Éco-entretien: un nouvel élan ?
Lot de consolation ou rampe de lancement ? Si ce ne sont que quelques lignes dans un océan de soutien à l’électrification du parc, l’inscription du principe d’éco-entretien contributeur à la réduction des émissions du parc roulant dans le contrat stratégique de filière (CSF) 2024- 2027 pourrait être le moteur qui manquait à la prestation d’éco-entretien pour réellement décoller.
Depuis dix ans, l'écosystème après-vente a multiplié les opérations séduction pour obtenir cette nécessaire visibilité. « Cette reconnaissance de l’éco-entretien remet sur la place publique l’importance de l’entretien des véhicules resté au second plan par des politiques qui ne pensent décarbonation que par le prisme de l’électrification. Cela devrait contribuer à donner un nouveau souffle à l’éco-entretien », se réjouit Étienne Diot, le délégué général de l’Association Eco Entretien (AEE).
Retour sur image : l’éco-entretien sort du bois en 2009 par la voix de sénateurs qui s’emparent du sujet comme outil anti-pollution. La Feda rebondit en lançant son label : un process encadrant la prestation grâce à du matériel Bosch, et soutenu par Spheretech avec son logiciel Easydiag, un analyseur 5 gaz permettant de mesurer l’état de santé des moteurs. Dans le viseur de la fédération, la promesse d’un contrôle technique intégrant le contrôle 5 gaz à partir de janvier 2017.
En 2018, les Assises de la Mobilité entérinent l’éco-diagnostic et l’éco-entretien, donnant le top départ pour le déploiement à grande échelle du dispositif ! Mais las... les politiques ont reculé, stoppant net une filière en plein élan vers la maintenance écologique.
Si le mouvement ne s’est pas arrêté, il a ralenti. L’association est devenue une “belle endormie“, anesthésiée par ces belles promesses politiques non tenues.
Accélérateur Mobilians
Changement de braquet en décembre 2022, lorsque le président de Mobilians prend la présidence de l’AEE. Fervent défenseur de la dépollution du parc roulant, Francis Bartholomé promet de mettre en marche toute la force de lobbying de l’organisation au service de la cause pour donner une seconde chance à la solution.
Premier signe d’espoir : l’intégration du principe de maintenance écologique dans le CSF. «C’est un aboutissement des quatre ans passés à faire reconnaître auprès des pouvoirs publics et dans la profession l’éco-entretien, à travailler pour faire avancer cette prise de conscience de l’importance d’entretenir le parc en termes d’émissions polluantes. D’autant plus importante que le parc continue de vieillir. Francis Bartholomé a donné un poids supplémentaire en portant personnellement le sujet », complète Étienne Diot. Mais avant de passer à l’étape suivante, reste celle, considérée comme vitale par Mobilians, de donner une caution scientifique au concept. Le but ? Cadrer les normes acceptables en matière d’émissions, validées par des organismes de certification reconnus. D’ici la fin de l’année, un nouveau cahier des charges devrait être finalisé, «débouchant sur la mise en place de nouveaux tests sur l’efficacité de l’éco- entretien pour réadapter la lecture des entretiens à la réalité du parc actuel ». Mais, insiste le délégué général de l’AEE, ce travail ne remettra pas en cause celui réalisé précédemment par l’association et les organisations.
Dans les starting-blocks
Face à cette valse-hésitation des politiques, les garagistes ont hésité à investir dans cette nouvelle prestation (matériel, formation), dont le retour sur investissement est loin d’être garanti sans le support du contrôle technique. « D’autant que les messages des politiques ne portent que sur l’électrique. La dépollution des véhicules thermiques, appelés à être éradiqués des villes, reste une solution floue pour les pros», rappelle Étienne Diot.
Ainsi, neuf ans après le lancement du concept, seulement 500 ateliers sont labellisés Eco Entretien – principalement chez Norauto, garages AD et Bosch Car Service. Très loin des 6 500 visés en 2016 ! En parallèle, certains réseaux ont sorti leur concept maison : Eco Révision (Technicar Services), Eco-Clean (Speedy), Ecomoov (Proximeca)... «L’éco-maintenance continue à se déployer à bas-bruit. Ainsi, Bosch s’est engagé dès le départ dans le programme d’éco-entretien en associant son analyseur 5 gaz au logiciel Easy Diag de Spheretech, créateur du concept et seul fournisseur du logiciel capable de transformer les mesures brutes des analyseurs en résultat de diagnostic. Et nous avons continué d’équiper les ateliers, qui seraient aujourd’hui plus d’un millier à même de proposer la prestation», note Franck Dupuis, directeur commercial Équipement d’Atelier Bosch France Benelux .
Réseau dormant de l’éco-maintenance
Approche confirmée par DAF Conseil qui reconnaît que si la formation dédiée au label Eco Entretien ne décolle pas, celles liées à l’utilisation d’une machine 5 gaz dans le cadre plus large d’un diagnostic sont beaucoup plus demandées. “Une armée“ d’éco-réparateurs qui pourrait “sortir de l’ombre“ le moment venu. En clair, si cette reconnaissance de la notion de gestion des émissions du parc roulant/ éco-maintenance débouchait sur une réglementation imposant de maintenir un niveau d’émissions de NOx comme l’origine, ou une incitation telle que le chèque-entretien demandée par Mobilians ! Pas sûr qu’avec 3000 Md€ de déficit, l’État n’en fasse pas une priorité !
Qualifiée de «véritable révolution culturelle» ou encore de potentiel tremplin, l’entrée au CSF pourrait aussi se faire “fausse joie“ comme en 2019 ! Car pour que réellement « cette démarche vertueuse de diagnostic poussé et de traitement des émissions polluantes du parc roulant » prenne la place qu’elle mérite, il faudrait une révolution “politique“. Car c’est à Bruxelles que se jouera la suite de l’histoire de la mobilité vertueuse. Selon un fin connaisseur du dossier, les changements de couleurs au Parlement pourraient faire pencher la balance vers la remise en cause du “Fit for 55“ et le fléchage des finances vers l’électrique. Mais faut-il finalement l’espérer ?