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Électrification du parc : « Plus qu’une transition, une rupture technologique »

Caroline Ridet
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OUV ELECTRIQUE intervention copie

Elle agace, inquiète… mais elle est en marche. L’avènement de la « watture » interroge distributeurs de pièces comme réparateurs. Y aller ou pas ? Et quand ?  Questionnements d’autant plus légitimes à ce stade qu’objectivement l’écosystème de l’après-vente multimarque a encore un beau business devant lui pour une bonne dizaine d’années…  Le confort d’un délai qui peut muer en piège ou être utilisé pour préparer la mutation. 

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Les ventes de véhicules neufs ont vécu un joli rebond au niveau européen en 2023, selon l’ACEA, avec 10,5 millions d’immatriculations (+ 13,9 % vs 2022). Dans ce paysage, le segment rassemblant les 100 % électriques et les hybrides rechargeables a progressé de 37 %, représentant 14,6 % des ventes. De quoi devenir la troisième motorisation préférée des Européens derrière les versions essence (35,3 % des ventes), ainsi que les hybrides non rechargeables qui représentent désormais une vente sur quatre (25,8 %). 

Même dynamique électrique en France. Sur un marché global 2023 à + 16,3 % – mais ne dépassant pas les 1,7 million de VN vendus, encore loin de nos historiques 2,2 millions ! – l’Avere annonce « une année 2023 de tous les superlatifs pour la mobilité électrique ». Près de + 50 % des ventes de 100 % électriques et + 28,5 % d’hybrides rechargeables pour une part de marché atteignant les 22,8 % (vs 9,5 % en 2020), dont 16,5 % pour les 100 % électriques. 2023 démarre donc sur un parc roulant électrifié de près de 1,6 million de véhicules. Ce n’est pas tant les 4 % que pèse ce segment sur le parc roulant que le rythme qui impressionne. 

Des freins encore structurels

Sauf que ce marché sous perfusion pour soutenir ces véhicules reste fortement soumis au risque que les gouvernements stoppent cette vague de subventions accélératrices de l’électrification. Pour mesurer l’impact sur les ventes de ce retournement de politique, l’exemple allemand est significatif. Sur un marché 2023 à + 7,3 % (2,84 millions d’unités), les ventes des versions hybrides se sont effondrées de 52 % faute de bonus suspendus fin 2022. Même arrêt en septembre 2023 pour les versions commerciales ! La sanction des acheteurs a été immédiate ! Et le même chemin risque d’être pris par les 100 % électriques puisqu’en décembre dernier le gouvernement allemand a stoppé net son programme de subventions, faute de budgets disponibles ! Et si les constructeurs ont décidé d’assumer le bonus supprimé sur décembre, pas sûr qu’ils continueront bien longtemps.

Les réparateurs indépendants encore hermétiques

Autant de signes qui alimentent les doutes chez les plus sceptiques sur le rythme d’installation de la « watture ». D’autant que la doxa (objective) qui prédomine dans l’écosystème de l’après-vente multimarque est qu’il reste dix bonnes années pour prospérer sur la maintenance du parc roulant thermique, qui continue de vieillir de trois mois par an depuis quatre ans. Pas de quoi alerter des garagistes aux carnets de rendez-vous pleins ! Ils ne sont donc pas pressés de se convertir à l’entretien de ces « wattures » dont la maintenance est réputée générer un revenu en recul de 40-50 % versus les versions thermiques. Et cela d’autant que le parc français électrifié est encore pour un bon moment happé par les ateliers de marque constructeurs. Résultat, l’ambiance est clairement au : « on a le temps de voir venir ». 

