Europe : vers une seconde vague de consolidation ?

Jérémie Morvan
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Déjà bien entamée en Europe de l’Ouest, la concentration des acteurs de la distribution n’en est toutefois qu’à ses débuts sur le Vieux Continent. Non seulement elle pourrait connaître une seconde vague sur les marchés les plus “matures”, mais elle devrait aussi en toute logique apparaître sur les autres…

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L’Europe a connu une première vague de consolidations entre 2011 et 2018, période durant laquelle les “majors” de la distribution – LKQ, AAG, PHE – se sont construits à coups d’acquisitions. Le secteur dans son ensemble a ensuite dû faire face à une crise sanitaire mondiale, suivie d’un redémarrage industriel chaotique synonyme de crise des composants. L’exercice 2022 avait semble-t-il repris une vitesse de croisière d’avant Covid-19, où huit opérations importantes ont été recensées… avant l’arrivée d’un conflit russo-ukrainien propre à bouleverser l’économie mondiale et générer une inflation galopante.

2023 en pause

Les grandes opérations de rachat ont donc connu une pause ces derniers mois. D’abord, la vente de GSF Car Parts, n°3 de la distribution en Grande-Bretagne, et dont a dû se séparer LKQ, nouveau propriétaire du Québécois Uni-Select qui possédait GSF. Car avec 248 magasins et deux sites de distribution détenus via Euro Car Parts, LKQ – avec GSF et ses 179 magasins et deux sites logistiques – avait attiré l’œil des autorités de la concurrence en Grande-Bretagne… Autre opération d’envergure sur cet exercice 2023: l’acquisition de l’Espagnol Gaudi par Alliance Automotive Group. Après avoir mis la main sur Lausan et ses plus de 110 M€ de CA en 2022, AAG devient ainsi l’un des leaders du pays avec les 22 magasins et les près de 100 M€ de CA du distributeur ibérique. Dernière opération: la cession par le fonds d’investissement EQT de ses parts au board du n°1 de la vente de pièces en ligne en Allemagne: Kfzteile24. Ce faible nombre s’explique en grande partie par les remous financiers générés par le contexte géopolitique actuel. «L’argent coûte plus cher, ce qui a réduit fortement la compétitivité des investisseurs financiers dont les montages reposent en moyenne pour moitié sur la dette; et pour les professionnels du secteur, même si la hausse de leurs coûts de financement a un impact moindre, ils sont devenus plus sélectifs», observe Hugues Archambault, associé fondateur du cabinet The Bridge Corporate Finance.

Nouveau cycle inéluctable…

L’Europe de la pièce reste donc encore très fragmentée: la part du marché IAM détenue par le Top 3 de la distribution n’excède pas 25%. Actuellement, le marché n’est significativement concentré qu’en Allemagne, en France et, dans une moindre mesure, en Grande-Bretagne où le Top 3 des distributeurs s’arroge respectivement 69, 61 et 44 % du marché de la rechange indépendante! La Pologne représente un cas à part: sur un parc de 25 millions de véhicules légers, près de la moitié du marché IAM est détenue par ses trois premiers acteurs. À commencer par son champion domestique, Inter Cars, qui pèse à lui seul 3,3 Md€, et cela en ne s’appuyant que sur de la croissance organique. Exclusivement intégré, Inter Cars s’offre le luxe de s’asseoir sur la troisième place du podium des distributeurs européens! «La seconde vague devrait être plus diffuse, avec des rachats d’entreprises de taille moyenne sur les marchés les plus matures», note H. Archambault. Pour le reste, tout est encore à faire, à commencer par les marchés les plus importants comme l’Espagne et l’Italie (65 millions de VP à eux deux). Si un début de consolidation se fait jour (AAG et PHE commencent à se disputer l’Espagne tandis que LKQ, qui possède Rhiag, et Autodistribution Italia se concurrencent en Italie), les majors y représentent moins de 20% du marché.

… et protéiforme

La question n’est donc plus de savoir si une seconde vague de consolidation va arriver, mais bien quand. Et comment: les groupements de distribution ne sont plus les seuls acquéreurs potentiels. L’IAM intéresse au moins un constructeur, Stellantis, qui déploie son concept Distrigo au niveau mondial. Or, «le groupe possède une trésorerie nette de plus de 20 Md€; l’Américain LKQ, leader de l’IAM en Europe, est valorisé moins de 15 Md€», souligne H. Archambault. Quant aux grands groupes de distribution VN, ils sont déjà à l’œuvre: Emil Frey (Flauraud, MGA et Barrault) et D’Ieteren en sont de parfaits exemples. Le Suédois Hedin (plus de 330 concessions en Europe) a également mis un pied dans l’IAM en rachetant son compatriote OnWheels Bildemontering, un spécialiste de la déconstruction. La consolidation peut aussi intervenir via les spécialistes, comme en matière de pièces de réemploi justement: le Suédois Autocirc par exemple mise sur la croissance externe pour devenir un champion de la pièce d’occasion en Europe, et possède aujourd’hui plus de 40 centres de déconstruction. Les belles prises potentielles sont encore nombreuses, comme le Suisse SAG (1 Md€ de CA), ou encore le spécialiste PL Europart, figurant dans le Top 10 de la distribution européenne avec un CA de 500 M€. D’une manière générale, un autre facteur joue en faveur de la consolidation du marché en Europe: la pyramide des âges, «beaucoup de ces entreprises étant des affaires familiales dont le dirigeant ne trouvera pas nécessairement de succession parmi sa famille ou en interne», conclut l’associé fondateur de The Bridge Corporate Finance…

Jérémie Morvan
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