M. Hendriksen, Nexus : «L’Afrique reste un marché compliqué, à multi-facettes»
Martin Hendriksen, vice-président du développement Afrique de Nexus Automotive International, décrit pour Zepros les complexités et potentiel des marchés du continent Africain.
Peut-on parler d’un marché africain ?
Martin Hendriksen : Le marché n’est pas uniformisé en Afrique. Chaque pays, chaque région et parfois chaque ville évoluent sur une échelle différente. Et si l’on regarde ce continent à l’aune des opportunités de business, huit à neuf pays pèsent pour 80 % du PIB du continent, principalement tiré par l’Afrique du Sud, l’Algérie (avec un business automobile quasiment à l’arrêt entre 2019 et le printemps 2023), l’Égypte et le Nigeria. Il n’y a pas de cohérence entre les différents marchés. Un pays comme le Nigeria, gros producteur de pétrole, affiche cependant un faible PIB par habitant et un taux de motorisation très faible (56 véhicules pour 1 000 habitants). À comparer à l’Afrique du Sud, qui a peu ou prou la même population mais un taux de motorisation plus élevé (173 véhicules pour 1 000 habitants). De fait, l’Afrique du
Sud reste une sorte d’anomalie sur le continent ! Avec une économie solide, un important parc de véhicules, une industrie assez mature, avec une structure de marché proche des pays occidentaux. Reste que partout en Afrique, on peut aussi trouver des acteurs performants. Exemple : AutoXpress au Kenya, un membre de la communauté Nexus, anime un réseau de 60 centres de montage auto qui a le niveau de compétences de gestion pour réussir et être à l’aise ailleurs dans le monde.
Les enseignes africaines réussissent-elles à dépasser les frontières de leur pays d’origine pour s’installer chez les voisins ?
M.H. : En général,il n’y a pas d’enseigne développée en Afrique qui a réussi à s’exporter. Certains réseaux d’Afrique du Sud ont tenté de s’installer en Australie, mais sans beaucoup de succès. Et bien sûr le Kényan AutoXpress qui a ouvert des sites en Tanzanie , au Rwanda et en Ouganda. Mais cette enseigne reste l’exception.
Et des réseaux non-africains implantés sur le continent ?
M. H. : Dans les pays francophones, certains réseaux français sont présents. De même, des acteurs du Moyen-Orient disposent d’implantations en Afrique, d’un réseau de succursales, mais pour répondre à des besoins très spécifiques. En fait, il s’agit en général juste d’implanter un point de distribution, un entrepôt, mais sans réelle stratégie de déploiement.
Il n’y a donc pas de mouvements d’expansion-consolidation ?
M. H. : Pas pour l’instant, mais cela pourrait changer. Car le tissu de l’économie africaine est constitué d’entreprises familiales. Formés dans des universités occidentales, les héritiers souhaitent de moins en moins reprendre l’entreprise familiale. Et je ne pense pas que la consolidation par des concurrents directs pourra se faire, faute de moyens financiers. Donc de grands groupes organisés, notamment venant du Moyen-Orient, joueront certainement un rôle dans la consolidation en Afrique.
Il se dit que le business est compliqué sur le continent...
M. H. : Il peut en effet être difficile de faire des affaires pour un Occidental sur ce marché qui n’est pas vraiment structuré. Certains fournisseurs occidentaux ont trouvé les ressorts pour adapter leur modèle économique et gérer les contraintes normatives qui leur sont le plus souvent imposées. C’est aussi cette façon africaine de penser le business, faisant parfois prendre des risques notamment financiers, qui rebute certains grands équipementiers de tenter la conquête de l’Afrique, qui de facto s’excluent du marché.
Le cas de l’Afrique du Sud est là encore différent. Car le modèle est proche de celui des Occidentaux faisant coexister marques premium, privées, et également des fournisseurs de pièces de moindre qualité, comme en Europe, aux États-Unis... Mais outre la pression inflationniste, il ne faut pas non plus oublier qu’en Afrique, le parc est très ancien. Est-il censé de monter des pièces premium et donc chères sur un véhicule qui affiche entre 16 et 18 ans d’âge moyen ? Pour regagner le terrain perdu, les équipementiers occidentaux doivent donc s’adapter à toutes ces contraintes, et plus spécifiquement celles des prix bas. Les Chinois, qui l’ont bien compris, ont d’ailleurs réussi à s’imposer en Afrique.