Carlos Tavares parti, le paquebot Stellantis cherche son nouveau capitaine
Un communiqué succinct de Stellantis NV a annoncé la démission ce 1er décembre 2024 de Carlos Tavares de ses fonctions de CEO du groupe, avec effet immédiat. Un départ approuvé par le conseil d’administration, sous la présidence de John Elkann.
De l’apogée aux abysses pour Carlos Tavares, tandis que le groupe n'aura pas de dirigeant avant le premier semestre 2025.
« Le succès de Stellantis repose sur un alignement parfait entre les actionnaires de référence, le conseil d'administration et le CEO. Cependant, ces dernières semaines, des points de vue différents sont apparus, ce qui a amené le conseil d'administration et le CEO à la décision d’aujourd’hui », pointe Henri de Castries, administrateur indépendant de Stellantis, dans le communiqué annonçant le départ de Carlos Tavares, 66 ans.
Ces divergences ont donc eu raison du pilote du groupe depuis dix ans. Pilote, rappelons-le, à l’origine de la renaissance et de la mutation de PSA (Peugeot-Citroen jusqu’en 2021) en Stellantis avec 14 marques comprenant FCA et Opel... Mais alourdie par le dévissage boursier de Stellantis la semaine passée, la stratégie du patron n’a pas tenu. Déjà largement disséquées par la presse, les raisons de cette éviction sont balayées :
Au sens large, de mauvaises décisions avec une pointe d’arrogance et de déni sont pointées du doigt, doublées d’une inertie symptomatique de 14 marques hétéroclites qui n’avancent pas à la même vitesse.
• Des prix trop élevés, en particulier aux États-Unis, sur les véhicules Jeep, Chrysler, Ram et Dodge. Les clients américains ont reculé… la part de marché du groupe aussi, descendue à 8 % (vs 10 % un an plus tôt) et une marge opérationnelle en chute libre à 11,4 % (vs 17,5 %).
• Des modèles électriques chinois en Europe agissant en laminoir, face à des constructeurs européens en manque de compétitivité industrielle, avec des prix VN également trop élevés. Les clients européens ont également reculé.
• Une chute libre en Chine, où le groupe avait une position historique (740 000 Peugeot et Citroën en 2014, 70 000 pour Stellantis en 2023). Les clients chinois achètent chinois…
En chiffre, cela se traduit fin septembre par un « Profit Warning » annonciateur d’orages, avec une marge opérationnelle réduite à 5,5 %... elle était grimpée jusqu’à 12,8 % en 2023. L’action chute de 50 %, à 12,53 € fin novembre. Carlos Tavares est débarqué le 1er décembre, preuve que l’industrie automobile sait être très rapide dans ses prises de décision.
Carlos Tavares parti avec un bonus de plusieurs millions d'euros pour services rendus. Un nouveau comité exécutif temporaire, présidé par John Elkann, est en place, le temps du processus de nomination d’un nouveau CEO qui devrait aboutir au premier semestre 2025.
La distribution française veut un business model rentable et durable
L’Association des Groupements du Groupe Stellantis (AGGS), représentant les distributeurs des marques du groupe Stellantis en France, indique avoir alerté depuis plusieurs mois sur « l’inquiétude des réseaux de distribution en France au sujet de décisions qu’elle juge également court-termistes », à l’instar des concessionnaires américains, « conduisant à des baisses de volumes et de parts de marché importantes ».
Le nouveau président de l’AGGS, François Mary (lire ici), est prêt à ouvrir des discussions « actives » avec le nouveau comité exécutif intérimaire de Stellantis. Les concessionnaires souhaitent « particulièrement qu’une stratégie d’offensive commerciale en Europe prenne le pas sur la seule politique de réduction des coûts, ayant mené des baisses d’investissement marketing et de moyens commerciaux pénalisant les volumes de vente ».
Les syndicats veulent un dialogue social
Du côté des syndicats, et de FO Stellantis en particulier, on regrette une décision « précipitée qui fragilise l’ensemble de l’entreprise et ses milliers de salariés », indique ainsi Philippe Diogo, délégué syndical central de la Coordination FO Stellantis. Ce dernier souligne l’instabilité du groupe sans nouveau dirigeant avant le premier semestre 2025, et réclame un « dialogue social renforcé, une feuille de route claire et un engagement ferme envers la sauvegarde des emplois ».