Filière automobile : transformer le dogmatisme politique en pragmatisme industriel
L'industrie automobile européenne est au pied du mur et il est grand temps de passer à l'action, a clamé Luc Chatel, lors de la Journée de la Filière Auto organisée par la Plateforme Automobile !
Le président de la PFA n'a pas manqué de souligner la gravité de la situation face à plusieurs menaces : une date butoir pour le "tout-électrique" devenue infranchissable, des ventes VE en berne, un consommateur oublié et une vague chinoise incontrôlable... Pourtant les solutions sont là, des "fenêtres de tir" existent... encore faut-il être écoutés par des politiques devenus sourds.
Le marché français s'est atrophié de 28 % en cinq ans, période pendant laquelle la France a perdu 1 million de véhicules en production (division par trois comparée aux années 1990), mais aussi 40 000 emplois. Un laminage social qui n'a pas terminé son travail de sape puisque 75 000 emplois sont menacés d'ici 2035 sur les 350 000 emplois restants dans l'industrie automobile française. « 40 % des activités des sous-traitants sont également menacés et 100 % des activités des fournisseurs sont potentiellement à risque », a lancé Luc Chatel à l'ouverture de la Journée de la filière Auto. Le président de la Plateforme Automobile a ainsi déroulé un constat alarmant d'une industrie frontalement touchée par plusieurs facteurs destructeurs de valeur :
• En premier lieu, la puissance de la Chine, devenue premier producteur mondial et premier exportateur mondial ! La part de marché des véhicules chinois en Europe est ainsi passée de 1 % à 7 % et les importations de véhicules chinois ont bondi de plus de 30 % depuis le début de l'année.
• Ensuite, l'objectif du 100 % électrique en 2035 est tout simplement devenu "irréalisable", avec une part de marché actuelle du véhicule électrique en Europe de 16 %, quand la trajectoire nécessaire pour être dans les clous de Bruxelles pour 2035 devrait déjà être au-delà de 25-27 % !
• Enfin, il est clairement évident que le consommateur n'est pas au rendez-vous du véhicule électrique, trop coûteux et ne répondant pas à ses besoins.
Pourtant, les réalisations de l'industrie sont conséquentes avec 73 Md€ d'investissement en R&D en Europe, et des véhicules qui en vingt ans émettent deux fois moins de CO2, trois fois moins d'oxyde d'azote et dix fois moins de particules. Las, se désespère Luc Chatel : malgré cela, le projet de loi de finances français prévoit que deux véhicules neufs sur trois vendus l'année prochaine seront taxés (malus). « Est-ce cela le soutien d'un pays face à son industrie ? », demande le président.
« Un îlot de non-compétitivité »
« Une petite fenêtre de tir existe. Il faut nous en saisir », estime Luc Chatel. Celle-ci repose sur plusieurs piliers. Tout d'abord, la coordination nécessaire et déjà réelle de l'ensemble de l'industrie automobile française, soit 3500 entreprises (constructeurs, équipementiers, fournisseurs). Celle-ci réclame une impérieuse nécessité de "flexibilité", de neutralité technologique et d'une approche multi-technologies mixant le véhicule électrique, l'hybride rechargeable, le e-fuel. Ensuite, la mise en place de clauses imposant le contenu local européen, sous peine de fragiliser a minima 40 % des fournisseurs. « La Chine, mais aussi les États-Unis et l'Inde, sont dans cette logique de contenu local. Certes, cela ajoute de la complexité, mais si nous ne le faisons pas, nos fournisseurs disparaîtront. Il ne faut pas créer au milieu du reste du monde un ilot de non-compétitivité ! »
Luc Chatel fait également le constat d'un différentiel de compétitivité sur l'énergie et les impôts de production, avec un écart de 20 % des coûts de production de la France par rapport à l'Allemagne ou l'Espagne. Enfin, le président s'est directement adressé aux politiques dont il attend leur soutien réel et concret vers la filière française via un front commun avec les responsables politiques européens, par une clause de revoyure réellement appliquée. « Flexibilité, souveraineté et compétitivité ! Ce sont les leviers qui nous aideront à peser de tout notre poids pour la défense de notre industrie. Soyons pragmatique, à l'image des Chinois qui travaillent sur plusieurs technologies en parallèle. Surtout, je veux entendre la France et l'Europe, prêtes à défendre leurs industriels, à reconnaître la réalité et écouter le consommateur final », a conclu Luc Chatel, soulignant qu'il était impératif d'arrêter d'opposer l'électrique au reste des motorisations. Du pragmatisme, encore et toujours...
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