[Atlas Europe] Franck Jolly : « Wolf Oil attise de plus en plus la curiosité des réseaux constructeurs »

Muriel Blancheton
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Comment avez-vous traversé la période 2020 ?

Franck Jolly : Nous avons vécu trois mois difficiles de mars à mai en chutant de 50 %, mais nous n’avons pas coupé dans nos effectifs pour autant, simplement gelé temporairement certains recrutements et adapté le temps de travail. Nous avons réadapté très rapidement nos solutions Supply Chain et nos plannings de production (33 % du CA est réalisé en OE). Nous avons sécurisé les approvisionnements de nos fournisseurs d’additifs et d’huiles de base (avance de trésorerie), et maintenu la production et la livraison avec le même niveau de service qu’en temps normal, soit 95 %. Durant cette triste année, nous avons maintenu à flots le bateau. Nous avions projeté un CA global de 240 M€ en 2020, nous sommes à 210 M€ (vs 205 M€ en 2019). Une légère croissance avec une meilleure performance pour la partie Private Label en OE et IAM – 50 % du CA – qui vient compenser un léger retrait sur nos marques propres Wolf Oil et Champion. Nous sommes toujours les petits poucets du lubrifiant avec un volet d’affaires réalisé à 80 % avec les distributeurs PR.

Quelle analyse tirez-vous de cette situation inédite ?

F. J. : Premier constat, c’est lorsque les visites clients sont interdites que l’on se rend compte de l’importance du relationnel et de la confiance tissée au fil des années avec les partenaires. Autre point majeur, c’est l’importance d’avoir une excellente trésorerie qui permet de résister en cas de pépin. « Cash was king before the crisis, now cash is super king… », entend-on. C’est vrai. La rigueur est de mise.

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Y-a-t-il des gagnants dans ce genre de situation ?

F. J. : Mis à part le segment et flottes PL hors autoroutes (engins de chantier …), qui ont moins souffert que le VL et PL, il n’y a pas de grands gagnants dans notre industrie quand la demande globale chute. Nous avons beaucoup parlé des acteurs du Web qui ont bénéficié de ventes additionnelles, mais nous observons toujours que ce business model n’est pas pérenne et profitable à moins d’être intégré intelligemment à certains distributeurs, équipementiers ou constructeurs. Ce qui est sûr, c’est que ceux qui ont su s’adapter rapidement à cette crise et rester positifs ont été moins pénalisés que le reste de l’industrie.

Comment l’IAM peut-elle sortir plus forte de cette situation ?

F. J. : L’IAM doit jouer son rôle face aux lobbys du monde politique et économique et doit sortir de l’ombre de l’OE. Il faut ainsi s’organiser pour faire front commun et essayer de parler d’une seule voix. Même si certaines initiatives locales ou européennes tentent d’être mises en place afin de créer des synergies, nous avons pris du retard sur le front de l’unification vis-à-vis d’autres industries. D’autre part, il y a des vagues de fond auxquelles nous devrons faire face comme l’hybridification et l’électrification. Sur l’hybride, nous avons une gamme lancée il y a dix-huit mois et enrichie cette année (trois à six mois de développement pour un produit). L’environnement électrique ne nécessite pas de lubrifiant, mais nous nous positionnons sur des segments à plus forte valeur ajoutée sur la partie fluides.

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Les acquisitions ou cessions faites ou programmées ?

F. J. : En tant qu’entrepreneurs nous restons bien entendus attentifs afin d’alimenter notre plan de croissance pour les trois années à venir. Ceci dit, nous n’avons rien dans le viseur pour 2021. Notre priorité est de continuer à investir fortement sur nos deux marques afin de pouvoir nous différencier et conquérir de nouvelles parts de marché. Nous sommes présents dans plus de cent pays dans le monde, mais nous sommes encore challengers sur la majorité des pays d’Europe, notamment en Europe centrale où nous avons encore de nombreux trous dans notre distribution.

Quelles sont vos poches de croissance ?

F. J. : La diversification géographique est une source de revenus, notamment sur le continent américain et l’Asie-Pacifique. La diversification par segment est également source de croissance (80 % du CA en VL), grâce aux deux-roues et aux camions off-road (construction, minier). Enfin, les constructeurs européens et leurs réseaux de marques sont des leviers. Nous les intéressons. Ils commencent à nous consulter car ils cherchent des solutions alternatives à leurs offres OEM historiques. Notre production est centralisée à Hemiksem près d’Anvers. Nous produisons 130 millions de litres sur un site de 80 000 m2. Cette centralisation nous permet d’avoir un contrôle strict des matières premières, flux et processus afin de garantir un niveau de qualité OEM constant. Au niveau logistique, nous avons des plateformes nationales en France, Belgique, Pays-Bas, Allemagne et depuis 2020 au Danemark, en Italie et en Chine. Pour le reste des marchés, nous fonctionnons sur une logique export. Commercialement, nous sommes organisés en six régions (Europe de l’Ouest, Europe Centrale et de l’Est, Russie-CEI, Afrique Moyen-Orient, Asie-Pacifique, Amériques) avec des bureaux des vente installés dans la grande majorité de ces zones.

L’économie circulaire en mode industriel peut-elle être un levier de croissance ?

F. J. : Bien sûr, d’ailleurs nous avons un partenariat signé en 2020 avec Four Motors, une écurie Porsche vraiment unique car elle fait des courses écoresponsables. Cette approche nous permet de tester des lubrifiants régénérés dans le monde exigeant de la course. C’est une opportunité exceptionnelle pour introduire les lubrifiants de demain sur le marché, une gamme sport en premier lieu… Nous poursuivons également nos efforts pour réduire nos émissions de CO2, et nous investissons dans une mobilité plus respectueuse de l’environnement, pas seulement sur la piste, mais aussi sur la route, car nous souhaitons répercuter ces connaissances sur les nouveaux lubrifiants que nous apporterons à terme sur le marché.

Les salons n’ont pu se tenir. Le digital peut-il combler cette carence en visibilité ?

F. J. : Le digital a joué un rôle essentiel : être visible auprès des ateliers - nous étions présents sur Garagexpo chez AAG, ou auprès des distributeurs via les événements organisés par les ITG (Groupauto International et Nexus International). Nous avons aussi organisé notre propre séminaire pour présenter notre feuille de route à nos clients. Et sur le premier semestre 2021, nous mettrons en place de nouveaux événements régionaux également digitaux avec nos clients. Mais c’est une alternative qui ne remplace jamais un salon en présentiel. Nous sommes tous logés à la même enseigne sur ce point car la plus grande difficulté tient au développement de nouveaux clients et à la prospection, ralentie par la même occasion.

Muriel Blancheton

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