Ateliers des distributeurs VN : le dur chemin vers le parc âgé…
L’évolution du parc comme de l’environnement contractuel ne laisse pas le choix aux ateliers des distributeurs VN. Ils doivent au moins partir à la conquête des véhicules de la marque de 5 ans et plus, voire apprendre ce qu’ils ont toujours méprisé à la fois par culture et par obligations contractuelles : la réparation multimarque. Mais les défis sont nombreux…
Sacrés challenges auxquels la distribution VN européenne et, avec elle, son activité après-vente, sont confrontées. Par l’évolution de la législation européenne qui précipite les concessionnaires vers les inconnues du nouveau statut d’agent commercial. Mais aussi par la baisse des prestations après-vente que les véhicules 100% électriques (BEV) vont inévitablement susciter en premier lieu dans leurs ateliers.
Le glissement de la valeur
Car le vieillissement du parc roulant et la croissante déferlante de véhicules électriques dans les ateliers des distributeurs VN redistribuent les cartes de la valeur après-vente. Le glissement de cette dernière vers les véhicules âgés du parc roulant est une évidence mise en chiffres sur le marché français par GiPA, la société d’études après-vente. Une évidence valable sur l’ensemble des marchés matures, tant en Europe qu’ailleurs dans le monde.
Entre 2021 et 2025, la valeur du marché après-vente aura ainsi baissé de presque 10 % pour les véhicules de moins de 5 ans et, surtout, aura augmenté de plus de 12 % pour les véhicules de 5 à 9 ans. Une tendance qui devrait appauvrir le potentiel d’un parc de plus en plus âgé si la croissance du nombre et du vieillissement des véhicules full-électriques (BEV) suit la courbe ascendante promise par la fin des ventes de véhicules thermiques en Europe en 2035.
Pour les distributeurs VN qui, plus que jamais, vont devoir appuyer la rentabilité de leurs entreprises sur l’activité après-vente, pas d’alternative possible. Il leur faut rapidement conquérir les clients « thermique s» des 5 à 9 ans et, d’ici 2030, être en mesure de s’approprier les clients des 10 ans et plus. Ils sont certes les champions de l’entretien des flottes, marché en croissance s’il en est. Mais les gestionnaires de flottes, poussés par la nécessaire stratégie RSE, électrifient leurs parcs à marche forcée…
Les agents résistent
Les distributeurs VN doivent donc lorgner sur le plus logiquement accessible dans l’immédiat : les 5 à 9 ans de leurs propres marques. Mais cela revient à enjamber leurs partenaires historiques de proximité que sont leurs réparateurs agréés de niveau 2 (agents) sur les marchés où ils pèsent encore.
Seulement voilà : ces agents, s’ils ont compris qu’ils seront nombreux à perdre leur panneau, font rarement place nette aux ambitions de récupération de leurs concessionnaires. En outre, ils jouissent d’un bon capital confiance auprès de leurs clients. S’ils perdent le panneau, ils demeurent soit spécialistes de la marque qui les a débarqués, soit entrent avec leurs clients par la grande porte dans les enseignes multimarques qui les draguent de plus en plus ouvertement. Des enseignes où ils trouvent un rapport prix/prestations séduisant pour leurs clients historiques…
Car ces agents déchus, ou inquiets de l’être, sont autant d’opportunités stratégiques pour les têtes de réseaux multimarques qui ont un double challenge à relever : s’approprier au plus vite l’entretien réparation des véhicules récents aux si nombreuses ruptures technologiques, tout en s’organisant afin de résister à l’offensive annoncée des concessionnaires sur leur territoire. Les réseaux multimarques accueillent donc avec gourmandise ces agents formés et demandeurs en la matière, habitués à la discipline d’enseigne et structurés pour accueillir moult activités diversifiées (VN, VO, carrosserie, LCD, LLD…). Et revanchards pour avoir été exclus à la fois par leur concessionnaire et par leur constructeur !
Chocs culturels
En entretien-réparation mécanique, beaucoup de groupes de distribution auto suivent une autre piste de diversification : le développement d’enseignes de franchise multimarques historiquement organisées pour assurer la maintenance des véhicules âgés du parc, et d’ailleurs souvent spécialistes du pneumatique qui constitue le premier – et durable – motif d’entrées atelier.
Pourquoi cette approche externalisée à leurs propres ateliers ? D’abord parce que les freins à l’intégration pure et dure sont nombreux. Les ateliers des distributeurs VN sont peuplés à la fois d’outils et de productifs spécialisés monomarque, rompus à des process définis et surveillés par les constructeurs des marques distribuées. Ces ateliers sont en outre déjà remplis par les retours en garantie, les opérations de rappel et l’activité classique d’entretien-réparation dédiée à la ou les marques représentées. Pour d’évidentes différences à la fois culturelles et organisationnelles, impossible pour eux de partager l’atelier de la marque avec des réparations multimarques.
Ensuite, parce qu’il est difficile pour un atelier de distributeur d’accueillir des véhicules âgés de sa marque. Prix des pièces d’origine définis par les constructeurs, process exigés, formations imposées et taux de main d’œuvre dictés par tous les coûts de représentation : autant de facteurs qui rendent leurs prestations plus coûteuses que dans des ateliers multimarques, ce qui agace les clients prompts à comparer l’offre plus compétitive de la réparation indépendante. Et un client de la marque insatisfait, quel que soit l’âge du véhicule concerné, cela fait baisser le NPS (Net Promoter Score) qui fonde le calcul des bonus de fin d’année, donc de la rentabilité après-vente. Impossible en outre d’aller chercher des pièces de qualité équivalente ailleurs car la sanction est la même : si le ratio pièces d’origine/véhicules de la marque dérive d’une façon ou d’une autre, le bonus baisse.
Bref : pour les distributeurs de véhicules neufs, le nécessaire chemin à prendre vers le multimarquisme et son parc roulant âgé est encore pavé de bien des difficultés…