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GODEFROY Fabrice 2024

« Anticiper pour ne pas se faire doubler »

Mais attention « au piège de s’endormir sur nos lauriers », alerte l’impatient Fabrice Godefroy, DG d’IDLP et d’Alternative Autoparts mais aussi porte-parole de l’association hyper-communicante 40 millions d’automobilistes. « C’est dès à présent que le marché nous porte qu’il faut se préparer. Nous ne pouvons pas attendre que le parc roulant soit très significatif pour s’en préoccuper. Car ne nous y trompons pas, il ne s’agit pas d’une transition mais d’une véritable rupture technologique. Il faut donc impérativement anticiper. Y aller trop tard, c’est à coup sûr se mettre en marge de la bataille de l’électrique ! » 

Or, regrette Fabrice Godefroy, les équipementiers, « porteurs en première monte de ces innovations », ne montrent pas d’entrain à mettre sur le marché de la rechange cette première vague de composants dédiés aux VE. Pourquoi bloquer ce "time to market" ? La pression des constructeurs qui voudraient bien thésauriser plus longtemps sur ce parc VE qu’on leur impose ? Les équipementiers considèrent-ils qu’ils ont encore du temps avant de déployer leur offre en rechange indépendante et donc reculer le moment de devoir mener de front les performances d’approvisionnement sur les deux technologies ? « Ils ne nous donnent pas non plus assez d’informations sur l’univers électrifié. » 

L’écosystème dans les starting-blocks

Si la machine après-vente n’a pas encore passé la vitesse supérieure, elle s’active. Les organismes de formation sont sur le pied de guerre et commencent à ressentir une dynamique autour des sessions « Habilitation VE ». Du côté des enseignes de garages, les choses se mettent également en place. Si des acteurs importants ont choisi de rendre « électro-compatible » l’ensemble des garages à leur couleur (Autodistribution, Point S…), d’autres ont choisi de déployer des concepts/labels dédiés : le label Nexdrive d’AAG, « Moobi » de LKQ dernièrement complété label calibré pour les carrossiers, « Motorcraft Elec », le Pack EV de Bosch Car Service, et enfin Eurorepar Car Service vient d’annoncer le déploiement de son « Label EV ». Et d’ici la fin de l’année, Alternative Autoparts devrait proposer son concept. Mais pas question pour le DG de faire de la communication. « Nous ne le sortirons que lorsque notre cahier des charges sera suffisamment solide techniquement. » Y voir plus clair pour avancer plus vite, « d’où le travail du collectif des Experts de la mobilité qui ouvre tous les tiroirs, que ce soit technique ou humain, pour préparer une solution parfaitement opérationnelle ». Un accompagnement des acteurs de la rechange indépendante nécessaire pour désacraliser une « rupture » qui continue d’inquiéter les réparateurs. Ils savent aussi que de nouveaux acteurs pourraient tenter de les doubler s’ils ne s’engagent pas résolument sur cette nouvelle voie. 

Quel après-vente pour les véhicules 100 % électriques ?

Selon les premières remontées de l’exemple norvégien, précurseur en électromobilité et qui devrait atteindre à l’horizon 2025 75 % du parc électrifié (dont 28 % pour les VE vs 25% en 2023), les opérations après-vente sur les 100 % électriques génèrent 50 % de CA en moins vs les versions thermiques. Aux avant-postes, les concessionnaires norvégiens notent un plus fort taux d’accidentologie pour les VE, une augmentation des opérations de garantie/rappel et des coûts fixes. 

La climatisation, les pneumatiques et les organes de suspension & direction sont aujourd’hui présentés comme les prestations phares de demain lorsque le parc roulera à l’électrique. Le VE va impacter en profondeur la réparation. On changera moins de pièces « tournantes ». Et si on leur promet moins de prestations mais plus valorisés, l’exemple norvégien ne confirme pas cette perspective. La mise à jour régulière des logiciels est également mis en avant, mais loin des habitudes d’intervention des ateliers multimarques et surtout soumis à l’incertitude d’un libre accès aux données. Un peu court pour enthousiasmer les MRA.

Et enfin, quid de la batterie qui pèse 40 % de la valeur du véhicule ? « Sur les batteries Renault, tout est réparable », a insisté Laurent Claude, directeur de Gaïa, filiale d’écorecyclage Renault, lors du dernier CDA de la Feda. Mais cela demande une lourde formation. Outre l’habilitation aux interventions sur VE, il faut maîtriser le démontage, la sélection des organes à changer et disposer des équipements idoines. « Ce qui nous amène actuellement à centraliser ces interventions car il n’y a pas encore assez de volume pour multiplier les ateliers. »

Caroline Ridet
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