[Atlas Europe] « La distribution doit optimiser son organisation »

Caroline Ridet
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Zepros : Comment s’est comporté le marché sur 2018 ?
Stéphane Gendron : Il s’est légèrement contracté, entre 2 et 3 % en volume sur les produits que nous diffusons. Concernant les métiers autour du moteur, nous expliquons une contraction supérieure pour deux principales raisons. En premier lieu, nous ressentons en rechange les premiers effets de la mise sur le marché au début des années 2000 de véhicules équipés de pièces OE à plus grande durabilité. Cela va donc s’inscrire dans la durée sur les organes d’usure. En revanche, sur les pièces de casse, le phénomène n’est pas encore ressenti. En second lieu, nous entrons dans un trou d’air. Avec le renouvellement du parc des véhicules 2007-2010, des véhicules sont sortis mais ils n’ont pas encore été remplacés dans les ateliers de la rechange indépendante par les nouveaux modèles. Chez SKF, nous espérons que les années 2020-2023 seront meilleures. Donc clairement, les marchés européens n’ont pas été accélérateurs de croissance cette année.
Il n'y a plus d’horizon pour faire de la croissance en Europe en IAM ?S. G. : Si, mais nous devons aussi nous intéresser aux marchés asiatiques et plus particulièrement à la Chine. Ce pays est en construction de sa rechange indépendante. La présence des équipementiers occidentaux de premier plan s’y est accentuée cette année. À l’instar de SKF qui y a installé son équipe IAM Chine il y a quelques mois. Dans quelques années, le poids du chiffre d’affaires IAM y sera colossal et dépassera sans aucun doute le business européen. Il faudra également compter avec des équipementiers asiatiques, peu connus en Europe mais qui sont très puissants.
Être fournisseur OE et aftermarket ne permet-il pas de mieux absorber ces trous d’air ?S. G. : Effectivement, le marché de l’OE est porteur. Nous avons pris de nouveaux marchés chez des constructeurs qui n’étaient pas des partenaires historiques mais qui ont dû élargir leur base fournisseurs pour alimenter les usines en pièces pour des volumes supplémentaires. L’innovation est également un excellent levier pour gagner de nouveaux contrats en OE. Cette double présence OE/IAM permet d’absorber les cycles produit, en travaillant d’autres organes, en élargissant son spectre.
Ce double mouvement peut-il aussi expliquer la concentration des équipements ?S. G. : Des gros rapprochements comme ZF-TRW ou Tenneco qui absorbe Federal-Mogul, je ne sais pas. En revanche, des acquisitions complémentaires d’experts (en électronique, connectivité…) vont se généraliser. Je pense qu’il y aura de nouveau un soubresaut d’acquisitions d’aussi haut niveau, mais cela viendra plutôt des fournisseurs asiatiques souhaitant s’intégrer en Europe et qui ont déjà des dimensions suffisantes pour acquérir de gros acteurs. Pour l’instant, nos législations européennes ne sont pas encore dans la logique « open door », mais au jeu du multilatéralisme, cela pourrait changer.
… et du côté des groupes de distribution ?S. G. : Si l’on parle toujours de croissance externe, les grands groupes qui ont beaucoup concentré ces dernières années entrent dans une phase d’agrégation. Ils se structurent pour optimiser leurs performances au niveau du commerce. C’est particulièrement vrai pour LKQ.
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On parle beaucoup du price corridor. Fantasme ou réalité ?S. G. : Avec la concentration, c’est effectivement une demande des grands groupes d’avoir une cohérence tarifaire. Cette tendance s’accélère d’autant plus que ces groupes entrent dans une phase de consolidation de leur organisation avec des pôles achats centralisés et globaux (mondiaux). Cela impacte évidemment le business des fournisseurs. Il y a vingt ans, les rapports constructeurs-fournisseurs ont changé à partir du moment où les équipementiers ont commencé à leur livrer des systèmes complets. Nous vivons un peu le même phénomène en rechange. Le mouvement de concentration chez les distributeurs comme chez les fournisseurs a fait évoluer le niveau d’échange. Les lignes bougent : on sort des conflits uniquement tarifaires pour entrer dans la coconstruction d’une offre. Ils resserrent le nombre des fournisseurs, mais travaillent dans un esprit partenaire. D’où également deux stratégies qui se dessinent chez les fournisseurs : ceux qui restent mono-ligne mais investissent pour être les meilleurs sur une fonction et devenir incontournables en OE comme en IAM, et d’autres qui ajoutent des briques à leur offre historique. C’est notre cas chez SKF. À notre métier roulements et solutions moteur nous nous inscrivons aussi dorénavant comme un fournisseur de solutions châssis.
Sur Automechanika, les équipementiers ont ostensiblement replacé leur marque au centre du jeu, notamment en surexposants les services aux réparateurs. Est-ce un message vers les distributeurs ?S. G. : Il est essentiel que l’expertise de l’équipementier d’origine apporteur de solutions et de produits à l’après-vente via la distribution reste attachée à son nom. Nous devons défendre l’innovation et l’expertise portées par la marque, qui est aussi créatrice de valeur pour les acteurs du marché de la rechange. Nous n’avons pas envie de vivre le syndrome Décathlon. Il y a vingt ans, l’enseigne s’est fait un nom en ne vendant que des grandes marques, aujourd’hui ses boutiques ne distribuent quasiment plus que ses MDD. Le marché européen vit encore dans la grande tradition de fidélité aux marques équipementiers, mais il s’américanise [N.D.L.R. : 90 % des pièces de rechange vendues sous marque privée]. Cela pose question aux fournisseurs. Ces deux offres ne sont pas conflictuelles car nous, équipementiers, pouvons accompagner les MDD, mais nous devons aussi défendre la valeur de nos marques.
En matière de flux des datas véhicules, deux plateformes neutres, n’est-ce pas une de trop ?S. G. : Que ce soit Caruso ou Carmunication, les deux solutions sont très intéressantes. Mais l’intérêt de la profession est clairement d’avoir une solution unique. Il faut un socle commun avec un langage uniformisé des données pour ensuite permettre à chacun de les réécrire et de les revendre en collant aux stratégies de chaque client. Car rien n’interdit aux géants européens de la distribution de développer un jour leur propre plateforme.Caroline Ridet
Caroline Ridet
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