Réparateurs, pouvez-vous encore échapper à la pièce d’économie circulaire ?

Caroline Ridet
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BORG employee packing

Réglementation, professionnalisation et digitalisation, synonymes de plus de transparence sur la qualité et l’accessibilité facilitée, constituent les leviers contribuant à une accélération de l’appropriation par les pros de la PIEC. Le troisième baromètre Mobilians/GiPA montre une progression spectaculaire d'une perception favorable des réparateurs.

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Depuis 2020, la dynamique législative a porté la pièce issue de l’économie circulaire sur le devant de la scène. La loi Agec (Anti-gaspillage pour une économie circulaire) a alors marqué une étape clé en révisant la filière REP (responsabilité élargie des producteurs), amenant les industriels – et les constructeurs en premier lieu – à  faire entrer la PIEC dans leurs process industriels mais aussi à fournir aux centres VHU les référencements d'origine des pièces (demande des recycleurs). Cette avancée simplifie et accélère leur démontage et valorisation. Et les premières mesures commencent à se faire ressentir – avec l’effet pervers de déstabiliser la filière VHU qui avait déjà largement fait sa révolution – avec la mise en place de dispositifs par les constructeurs, tels que la création d’un département SUSTAINera chez Stellantis ou encore The Future Is Neutral chez Renault. En clair, on passe à la vitesse supérieure sur la constitution des circuits pour la PIEC. Et clairement, ces engagements ont également contribué à faire bouger les lignes ou tout au moins la visibilité de cette démarche durable. 

Et pourtant, déjà depuis l’arrêté d’octobre 2018, les professionnels de la réparation ont l’obligation d’informer le consommateur de son droit d’opter pour des PIEC...  Mais non coercitif, le texte n’a pas immédiatement déchaîné le ralliement des pros ! Il aura donc fallu, la pression des assureurs, la montée en puissance des constructeurs, des consommateurs sous pression pour que la PIEC convainquent les pros !  

D’autant que la professionnalisation de certains fournisseurs recycleurs, la forte digitalisation des offres facilitant leur accès, l’amélioration des délais de livraison, avaient déjà préparé le terrain. Plus de transparence, accessibilité facilitée, ont fini de convaincre les pros que la PIEC était à leur portée. Un ensemble de leviers levant de multiples freins, qui contribue à une accélération de l’appropriation du sujet PIEC par les ateliers. 
 

4 Md€
C’est le marché de la PIEC en Europe, soit 4 % du marché après-vente avec un objectif à 15 Md€ horizon 2040 (source : Valeo)

1 000 
centres agréés VHU produisent de sPRE, sur les 1 795 CVHU français, et à peine 300 les proposent en ligne.

PIEC : de quoi parle-t-on ?

93 % des pros (source : étude Mobilians/GiPA) disent savoir ce qu’est une pièce issue de l’économie circulaire (+ 16 % sur un an). Parmi eux, 12 % reconnaissent n’en avoir qu’une vague notion ! Quelles sont les différentes catégories constituant cette famille ? 
Réemploi : pièce dite aussi « d’occasion » prélevée sur les VHU, nettoyée et testée, sans autre intervention.
Reconditionnée : prélevé sur un VHU, l’organe est testé, nettoyé et le cas échéant modifié pour être fonctionnel et lui restituer ses fonctionnalités.
Remanufacturée : aussi appelée échange standard. Il s’agit d’une pièce d’origine usagée démontée par le réparateur et envoyée dans les usines du remanufactureur (système de consigne) et dont les composants usés ont été remplacés par du neuf. Produit modifié présentant les mêmes fonctionnalités et une durabilité équivalente à la pièce neuve.  
Échange-réparation : le réparateur envoie sa pièce à l’atelier qui va lui réparer et lui retourner après intervention.
 

Les ateliers font bouger les curseurs

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Name Perception et usage PIEC Mobilians GiPA 2024
Perception et usage des PIEC

Selon la dernière étude dévoilée par GiPA pour Mobilians auprès de 500 réparateurs (RA1-RA2, MRA, carrossiers et centres autos/spécialistes), utiliser la PIEC est une bonne solution pour remplacer une pièce qui n’est plus disponible en neuf pour 97 % des pros interrogés (+ 17 points vs 2023). « La PRE nous permet de pallier l’absence de pièces neuves. Nous avons ainsi trouvé une extension d’aile non disponible pour une Dacia Sprint et aussi pour une Toyota très récente. En revanche, en mécanique, c’est beaucoup plus limité », racontent Christopher Leseigneur et Romain Simon, les patrons du garage des Landes Fleuries de Dinan (22). Et pour 89 % (+ 24 points), la PIEC se fait avantage concurrentiel car économique. Cependant, reste 24 % des répondants pour estimer que c’est une « fausse bonne idée », mais leur part a chuté de 23 points en un an ! 

À noter qu’historiquement, dans les mœurs des pros de l’auto, la pièce remanufacturée (échange-standard) est considérée comme une solution pour 76 % des répondants (pour 24 % comme un problème !) contre 54 % à peine pour la PRE (pièces d’occasion). Explication de Patrick Poincelet, président Métier Recycleur Mobilians : cette catégorie est considérée comme une pièce neuve par le réparateur qui bénéficie aussi du relais de son distributeur. Au total, la moitié des répondants estime que la PIEC est une solution et la même proportion se dit favorable à leur pose (+ 10 points sur six mois), malgré (encore) 28 % de réticents (- 3 points). 

