AAG : « Une déferlante n’épargne jamais personne. Resteront ceux qui auront le mieux anticipé »
Au cœur des turbulences subies par l’automobile en général, la distribution indépendante gardera son cap ! Message clair de Franck Baduel, le CEO d’Alliance Automotive Groupe, qui ne dévie pas de sa feuille de route européenne. Son arme ? L’anticipation, comme toujours…Bilan et prospectives en exclusivité pour Zepros, dans la dernière édition de l’Atlas de la distribution PR…
Un tour d’horizon des achats réalisés en 2024 ?
Franck Baduel : Nous avons cumulé près de 100 M€ supplémentaires avec dix-huit acquisitions, principalement en Angleterre, en Irlande, en Belgique et aux Pays-Bas. Les opportunités ont été plus nombreuses dans ces quatre pays. Pour être plus précis, 50 % des entreprises rachetées sont liées à la vente de pièces mécaniques les autres sont spécialisées en peinture, parapeinture et pneumatiques. Aux Pays-Bas, nous avons intégré les distributeurs de pièces Roskamp, SDS Autoparts, Ronden Banden et Habu automaterials, et avons aussi accéléré en réparation-collision. Ainsi, nous avons intégré des distributeurs en pièces de carrosserie et peinture avec les spécialistes Wico Autolak & Wico Coatings et AJ Coatings, ainsi qu’ASN, réseau d’une centaine de carrossiers franchisés. Nous sommes sur une croissance globale de 6 à 7 %, essentiellement par croissance externe, avec une inflation quasi nulle, pour un CA de 3,6 Md€ au périmètre européen (neuf pays) réalisé par nos 780 filiales.
Quel est le profil moyen de vos distributeurs européens indépendants ?
F. B. : Sur 2500 points de vente, nous en totalisons 1700 détenus par près de 1000 adhérents investisseurs dans notre groupement. Ils sont majoritairement présents dans le monde du véhicule léger. Les deux tiers de ces opérateurs ont des tailles n’excédant pas 5 M€ de CA et 20 % sont à plus de 10 M€. Une photographie qui pe apparaître assez éclectique, mais elle correspond au monde de l’aftermarket, qui l’est tout autant !
Ces distributeurs se préparent-il déjà à accueillir des pièces électriques chinoises dans leurs stocks ?
F. B. : Nous sommes en veille en permanence sur tous les sujets, et celui-ci en fait partie. Nous avons moins de quatre années pour réagir face à ces véhicules qui arrivent sur nos routes d’Europe de l’Ouest. D’autant que le SAV n’est pas la priorité des constructeurs chinois. Cette préparation se joue chez nos distributeurs… et chez nos réparateurs. Nous mutualisons toutes nos ressources européennes. Nous nous adapterons, comme toujours. Reste à faire un tri sélectif, avec un pays où près de 150 marques se bataillent. Une sélection naturelle s’opère déjà là-bas. Certains vont disparaître !
Le Forum Automotive Business de Paris, construit sur une journée et rassemblant vos distributeurs et réparateurs français, est-il dupliqué à l’international ?
F. B. : Le FAB est en évènement 100 % AAG qui exige de nos distributeurs nationaux – filiales comme indépendants – beaucoup d’engagements pour drainer leurs réparateurs sous nos couleurs jusqu’à Paris le temps d’une journée et générer du bon business. Nous n’avons pas forcément la même animation des réseaux de réparation ailleurs. Dans une moindre mesure, nous organisons des événements en Belgique, aux Pays-Bas et en Angleterre, voire en Allemagne avec un format annuel assez comparable au FAB. En revanche, cela n’existe pas en Espagne et au Portugal par exemple.
il y a quatre ans, nous avons mis en place de nouveaux axes stratégiques et l’évolution par pays de nos outils logistiques étaient au cœur de ces décisions.
Annoncée pour janvier 2024, la plateforme logistique française First a démarré il y a peu de temps. Les raisons de ce retard à l’allumage ?
