[Atlas Europe] Christophe Espine, NTN, « Les équipementiers sont garants des forces OES/IAM »

Muriel Blancheton
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Comment se comporte le marché du roulement ?Christophe Espine : Il y a encore de la croissance, marquée par une dichotomie selon la géographie, et cela vaut pour tous les acteurs. L’Ouest est atone, c’est un marché où il est devenu vraiment compliqué de croître, avec des parts de marché déjà établies et un parc qui se fiabilise, impliquant des marges de progression plus faibles. Les dernières générations de roulements ont des taux de remplacement moindres, même si le prix unitaire est plus élevé. Il n’y a pas ou peu d’intervalles de changement en courroie de distribution. Les leviers viennent encore de l’Est avec la Pologne en tête de pont, même si des à-coups surviennent, tirés par des variations de taux de change. Les parcs roulants sont à la fois très âgés ou très jeunes. Et c’est bien sur ce dernier facteur que nous nous positionnons pour proposer de la pièce d’origine. Nous nous sommes structurés pour mieux adresser ces marchés commercialement et logistiquement. Là-bas, les acteurs de la distribution sont plus gros. Ils recherchent des fournisseurs de la même taille. Ce ne sont plus des marchés à faibles marges. En Afrique du Nord, l’expansion vient du rajeunissement du parc, des besoins accrus sur des pièces plus techniques et un niveau de prix moyen plus élevé. Globalement, quel que soit le marché, nous observons une poussée sur les kits (roues, distribution), même en Allemagne, réputée plus axée sur des produits en détail.
Les frontières OES/IAM sont-elles toujours aussi visibles ?C. E. : Il y a une obsolescence programmée de cette vision fragmentée du marché. Parce que la demande du client est remise au cœur de la réponse avec des offres plus structurées et une meilleure cohérence de prix. En clair, des offres mieux segmentées et adressées. Les équipementiers se retrouvent toujours entre le marteau et l’enclume, entre les constructeurs qui portent leurs marques et les distributeurs qui portent les leurs. Mais ils sont garants de l’équilibre des forces. Ils fournissent les deux marchés, garantissent l’accès aux pièces, l’information technique, la formation, et ils portent l’innovation. Le rapport de force change entre OES et IAM, équilibré par l’équipementier, par ses choix, par la prise de conscience des conseils d’administration sur l’importance de l’aftermarket. En quatre ans, tout le monde a investi en logistique, dans les équipes, dans les plateformes de données, dans l’accessibilité et le développement des produits, la donnée technique… Chez SNR, nous investissons même sur des lignes dédiées à la rechange dans des usines première monte, originellement dédiées aux productions en volume. La rechange pour l’industriel a des contraintes différentes d’agilité et de réactivité de changement de ligne. C’est un axe de croissance du groupe. La concentration a structuré ce marché, c’est vrai. Mais malgré la pression sur les prix, il y a une cohérence marché plus forte. À nous d’être agiles pour nous redonner des relais de productivité. Cela nous remet face à nos responsabilités.
On parle beaucoup du BtoB online poussé par de nouveaux concepts révolutionnaires. Qu’en pensez-vous ?C. E. : Simple canal de commande ou vraie rupture avec un système de livraison ? On parle beaucoup d’Amazon, mais a-t-il bien compris que le marché de la distribution était basé sur la diversité pour couvrir les besoins du parc, avec des rotations différentes ? Va-t-il proposer du prix avec une offre restreinte, donc inintéressante pour le pro ? J’élargirais plutôt cette thématique sur la digitalisation. Le marché de la réparation doit se préparer à intégrer ces nouveaux phénomènes. Pour l’heure, l’Europe est plus avancée que la France, je pense. En Pologne, la digitalisation de la commande PR est une norme, avec le réparateur qui se connecte sur la plateforme de son distributeur. En France, la commande se fait encore dans 80 % des cas par téléphone. Cela suppose également, pour obtenir la pièce très vite, de mettre moins d’intermédiaires entre le lieu de la commande et le lieu du stock, avec des plateformes nationales ou locales au milieu… mais il faut anticiper la consommation de pièces. D’où l’arrivée d’Otop, qui a bousculé le réparateur sur ses délais de livraison. Cela suggère une anticipation, mais n’inclut pas les aléas d’une révision (filtres, freins, rotules…). Cette digitalisation sera un vrai révélateur du changement. Aux États-Unis, la présence du Web est beaucoup plus forte, comme en Russie qui est hyperdigitalisée. Mais ces phénomènes sont également liés à la taille des territoires.
Les marques privées peuvent-elles débarquer en Europe comme en Amérique du Nord ?C. E. : La notion de marque est très diluée aux États-Unis, et cela peut être inquiétant pour nous, en tant qu’équipementier. Uniselect est très pourvoyeur de marques de distributeurs là-bas. La concentration et la course à la taille poussent logiquement les gros distributeurs à mettre en avant leurs propres marques, plus que celles de leurs fournisseurs. Entre la marque de l’équipementier, les OES, les privées, les budget… nous ne devons pas perdre pied. La MDD poursuivra son chemin, c’est certain, mais elle sera peut-être moins sur la pièce technique que le consommable. Dans tous les cas, nous devons rester en veille.
Les rachats d’équipementiers vont-ils se poursuivre ?C. E. : Je peux rappeler que le Français SNR a été racheté par le Japonais NTN il y a déjà dix ans ! Plus récemment, nous avons vu les rapprochements entre ZF et TRW ou encore Tenneco avec Federal-Mogul. Des mastodontes sont en train de naître. Mais ces fusions sont faites pour réaliser des économies d’échelle permettant également de poursuivre les investissements dans l’innovation. L’objectif vise clairement l’OE. Et face à cela, d’autres mastodontes, cette fois dans la distribution, fusionnent également, exigeant des équipementiers sur le marché de la rechange de la souplesse et de la réactivité. Il y a une accélération des mutations. Pour qu’elles demeurent encore maîtrisables, il faut anticiper.Muriel Blancheton
Muriel Blancheton
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