[Atlas Europe], Hutchinson : "Nous sommes un outsider sur un secteur hyperconcurrentiel"

Muriel Blancheton
Partager sur
Zepros : Pouvez-vous faire un point sur votre logistique globale ?Olivier Berlioz : Tout part de notre centre de distribution de Montargis (45). Selon le périmètre, nous livrons en H+4 pour la France, appuyé par huit stocks régionaux, et de J+1 à J+3 pour l’Europe. Ce dispositif est globalement adapté à la typologie de nos clients, plutôt de taille intermédiaire. Nous ne sommes pas sur les plateformes des gros groupements, mais agissons en local. Au niveau européen, nous sommes bien représentés chez les Nexus, ATR, Temot, LKQ… avec des référencements différents selon l’empreinte locale de chacun. Nous étudions la possibilité d’implanter des bureaux commerciaux, comme aux États-Unis depuis quelques mois. Nous espérons le faire sur d’autres marchés clés. Nous pouvons nous appuyer sur une mutualisation des ressources, via des présences locales existantes (usines, bureaux commerciaux pour l’OE…).
La concentration de la distribution a-t-elle complexifié votre position face à des acteurs toujours plus gros ?O. B. : Où qu’il soit dans le monde et quelle que soit sa taille, le client a ses propres exigences. La différence se joue sur les prix et les conditions de remises. Alors nous nous adaptons, tout en étant attentifs à nos niveaux de marges. Pour garder leurs parts de marché, certains équipementiers baissent leurs prix. Or, en tant qu’acteur OE dans la courroie, Hutchinson est dépendant des coûts variables des matières premières, dont certains composants chimiques. Sur le terrain, nous devons doser nos hausses de tarifs de manière à ne pas sortir des radars. C’est une équation compliquée de maintenir sa rentabilité face à des acteurs en croissance, tout en misant sur les investissements en IAM.
La culture américaine très marquée en MDD peut-elle débarquer en Europe via GPC chez AAG ?O. B. : Ils y réfléchissent, c’est certain. Ce serait logique d’infuser ses propres marques sur le continent sur les plus grosses familles de produits : filtration, freinage, courroie de distribution, consommables… Regardez Bolk sur Mister-Auto, Isotech chez l’Autodistribution. S’ils veulent développer une MDD, ils feront appel à des équipementiers premium ou des fournisseurs alternatifs. De leur côté, les distributeurs ont largement les moyens de délivrer l’information technique aux réparateurs. Quant à la notoriété du produit, le groupement doit simplement réassurer le réparateur.
On dit que le marché de la rechange a quinze ans de business devant lui avant les grandes ruptures technologiques ?O. B. : Il restera stable le temps que le parc véhicules se modifie. Les nouvelles technologies en OE arrivent doucement et en IAM il faudra au moins quinze ans avant d’impacter véritablement la rechange indépendante. Hutchinson réalise 99 % de son business en OE (4 Md€ de CA global, dont deux tiers dans le VL et PL, aéronautique, ferroviaire). Nous travaillons en étroite collaboration avec les constructeurs sur la réduction du poids, des consommations, et à la connectivité de certains éléments. C’est le cas par exemple de certains supports moteur « SmartDamper » qui peuvent envoyer une information ou de courroies pour applications hybrides. Mais un moteur électrique n’aura plus besoin de courroies, donc cette rupture va toucher la rechange…
Avec 1 % de CA en rechange indépendante, le groupe peut-il quitter ce secteur et s’orienter clairement vers l’OE et l’OES ?O. B : Certainement pas, nous sommes sur ce segment depuis plus de dix ans, mais nous nous développons chaque année par une présence dans les pays majeurs par une force commerciale. Auparavant, nous ne livrions que les pièces que nous fabriquions à des équipementiers concurrents. À présent, nous avons notre marque ombrelle pour commercialiser nos produits (depuis 2013, Paulstra, Le Joint Français… sont passées sous l’ombrelle Hutchinson), une charte graphique, des supports techniques, des notices en ligne pour les kits, étendues à la gamme kit chaîne, et entendons renforcer notre présence terrain. Je connais peu de lignes de produits comme la distribution qui concentrent autant d’acteurs OE (Gates, ContiTech, Dayco pour la courroie, SKF, SNR, Schaeffler sur les galets…). La problématique sur la pièce antivibratoire, notre deuxième grosse famille de produits, est différente. Le marché a historiquement été dominé par des assembleurs de gammes avec un prix bas issu de la Chine ou d’Inde. Nous sommes une marque premium avec des pièces d’origine, à nous d’apporter suffisamment d’éléments pour justifier ces écarts de prix.
Que pensez-vous du « price corridor » instauré pour éviter les écarts de prix ?O. B : Le marché n’arrivera jamais à adopter un prix européen, donc ce price corridor nous permet d’éviter les écarts déraisonnables. Le fait d’être arrivé un peu après tout le monde sur l’IAM nous évite de commettre des erreurs. Nous avons une politique tarifaire très cohérente en fonction de la taille du client. Ce qui nous permet d’être à l’aise dès qu’il grossit par acquisition. Personne ne reste cependant à l’abri d’une dépréciation de devise sur une zone comme la Turquie par exemple, qui peut ensuite générer des importations parallèles.
Comment voyez-vous l’avancée de Distrigo dans le monde ?O. B : Elle n’est pas surprenante. Nous ne sommes pas présents sur leurs plateformes avec notre marque Hutchinson, mais nous sommes présents en OE/OES, donc par extension, cela fait de nous un partenaire pour leurs gammes rechange. C’est une stratégie ultra-cohérente que je comprends de mieux en mieux au fil des rachats (Mister-Auto, Autobutler au Danemark, des distributeurs chinois…), couplée avec une puissance inégalée. En revanche, nous ne les voyons pas encore vraiment sur le terrain, en dehors des livraisons faites à leurs réseaux primaires et secondaires. Ont-ils pris des parts de marché chez les indépendants (distributeurs et garages), ou les groupements ont-ils resserré la courroie avec leurs propres réseaux ?Muriel Blancheton
Muriel Blancheton
Partager sur

Inscrivez-vous gratuitement à nos newsletters

S'inscrire