F. B. : Cette méga-plateforme de 50 000 m2 livre déjà les points de vente de nos filiales, des Precisium et des Gefa. Nous subissons en effet quelques mois de retard, ce qui est dommageable… Mais cela arrive, surtout pour un projet aussi ambitieux et complexe en termes d’informatique, de process et de logistique. First accélèrera encore dans les mois à venir pour être dans ses pleines performances. Pour mieux comprendre, il faut prendre de la hauteur : il y a quatre ans, nous avons mis en place de nouveaux axes stratégiques et l’évolution par pays de nos outils logistiques étaient au cœur de ces décisions. Depuis, sont entrés en activité de nouveaux hubs automatisés, dont celui dédié à la pièce d’origine – hors BMW – en Allemagne (26 000 m2), celui en Espagne pour notre filiale locale (23 000 m2) et aux Pays-Bas. Et comme prévu, nous ouvrirons e, 2025 une méga-plateforme semi-automatisée de 90 000 m2 dans le nord de l’Angleterre, qui servira également l’Irlande.
Quelle est votre progression avec la cible des loueurs et des flottes ?
F. B. : La coordination entre le responsable Europe et les responsables pays permet d’adresser l’ensemble de ces clients voire d’affiner nos offres selon nos accords avec eux, en fournitures de pièces ou en prestations de services avec les réseaux d’ateliers, en dépannage… Tous recherchent une couverture géographique et des prestations globales, sachant que certains grands comptes sont locaux, donc présents dans deux pays a minima, quand d’autres sont encore plus largement présents sur le territoire européen. Ces derniers ne veulent qu’un seul interlocuteur pour la gestion de leurs parcs. D’ailleurs, sur ce profil « Grands comptes », la compétition sur le terrain est resserrée autour d’une poignée d’acteurs européens capables de se positionner pour répondre aux appels d’offres, et nous en faisons partie.
Quel est l’apport de Groupauto International pour AAG ?
F. B. : Il trace une route internationale qui nous permet de nous développer depuis plus de trente ans. Même en 2017, lorsque GPC est arrivé, il n’a jamais été question d’en sortir, preuve de son intérêt, bien au-delà du seul argument de conditions d’achat intéressantes. Cet International Trading Group est présent dans une centaine de pays et rassemble un panel d’entreprises très diverses en taille, en culture, en stratégie… Nous nous connectons à des fournisseurs jusque-là inaccessibles. Nous nous inspirons même de leurs outils pour les développer dans nos propres réseaux, comme les outils digitaux. Nous venons d’achever notre dernier congrès aux États-Unis, avec une journée entièrement dédiée au fonctionnement du marché américain en général et celui de l’aftermarket en particulier là-bas. Son maillage de réseaux de distribution et de réparation est unique au monde. Tous ces points nous différencient des autres ITG d’ailleurs…
Sur le périmètre de l’aftermarket, les fondamentaux sont là : croissance et vieillissement du parc, kilométrage plutôt stable.
Votre observation sur le dynamisme ou le ralentissement de certains marchés ?
F. B. : L’Allemagne a donné un sérieux coup de frein à sa croissance ralentie par son instabilité politique ! Le pays n’a pas transformé l’essai de la transition électrique. Les constructeurs allemands n’ont pas le retour attendu des investissements colossaux injectés depuis huit ans sur le véhicule électrique. Les plans sociaux s’accumulent au sein de la quasi-totalité des fournisseurs allemands. En après-vente, les plans d’entretien sont rallongés, les clients se contentent du strict minimum en matière de réparation. Tous ces phénomènes peuvent être observés ailleurs, mais l’Allemagne est bien le centre névralgique de l’industrie automobile en Europe, en première monte comme aftermarket. Cette situation allemande n’est pas obligatoirement dupliquée ailleurs. Même s’il est certain qu’un climat instable génère de la prudence, ne tombons pas dans des projections anxiogènes. Car sur le périmètre de l’aftermarket, les fondamentaux sont là : croissance et vieillissement du parc, kilométrage plutôt stable. Des facteurs positifs pour la réparation, même s’ils peuvent paraître antinomiques avec ce que traversent les constructeurs et les équipementiers.
Cette déferlante qu’affronte la première monte peut-elle aussi s’abattre sur les acteurs de l’aftermarket à moyen terme ?
F. B. : Question aussi complexe que la période que traversent les fournisseurs ! Le ralentissement chinois, les conjonctures géopolitiques et la transition environnementale expliquent en grande partie la situation actuelle des constructeurs et des fournisseurs. La baisse des ventes VN agira fatalement sur l’IAM quatre années plus tard, avec moins de véhicules à réparer. Une déferlante n’épargne jamais personne. Resteront ceux qui auront le mieux anticipé. Mais paradoxalement, même si la pénétration de l’électrique sur le marché de l’IAM arrivera, ce coup de frein actuel agira moins vite en tant que destructeur de valeur pour l’aftermarket.