrette Hervé Domas qui annonce un combat perdu d’avance, même si l’Italie, la Pologne, le Danemark et la Grèce se sont opposées à cette décision. Sans effet puisqu'ils n'ont pas la minorité de blocage suffisante.

Enfin, le nom d’Aliapur est apparu dans un dossier d’instruction mené par des juges contre Thierry Solère (ex-député LR entre autres), soupçonné de multiples trafics d’influence. Ce dernier a en effet mené des missions rémunérées par l’éco-organisme jusqu’en 2012, en tant que directeur des Affaires Institutionnelles. Tandis que l'ancien DG d'Aliapur de l'époque, Éric Fabiew, est également dans le viseur des juges pour trafic d'influence actif et abus de bien sociaux. Un boomerang que gère Hervé Domas, arrivé après les faits. « Aliapur est mis en examen mais comme toutes les entreprises qui ont travaillé avec Thierry Solere, parti avant mon arrivée en 2014. Les juges mettent à plat chaque dossier, et dans le cas d’Aliapur, il n’y avait rien de plus que ces missions cadrées. »

Muriel Blancheton
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