Transformation du parc international : En finir avec «l’épouvantail électrique»

Jean-Marc Pierret
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atelier et vehicule electrique

Les temps sont au tout-électrique. Constructeurs, équipementiers, investisseurs, pouvoirs publics ne semblent plus penser et agir que dans une perspective d’une fin du thermique ressentie comme imminente. Une quasi-dystopie qui va jusqu’à menacer la réalité des besoins de l’aftermarket mondial...

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S’il est une pensée unique qui agace et inquiète Gaël Escribe, le CEO de Nexus, c’est bien celle-là : « Il faut mettre un terme aux perspectives apocalyptiques qui présentent à horizon 2035 un aftermarket rongé par l’électrification du parc des pays industrialisés. D’abord, parce que je ne crois pas à la radicalité de cette mutation; ensuite, parce que l’infrastructure (production, transport et recharge électriques) n’est pas alignée sur les perspectives de certains cabinets de conseil. Quand on regarde les limites en la matière de l’infrastructure italienne, on a déjà un bel exemple de contradiction. »

Même l’industrie automobile confesse officieusement n’avoir pas les moyens d’une transformation aussi rapide. «Derrière les grandes communications officielles saluant le tout-électrique, il existe chez les industriels des plans beaucoup plus pragmatiques qui tablent sur des hybridations de solutions bien plus diversifiées.»

Le monde auto ne peut être tout-électrique

Car pour Gaël Escribe, cette vision du tout-électrique va inévitablement trouver ses limites : «On oublie l’impossibilité d’accès à l’électrification massive pour l’ensemble des pays émergents.»

Il rappelle ainsi que si les pays développés comptent jusqu’à 800 véhicules (VP, VUL et PL) pour 1 000 habitants, la moyenne du taux de motorisation mondial n’est encore que d’environ 200 pour 1 000, dont 223 en Chine, 49 en Afrique et... 33 en Inde, trois zones qui représentaient en 2022 près de la moitié des 8 milliards d’habitants sur la planète. Une moitié qui n’a massivement que la solution thermique pour accéder à la mobilité. «Le parc va donc nécessairement évoluer vers plusieurs solutions et rester massivement thermique à l’échelle planétaire», prédit-il.

Mobiliser pour réagir

Du coup, il y a urgence. «J’essaie de ramener à la raison certains cabinets de conseil qui rendent la tâche difficile à tout l’aftermarket en agitant l’épouvantail électrique auprès des investisseurs qui se retirent du marché de la rechange.» Or, martèle-t-il, «nous avons besoin de la communauté financière pour préparer l’avenir et financer la consolidation du marché comme de ses innovations »

Il devient presque vital de mobiliser des voix un peu plus éclairées que la seule vision électrique qui mobilise les stratégies politiques et financières. « C’est un sujet de fond qui doit inspirer urgemment le leadership du secteur», invoque-t-il. Ce sera donc l’un des thèmes qui seront abordés lors du rassemblement mondial de Nexus à Monaco destiné à fêter les dix ans de l’organisation et, bien sûr, d’évoquer les défis des dix prochaines années... 

Vive le thermique

La transition énergétique à marche forcée du marché européen est considérée comme une aubaine par certains pays. Ainsi, la mutation du parc européen sous la contrainte des réglementations plus sévères en termes d’émissions, et sans même attendre son électrification, est considérée comme une chance de l’autre côté de la Méditerranée ! 

En effet, les acteurs de l’après-vente au Maghreb, ou même en Afrique, espèrent capter la manne de cette déferlante de véhicules thermiques relativement récents (en Afrique, l’âge moyen des véhicules d’occasion importés est de 10 ans) pour donner un coup d’oxygène à leur business lié à l’entretien courant avec ses ventes de lubrifiants, organes de freinage et autres pneumatiques...

Jean-Marc Pierret
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