F. Katsardis, Temot : « Temot reste le seul réseau ITG homogène fédérateur de PME familiales »
Sur 2022-23, Temot International a travaillé pour renforcer l'écosystème autour de ses actionnaires et de leurs partenaires fournisseurs. Objectif : consolider ses positions mondiales. Son président nous partage son bilan et son analyse du marché au niveau mondial.
Quel atterrissage pour Temot sur l’exercice 2023 ?
Fotios Katsardis : Temot clôt l’année avec 112 actionnaires (+ 10 vs 2022) dans 102 pays, pour un chiffre d’affaires consolidé par ses membres qui devrait atteindre environ 16-17 Md€ (vs 14 Md€ en 2022). Cette position est portée par notre modèle économique unique, qui limite le nombre d’actionnaires par pays et par secteur. Notre priorité reste de soutenir le noyau existant en améliorant sa compétitivité sur le marché, qui a été remise en question par une consolidation généralisée et certaines politiques commerciales de nos fournisseurs.
Tout au long de l’année 2022-23, à la suite de plusieurs réalignements stratégiques, principalement provoqués par des fusions et acquisitions qui nous ont particulièrement touchés, nous avons solidifié notre position d’organisation mondiale composée principalement de petites et moyennes entreprises (PME) de premier plan. Cela fait de nous une alliance particulièrement homogène. La réussite de notre stratégie tient au fait de concentrer nos achats sur nos partenaires fournisseurs premium. D’ailleurs, nous n’avons pas de stratégie sur des marques privées.
Comment voyez-vous évoluer les marchés des quatre continents ?
F. K. : La région APAC connaît effectivement une croissance significative. Mais, il est erroné de regrouper diverses nations telles que le Japon, la Corée, la Chine, l’Indonésie, l’Australie, le Vietnam, la Thaïlande et l’Inde. Chaque pays a des caractéristiques uniques ; par exemple, une croissance de 10 % au Japon représente une réalisation louable, alors que le même pourcentage en Chine pourrait être considéré comme inférieur à sa croissance naturelle. En Amérique latine, les modèles de croissance sont prometteurs, mais il faut distinguer les régions du Pacifique et de l’Atlantique. Même nuance impérative pour l’Afrique, compte tenu des différences notables entre l’Afrique du Sud, l’Afrique subsaharienne, les zones francophones et anglophones. L’influence de facteurs externes comme Dubaï, les problèmes de contrefaçon et de corruption, ainsi que le potentiel de l’Afrique à devenir un acteur clé du secteur automobile d’ici 2050 doivent également être pris en compte. En Europe, le paysage est tout aussi complexe, avec des dynamiques distinctes en Europe de l’Est, de l’Ouest, du Sud et du Nord.
Le mouvement de concentration est-il toujours en action ?
F. K. : La concentration au sein de l’industrie devient de plus en plus sélective et reste un facteur pertinent. Cependant, nous voyons émerger au niveau des distributeurs la notion de « coo- pétition » – un mélange de coopération et de concurrence. Ces alliances, dans lesquelles les entreprises travaillent ensemble dans certains domaines tout en étant en concurrence dans d’autres, seront essentielles pour naviguer dans la dynamique complexe du marché.
Quel regard portez-vous sur le développement durable ?
F. K. : Dans l’état actuel des choses, même si les efforts individuels de certains collègues sont louables, l’approche de notre secteur sur le sujet de la durabilité est terne, à la limite d’apathique. Il y a une absence flagrante d’action coordonnée au sein de la rechange. Hors les grandes entreprises, qui sont souvent contraintes par les structures de gouvernance à adopter des pratiques durables, les entreprises de taille moyenne, bien qu’elles soient conscientes de l’importance de la question, manquent souvent d’orientations claires. Cela se traduit par des efforts fragmentés. Nos associations s’engagent directement dans des projets, ce qui est une étape positive. Il faudrait une refonte systématique de nos pratiques en la matière afin d’élaborer une stratégie cohérente à l’échelle du secteur pour réaliser des progrès significatifs dans ce domaine. Cela nécessite des lignes directrices claires, des objectifs réalisables et un engagement unifié dans toutes les tailles d’entreprises. En recherchant des gains rapides sans véritable approche sectorielle, nous prenons le risque de voir les constructeurs «kidnapper » l’ensemble de la problématique.
Sur quels marchés mondiaux voyez-vous l’électrification des flottes devenir un thème à surveiller pour les acteurs du marché secondaire ?
F.K.: Les pays européens sont à l’avant-garde de l’électrification, avec des réglementations strictes en matière d’émissions et des objectifs climatiques ambitieux. Et leur impact commence à se faire sentir sur le marché de la rechange. Même dynamique en Amérique du Nord. Cependant, cela prendra davantage de temps qu’en Europe. La Chine est aujourd’hui le plus grand marché mondial pour le véhicules électriques. Avec son volume considérable de véhicules électrifiés, ce marché est crucial pour les services après-vente adaptés. C’est aussi un domaine dans lequel de nouveaux acteurs émergeront si la géopolitique le permet. En retard, le Japon et la Corée du Sud s’y mettent aussi et vu qu’ils possèdent une industrie automobile solide, ils deviendront des marchés importants en termes d’électromobilité.
Sur ces marchés, les acteurs du marché secondaire se préparent déjà à traiter ces véhicules. Cela nécessite une expertise en matière de gestion des batteries, d’entretien des moteurs électriques et de mises à jour logicielles. De plus, le déploiement de l’infrastructure des bornes de recharge devrait voir émerger des opportunités de nouveaux services et de partenariats pour les acteurs du secteur secondaire. Le marché arrive. Un grand nombre de véhicules électriques sont arrivés dans nos garages ces derniers mois... Pouvons-nous les réparer ? Oui,mais avec difficulté car ce sont des forteresses de données. La numérisation est une question à laquelle nous pouvons répondre une fois que nous disposons des données à utiliser provenant des outils.
Quelle grande tendance pour le futur ?
F. K. : Quelles que soient les technologies de motorisation, nous prévoyons une expansion substantielle des systèmes Online-to-Offline (O2O) au cours de la prochaine décennie. Les progrès technologiques, notamment dans le domaine de l’intelligence artificielle, préparent le terrain pour révolutionner nos interactions avec tous les niveaux de clients. Cette tendance est d’ores et déjà évidente en Chine et gagne du terrain aux États-Unis.