S.Antiglio (PHE) : « Nous n'avons pas fait le tour de la concentration »
Le président de Part Holding Europe fait le point pour Zepros du déploiement européen du groupe portant la marque Autodistibution, mais également de la poursuite de la consolidation des marchés.
Quel bilan 2018 pour PHE (ex-Autodis) en Europe ?
Stéphane Antiglio : Avec l’acquisition récente du site français de vente en ligne Oscaro, notre CA devrait passer à 1,7 Md€ (IFRS15). Et en y ajoutant les ventes sous enseigne, nous dépassons les 2,1 Md€. Nous restons dans le Top 5. Au Pays-Bas, nous sommes n° 3 suite au rachat de Geevers Auto Parts (67 M€ de CA 2017). Nous nous sommes renforcés au Benelux avec la reprise du Belge Verviers Freins (21 M€ de CA) par notre filiale Doyen Auto. Nous avons également consolidé notre position de n° 2 en Italie – 190 M€ CA annuel cumulé – en reprenant G-Group implanté à Naples (55 M€ de CA), ainsi que deux autres petites structures. Enfin, nous n’en avons peut-être pas fini avec la France ! Clairement, nous restons bien disciplinés et cohérents sur notre stratégie d’implantation dans les pays limitrophes de notre base. Et nous continuerons.
Avez-vous déjà mis en place des synergies suite à vos rachats de ces dernières années ?
S. A. : Oui, elles sont opérationnelles. Ainsi, iDGarages est déployé en Belgique. De même, Doyen Auto utilise les services d’Assistance Diag 24 [N.D.L.R. : support technique, hotline], piloté par l’Espagnol Grup Eina dont PHE est actionnaire depuis 2017. Également, nous commençons à développer l’enseigne Garage AD en Belgique. Nous jouons les synergies là où cela nous semble faire sens. En fait, l’intérêt pour un distributeur de sortir de ses frontières est bien d’utiliser au mieux ses savoir-faire et de les dupliquer lorsque cela apporte un plus au marché qui les adopte. Mais il faut aussi trouver les moyens de s’adapter aux habitudes du pays. Il faut tester en faisant preuve de beaucoup d’humilité.
En reprenant Oscaro, vous êtes aussi sortis de vos frontières de distributeur traditionnel physique et BtoB. Pensez-vous développer le site sur l’Europe ?
S. A. : En premier lieu, les distributeurs Autodistribution ont toujours fait un peu de commerce BtoC au comptoir. Même si nous avons souffert de la concurrence des sites de vente de pièces de rechange en ligne, nous ne nous sommes jamais totalement désintéressés des bricoleurs. La formule d’achat au comptoir va continuer à exister chez les distributeurs car elle répond à une demande, et parallèlement certains clients particuliers préféreront le e-commerce. Tout cela va se poursuivre en France. Quant à exporter le modèle hors de nos frontières, nous le ferons si, encore une fois, cela fait sens, mais ce n’est pas l’une de nos priorités. Reste qu’en Espagne, Oscaro génère un peu de CA (moins de 10 %).
Le n° 3 du marché européen qui investit dans un site de vente en ligne BtoC ! Cela ne va-t-il pas mettre la pression sur les autres leaders ?
S. A. : Absolument pas. Les grands concurrents européens peuvent très bien vivre sans dispositif de vente de pièces en ligne à destination des particuliers. PSA en a un (Mister-Auto), nous aussi maintenant. En fait, cela est vraiment affaire d’opportunités.
Votre regard sur la concentration de la distribution en Europe en 2018 ?
S. A. : Le processus de consolidation est lancé. Le marché est encore très fragmenté en Europe et dans certains pays. S’il reste donc encore beaucoup de place pour les acteurs indépendants, le mouvement de consolidation va se poursuivre. Nous sommes très loin d’avoir fait le tour de la question. Aujourd’hui, le Top 5 de la distribution européenne cumule moins de 5 % de parts de marché… C’est un lent processus qui me semble inéluctable. Si on a pu avoir le sentiment d’une petite pause cette année, il n’y a aucun doute que les grands groupes reprendront leur marche en avant. Pour notre part, moins rapidement et moins fortement, mais nous continuons à renforcer nos positions.
On parle du plus en plus du price corridor. Est-ce appliqué ?
S. A. : Le concept est éminemment compliqué à faire bouger. Il y a des écarts dans tous les sens, et il ne faut pas rêver, ils resteront toujours. Ne serait-ce que corrélés aux volumes, mais aussi du fait des différences de PIB d’un pays à un autre, avec des populations qui n’ont pas le même pouvoir d’achat.
Dans le combat pour l’accès aux données véhicules, ne pensez-vous pas que deux plateformes neutres, c’est une de trop face au lobbying des constructeurs ?
S. A. : Il y a tout de même une plateforme plus neutre que l’autre [N.D.L.R. : Carmunication à laquelle adhère ADI] ! Au-delà de ces questions de chapelle, l’enjeu est énorme. Aujourd’hui, c’est très difficile à suivre, mais j’ai confiance car la Commission européenne est foncièrement pour la libre concurrence. Elle saura réguler le libre accès aux informations véhicules pour la rechange indépendante. Pour l’instant, il ne sert à rien de spéculer. Car nous n’avons pas encore tout vu des innovations qui arrivent, ni tout compris du changement. Nous sommes tous en exploration du business model. Qu’est-ce qu’il est pertinent de récupérer comme données, à quelle fréquence ? Le sujet de la connectivité est encore mouvant. Donc neutre, pas neutre ? En fait à ce stade, nous ne savons pas ce qui va émerger. Nous restons donc attentifs, nous testons beaucoup. Nous ne souhaitons pas prendre de retard, donc nous serons agiles. Reste que la rechange indépendante a toujours su s’adapter avec l’aide de partenaires. Il nous reste du temps pour le faire, contrairement aux constructeurs qui sont immédiatement impactés par ces phénomènes de fond. Donc, on ne s’emballe pas… Face à tout cela, il faut rester pragmatique.