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Connaissance du terme PIEC Mobilians/GiPA 2024

Et contre-toute attente, les ateliers de marque ont fait leur révolution ! Ils sont les plus enthousiastes à poser des PIEC, à hauteur de 78 %, contre 67 % pour les MRA et 70 % pour les carrossiers ou les chaînes de centres autos/spécialistes.  Car s’ils sont aujourd’hui très favorables à 35 %, à peine 7 % étaient déjà dans cet état d’esprit un an plus tôt ! Et pour cause, il aura fallu attendre 2024 pour qu’ils se rangent dans la catégorie des ateliers concernés par l’obligation de proposer de la PIEC avec un taux de 88 %, soit 48 points de plus qu’à l’automne 2023 ! Les autres catégories ont également évolué sur ce critère, mais plus régulièrement pour être 77 % chez les MRA et 64 % pour les centres autos/spécialistes à se dire concerné et 83 % chez les carrossiers. Reste encore des "résistants". « On ne peut pas mettre une garantie sur une pièce peu fiable. Entre les pièces que nous recevons et qui ne correspondent pas parfaitement, les pièces abîmées et à refaire, on peut passer beaucoup de temps et finalement ne rien gagner. Je veux bien l’utiliser, mais pas dans n’importe quelles conditions », assure Yann Deduyer, carrossier à Lannion (22). Résultat : près de six réparateurs sur dix disent proposer systématiquement de la PIEC, une proportion uniforme chez les quatre familles ciblées ; pour quatre sur dix « uniquement si le client le demande » et un seulement 3 % déclarent ne jamais la proposer, contre 20 % en 2023.

66 %
des automobilistes se disent prêts à utiliser des PIEC pour les réparations (source : Opisto/OpinionWay)

89 %
des réparateurs estiment que la PIEC est une solution économique (source : Mobilians/GiPA)

57 %
des réparateurs proposent systématiquement de la PIEC, soit + 10 points vs 2023 (source : Mobilians/GiPA)

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DUBOIS Julien VALUSED

Reste l’équation économique

Le dernier frein qui subsiste chez les réparateurs : comment être rentable en margeant sur une pièce dont le tarif s’affiche entre en moyenne entre - 30 % (en Reman) et jusqu’à - 70% ? « Les réparateurs ont en tête les remises sur les pièces d’entretien, que l’on ne fait pas en PRE. Mais c’est un faux problème, car aujourd’hui le consommateur demande de la PIEC. Faut-il le perdre en s’arquant sur une pièce neuve, ou repenser son équilibre économique en pariant sur la fidélisation d’un client à qui on a sauvé le véhicule grâce à une PIEC », recadre Luc Fournier, directeur des activités Green et Innovation du groupe AAG (Back2Car). Une équation économique que l’on prend en compte chez Valeo « en mettant en place des tarifs permettant aux garagistes de vivre correctement tout en gagnant un client satisfait », assure Amaury Desombre, directeur Reman - Repair Groupe Valeo. 

C’est un changement de logiciel que préconise de son côté Julien Dubois, président de Valused et de Mobilians Remanufacturing. « Il ne faut plus penser en pourcentage pour calculer sa marge mais en euros, en appliquant la somme quasiment équivalente de ce qu’il gagne sur une pièce neuve ! Le client fait encore des économies et le professionnel ne perd pas d’argent ! Cette approche est de plus en plus admise par les grands prescripteurs, qui savent que c’est ainsi que la PIEC gagnera du terrain ! » Et pour encore faire progresser cet élan, Mobilians milite auprès des pouvoirs publics pour l’adoption d'une "TVA circulaire" à 5,5 %. Un dernier levier qui pourrait bien créer un effet vertueux.  

« Les concessionnaires n’ont pas le choix ! »

Stellantis avec SUSTAINera, Renault avec The Future Is NEUTRAL ou encore BMW avec Re:Cycle... Le sujet du recyclage n’est pas nouveau pour les constructeurs. Reste à diffuser largement cet élan dans leurs réseaux de distribution. Formations, sensibilisations et incitations financières via les RFA... Quand le chef d’orchestre lève la baguette, les musiciens répondent en chœur... « Au-delà des obligations environnementales, cela demande du temps pour intégrer ces nouvelles pratiques. Mais ils n’ont pas le choix ! Les distributeurs doivent s’approprier le sujet et nous les sensibilisons en permanence sur la réparation de pièces, de batteries, d’échange standard... », explique Vincent Salimon, le président du directoire de BMW Group France (également président de l’éco-organisme Recycler Mon Véhicule*). De fait, l’accélération des concessionnaires sur la pièce de réemploi est visible : neuf ateliers de marque sur dix (RA1 et RA2) se disent dorénavant concernés par l’obligation de proposer de la PIEC, soit + 48 points vs 2023 ; et huit sur dix sont partants pour poser des PIEC (Mobilians/ GiPA). 

Sur le terrain, Thierry Talbot, président de SAGA Automobiles en Nouvelle-Aquitaine (distributeur Peugeot, 52 M€ de CA en 2024), a pris le dossier en main. « Nous répondons déjà aux demandes des assureurs en pièces d’occasion dès les cinq ans du véhicule. Car ce sont eux nos premiers clients ! Viennent ensuite les clients finaux en quête d’alternatives pour réduire leurs coûts de réparation, mais cela reste plus marginal », répond-il. Pour tisser sa toile en pièces recyclées, il s’appuie naturellement sur Stellantis et le dispositif SUSTAINera et cherche des partenaires plus locaux. « Hors pièces de carrosserie, nous devons trouver la bonne pièce d’occasion au bon prix et sans faire exploser le temps de charge de l’atelier. » Une équation qui n’est pas si simple puisqu’une pièce d’occasion est unique par définition, « mais nous y travaillons »
* RMV connecte les constructeurs adhérents avec les centres VHU(1,3 million traités par an) de France. 
Muriel Blancheton
 

Caroline Ridet
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