Bilan pneumatiques : 2023 toujours à vif
Un sell-in à - 4,5 % et 30 millions d’enveloppes écoulées par les manufacturiers et un sell-out à - 1,4 % et 21,3 millions d’unités revendues par la distribution : 2023 n’aura pas été un bon cru pour les pros du pneu. 2024, vite !
L’an passé, les manufacturiers ont dû patienter avant de vendre leurs productions, le temps du déstockage massif de la distribution. Résultat : une baisse de 4,5 % selon Europool (30,138 millions d’unités) et un sell-in tendu entre le segment du Tourisme à - 4,4 % et celui des camionnettes à - 13 % ! Seul le 4x4 sort du rouge (+ 4 %), en suivant la courbe d’un parc circulant nourri aux SUV. De leur côté, les points de vente signent une année également négative selon GfK (- 1,4 % pour 21,3 millions de pneus vendus). Une période moins compliquée mais plombée, entre autres, par les pure-players et des vendeurs traditionnels tout juste « sur l’épaisseur du trait », rapporte Régis Audugé, le directeur général du Syndicat du Pneu.
Sa comparaison sur dix ans de l’évolution des ventes de pneumatiques en TC4 se révèle très intéressante. Premier constat : la décroissance continue du Tourisme ! En sell-in par exemple, les manufacturiers jonglent entre les plongées et les remontées consécutives de leurs ventes à pros entrecoupées d’épisodes de crises sociales, sanitaires et économiques. « Si le sell-in baisse sur le Tourisme pour les manufacturiers, cela signifie que les consommateurs finaux achètent leurs pneumatiques ailleurs que chez les traditionnels », souligne Régis Audugé, suggérant un détour par des produits d’importation asiatiques, moins chers. Ce constat de baisse récurrente depuis 2014 est mécaniquement visible et indéniable en sell-out, entraîné par la diminution du kilométrage annuel et la hausse du car-bashing… avance Régis Audugé.
La part du lion pour les pneumaticiens
Hors Tourisme, le pneu pour 4x4x/SUV montre aussi des signes d’essoufflements depuis 2020, bien que les ventes VN soient encore vivaces (45 % des ventes en 2023). Des pneus aux dimensions plus larges, donc plus coûteux, à la grande surprise du client au moment du renouvellement, et qui se reporte là-aussi, très certainement, vers des enveloppes asiatiques à plus bas coût. Logique dans la mesure où en dix ans, l’inflation sur un pneu est plus que notable : il est 25 % plus cher qu’en 2013 (+ 34 % depuis 2015), mais paradoxalement un SUV a moins augmenté (+ 7 % vs 2013).
Ensuite, depuis 2017, les A perdent des points au profit des B, mais surtout, l’explosion du Budget (+ 18 %) relève du jamais vu ! Assez préoccupant ? Régis Audugé atténue cette conclusion en évoquant les 51 % restants de pénétration des Premium et une situation plus conjoncturelle que structurelle. Mais le conjoncturel peut durer longtemps…
Enfin, ce bilan annuel ne peut se clore sans parler de la progression insolente du Quatre Saisons : 32 % de part de marché, avec un volume passé de 250 000 unités en 2016 à 4,52 millions aujourd'hui. Et surtout, si cette enveloppe ne touchait pas jusqu’à présent au terrain de jeu du pneu Hiver, il se fraie un chemin dans ce pré carré depuis 2020…
Au final, les pneumaticiens s’octroient la part la plus large du chiffre d’affaires total, soit 965 M€ sur les 1,9 Md€ réalisés en TC4 du fait de leur positionnement sur des prix à plus forte valeur ajoutée. Et laissent les centres autos et les pure- players se batailler sur les prix…
Le consommateur en juge de paix sur le prix
Avec 112 € TTC en moyenne en TC4, soit + 4,3 % (dont presque 5 % sur le Tourisme), les prix relevés sont encore très hauts dans les points de vente. L’inflation a atteint son point haut en janvier 2023 avec les nouveaux barèmes de facturation (BF), provoquant une hausse généralisée des prix mais des stocks quasiment à zéro fin 2023 puisque les pros avaient anticipé ces hausses (effet de surstockage/déstockage). Au final, fin 2023, le pneu 4x4 est plus cher qu’en début d’année (184 €), le pneu pour camionnette est stabilisé (146 €) et le Tourisme a légèrement augmenté (113 €). « Les courbes sont assez typiques d’une période d’inflation, avec des coûts énergétiques contraints répercutés sur les prix. Reste à savoir jusqu’où le consommateur est prêt à payer un pneumatique dont le prix ne cesse de grimper ! C’est à ce moment précis que les prix sont corrigés à la baisse pour recapter les clients », note le Syndicat du Pneu.
Souffrance du Premium et du Tradebrand, santé insolente du Budget
Les lignes bougent également pour chaque niveau de marques en sell-out, avec un Premium toujours très attaqué de tous les côtés : - 5,6 % à 8,6 millions d’unités d’après GfK pour les marques A – 51 % de pdm – avec un report sur les deuxièmes lignes (marques B) et le Budget (+ 4 %). Mais quid alors des Tradebrand ? Les résultats sont négatifs, avec un - 2,4 %. Ces enveloppes estampillés « MDD ou exclusivités » sont fabriquées en Europe, avec par conséquent les mêmes structures de coût que les A et B. Ce qui, en période d’inflation comme actuellement, ne joue pas en leur faveur et ne les positionne pas comme des marques de substitution.
Le pneu poids lourd s’enfonce
Le sell-in PL a plongé de 16,4 % en 2023, et de 10 % en sell-out sur le neuf et de 19 % sur le rechapé. Au total, ce marché a généré en sell-out un CA de 942 M€, réalisé par les pneumaticiens qui réalisent la même performance qu’en TC4. À noter que le rechapé subit les mêmes problématiques que celles évoquées sur le Tradebrand en VL : un pneu fabriqué dans les usines de manufacturiers européens avec des structures de coût identiques au pneu neuf, gênées par les augmentations des matières premières et des factures énergétiques.
Depuis 2021, le sell-out a pris le pas sur le sell-in, constate le Syndicat du Pneu, soulignant en creux qu’on vend plus de pneus neufs PL chinois pas chers que de pneus neufs européens. Normal compte tenu des prix : un pneu neuf vaut 620 € HT en 2023, contre 568 € HT en 2022.
La répartition entre le neuf et le rechapé est déséquilibrée, avec 75 % de pénétration pour le neuf. « Le marché était à 50 % en 2014 entre neuf et rechapé ! Il est urgent d’agir ! », lance Régis Audugé, avançant comme argument inquiétant la demande des pouvoirs publics de mettre 50 % de pneus rechapés dans les flottes d’ici cinq ans. « Comment récupérer en cinq ans ce qui a été perdu en dix ans ? C’est quasiment mission impossible. »