Fin des cadeaux : une brèche dans le droit au libre choix ?
Derrière une logique volonté de mettre fin à la distorsion de concurrence et au surcoût qu’occasionnent les cadeaux de certains réseaux de vitrage, la proposition de loi "visant à mettre fin à la surfacturation des réparateurs automobiles" pourrait entraîner une remise en question du droit au libre choix du réparateur.
Grande spécialité de certaines enseignes de réparation de bris de glace, de la plus petite et non-agréée au leader multi-agréé qu’est Carglass, la pratique des cadeaux offerts lors d’un remplacement de pare-brise vivrait-elle ses derniers instants ? Certes, la filiale du groupe Belron prend toujours garde à n’offrir que des équipements liés au véhicule ou à la visibilité – les fameux balais d’essuie-glace Bosch notamment – mais les trottinettes, consoles de jeux et autres bons d’achat que proposent des acteurs tels qu’123 Pare-Brise agacent depuis longtemps les assureurs. Ceux-ci imputent auxdits cadeaux une partie de la hausse du coût de l’assurance auto. Faudrait-il donc voir leur main invisible derrière la proposition de loi a priori consumériste déposée le 12 septembre par des députés MoDem et Indépendants ?
En tout cas, ce sont bel et bien les vitriers qui sont dans le collimateur du texte, qui les désigne clairement et leur impute ces pratiques depuis l’entrée en vigueur de la "loi Hamon" de 2014, instaurant le droit au libre choix du réparateur. Alors que les pratiques de cadeaux sont en réalité plus anciennes. Volonté de jeter le bébé avec l’eau du bain ou pas, toujours est-il que l’article 2 du texte entend disposer que « les avantages promotionnels, le cas échéant cumulés, accordés par le réparateur professionnel à l’assuré dans le cadre de la réparation du sinistre, ne [soient] pas supérieurs à 5 % de la valeur de la prestation de réparation. Ces avantages promotionnels [devant] être mentionnés dans les devis et factures ».
Quid de la fidélisation ?
En effet, l’article 1 de la proposition de loi prévoit d’ajouter deux phrases à l’article L. 211‑5‑1 du code des assurances : « Le réparateur professionnel a une obligation de transparence du coût et du tarif de la prestation de réparation proposée. Si le tarif proposé par le réparateur est manifestement disproportionné avec la prestation requise par le sinistre, l’assureur a la possibilité de le contester et de recourir au réparateur professionnel de son choix ; les frais de déplacement du véhicule sont, le cas échéant, à la charge de l’assureur. » Et c’est là que le bât blesse, car même sans fournir de cadeau démesuré, un réparateur peut choisir de faire des gestes commerciaux pour fidéliser son client.
Si la proposition était votée, qu’est-ce qui empêcherait l’assureur de contester la tarification du carrossier également ? Car rien dans le texte ne laisse penser que cette limite de 5 % concernerait uniquement les sinistres bris de glace. Et que ces 5 % ne conduiraient pas l’assureur à arbitrer automatiquement en faveur d’un de ses carrossiers agréés si le carrossier librement choisi par le client s’avérait "trop cher". Et ce, au risque de remettre en question les dispositifs de fidélisation des réparateurs envers leurs clients. Les organisations professionnelles de réparateurs devraient ainsi observer de très près le parcours législatif de cette nouvelle proposition. Prêtes à lever les garde-fous…