L’après-vente, dernier rempart des européens, mais jusqu’à quand...

Muriel Blancheton
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BYD

Dans sa stratégie de conquête globale, la Chine, avec ses constructeurs, vise l’Europe pour écouler ses modèles à batterie. Le SAV en plus ?

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« Chaque constructeur chinois possède quatre ou cinq marques dans son portefeuille, mais ne les commercialise pas toutes hors de Chine. Par exemple SAIC (maison-mère de MG) a vendu 230 000 véhicules en Europe en 2023, dont la moitié en Grande-Bretagne. Et BYD est désormais n°2 en termes de ventes », avance Benoît Brancheriau, Project Manager au sein du cabinet Roland Berger (lors du dernier IBIS Global Summit). Les constructeurs chinois bénéficient d’une forte verticalité dans la prise de décision, d’un sens de la collaboration très fort, d’une main-d’œuvre et d’une R&D peu chères qui leur permettent d’absorber les investissements plus rapidement, souligne ce dernier. Les droits de douane pouvant aller jusqu’à 40 % pourraient freiner leurs ardeurs, mais ils n’empêcheront pas les projets d’installation d’usines en Europe, même si à court terme ces droits de douane limiteront leur capacité à générer du cash.

Arrivée d’usines chinoises en Europe…

La construction d’usines en Europe est initiée par quatre groupes : SAIC, Geely (détenteur de Volvo Cars) et Cherry. BYD a annoncé l’implantation de sites en Hongrie et en Turquie dès 2025, lui permettant de contourner les barrières. On peut ajouter que ces dernières n’empêchent pas non plus la Chine de se développer sur d’autres marchés, là où l’Europe a cédé du terrain pour raisons politiques (Iran, Russie, Afrique…). En particulier avec des véhicules thermiques n’ayant pas besoin de respecter des normes aussi strictes que l’Euro 7, mais c’est est un autre débat…
Si l’offensive des constructeurs chinois avec leurs véhicules neufs électriques hors Chine est un fait, elle pose un certain nombre de questions en matière d’après-vente. Peut-on encore se gargariser d’une culture que les Chinois n’auraient toujours pas, et la brandir comme ultime bouclier protégeant nos réseaux de distribution et de réparation ?
Globalement, les européens estiment que les Chinois ont une méconnaissance du sujet après-vente car ces derniers pensent qu’importer leurs produits pour les vendre suffit. La vente avant tout ! « Ils découvrent souvent l’après-vente lorsqu’il est déjà nécessaire », nous rapporte-t-on. Ceux qui ont pris le sujet en compte ont installé en Europe un siège social, souvent basé aux Pays-Bas ou en Allemagne, assorti d’un magasin « pièces de rechange » en Belgique. Chez BYD, les pièces sont ainsi conçues en Chine, puis distribuées en Europe via une plateforme centrale basée aux Pays-Bas (99 % de ses références)
Mais cela ne suffit pas à donner une vision représentative de l’Europe et des vingt-sept Etats de l’Union européenne. Autrement dit, vingt-sept cultures. « Les marques asiatiques proposent une “road assistance“ européenne souvent moins bien-disante en couverture géographique que celles des occidentaux, parfois un recyclage de batterie et des outils de diagnostic en anglais… que ne comprennent pas les mécaniciens européens », observe Serge Cometti, qui a notamment participé aux lancements de MG puis Aiways et Maxus en Europe à partir de 2020. Mais preuve de la résilience des marques chinoises, MG (SAIC) et BYD se sont tournés vers les réseaux de concessionnaires pour leur distribution et le service après-vente. « En France par exemple, nous disposons déjà d’une quarantaine de points de service pour la réparation et l’objectif en 2025 est d’en compter une centaine. Il s’agit de concessionnaires formés à nos standards de qualité, y compris côté service client. Mais nous ne pratiquons pas la rétention dans notre réseau : nous sommes respectueux du libre choix du réparateur, tant que le garage choisi est formé à nos procédures. Nous comptons d’ailleurs créer une école de formation pour les enseigner », explique Yacine Ayd (regional service manager France).

Multiplier le SAV et les services à valeur ajoutée

Sur le terrain, la conviction reste que l’Europe est en avance par rapport à la Chine « dans la compréhension du client et de ses besoins ». Comprendre du multi-service personnalisé à chaque typologie de client et âge du véhicule. Et c’est bien là que les réseaux de concessionnaires, qui captent le véhicule électrique avant la rechange indépendante, peuvent placer leurs services fidélisants au-delà de quatre ans. Sujet prégnant quand on sait que l’après-vente représente 60 à 80 % du business d’un distributeur et que l’on parle de 30 à 40 % de perte de business atelier avec un véhicule électrique. Les nouveaux services fleurissent : Remote Diagnostic, remplacement des batteries, mais aussi une flopée de nouveaux services dès l’achat du véhicule (contrat de services, conciergerie, assistance téléphonique, borne de recharge, entretien-réparation à domicile…). Car le véhicule électrique est un véhicule comme un autre. Il roule et consomme des pièces. Après cinq ans, le passage atelier est obligé… et pas seulement pour changer les pneumatiques ! L’expérience électrique de la Scandinavie et des Pays-Bas, avec un parc roulant au-delà des 50 %, montre ainsi des réparations s’avérant plus margeuses que sur des thermiques, au vu du coût des pièces plus chères : boucle de refroidissement, amortisseurs, suspensions… sans parler de la batterie !

Capacité d’adaptation

Le service créatif et compétitif est bien la clé pour rester dans la course. Mais pour François Delion, le directeur Après-Vente Monde de Renault, c’est une course de fond aux côtés d’un compétiteur qui va vite. « La Chine apprend et progresse très vite. Mon atout actuel repose sur les services que je peux apporter sur nos marchés et l’expérience après-vente que je peux offrir aux clients. Ce qu’une marque chinoise ne peut pas encore apporter. Mais pour combien de temps ? La capacité des acteurs chinois à très vite combler leur retard n’est plus à démontrer. Pour maintenir notre longueur d’avance en SAV, nous devons progresser a minima aussi vite qu’eux… C’est une course de fond à mener sur tous les fronts : expérience de marque, qualité du service, phygitalisation, compétitivité… ». 

Muriel Blancheton
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