Günter Weber, Groupauto International : « Une ITG n’existe que pour créer de la valeur ajoutée »

Muriel Blancheton
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WEBER Gunter GAUI

Le président de GAUI depuis 2023 a écumé le monde de l’OE et de l’IAM pendant trente années avant d’investir Groupauto International. Une expérience qui donne à Günter Weber toutes les clés pour donner une vision affûtée de l’après-vente et baliser le chemin de l’ITG toujours en conquête.

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Vous étiez à la tête de Bosch Aftermarket EMEA avant votre arrivée à la présidence de GAUI. Comment définiriez-vous cette ITG parmi les autres ?

Günter Weber : Je connaissais déjà cette organisation, comme je connaissais déjà son environnement ! L’aftermarket est un marché que j’ai sillonné pendant des années en tant qu’équipementier (cf. encadré) et j’ai toujours pensé qu’un International Trading Group n’existe que pour créer de la valeur ajoutée entre ses membres adhérents et les fournisseurs. Et c’est bien l’ADN de Groupauto International ! GAUI s’est calé sur un plan solide pour les années à venir, fondé sur cinq piliers : le maintien des liens étroits établis entre nos membres et nos 60 fournisseurs, la poursuite d’une expansion raisonnée de nos business selon nos besoins, le recrutement de nouveaux adhérents distributeurs avec leurs ateliers pour densifier le maillage et créer un effet vertueux avec les fournisseurs, et l’interconnexion de notre écosystème digitalisé (fournisseurs, distributeurs, ateliers, clients flottes…). Enfin, le cinquième pilier est le conseil que nous apportons en termes de business et d'opportunités sur le terrain pour nos membres adhérents.

Biographie

L’ex-Regional President Europe & Middle East de Bosch Aftermarket a pris la présidence de GAUI en 2023. Günter Weber assumait aussi la responsabilité de Senior Vice President Marketing and Business Coordination (marketing, vente, communication, digital et stratégie de la division Aftermarket de l’équipementier mondial). Parmi ses 30 années passées dans le secteur automobile, il s’est constitué une solide expérience internationale : président de Bosch India de 2013 à 2016, après avoir assumé des responsabilités en Allemagne mais aussi aux États-Unis, en Amérique du Sud et dans la région Asie-Pacifique.

De quelle manière mettez-vous en relief ces opportunités ?

G. W. : Avec nos membres, nous avons établi un plan d'expansion en Asie, en Amérique latine et au Moyen-Orient. Nous rédigeons ensemble une feuille de route avec les actions clés à mener pour mener à son terme ce business plan. Nous les embarquons via nos organisations régionales établies sur tous les continents. Nous sommes une organisation structurée avec des équipes sur place à Dubaï, en Turquie, en Chine, en Argentine… C'est la différence avec les autres ITG.

Votre soutien aux fournisseurs est plus vital que jamais compte tenu du contexte qu’ils traversent en OE ?

G. W. : Nous voyons un changement manifeste du marché, c’est certain. Les équipementiers en première monte réduisent la voilure en fermant des usines, et la plupart resserrent leur stratégie autour de de leur division aftermarket qui ne subit pas ces effets de la transition électrique. Nous l’observons et nous les accompagnons. Malgré tout, nous devons tous rester attentifs car si l’OE est affaibli et supprime des usines, quelles peuvent être à terme les conséquences pour l’aftermarket ?

La gestion des grands comptes est-elle une activité essentielle pour vous ?

G. W. : C’est un élément fondamental du marché ! Les grands comptes que nous adressons s’appellent Ayvens, Arval… (soit plusieurs millions de véhicules en flottes), tout comme les assureurs et autres apporteurs d’affaires qui orientent les véhicules vers les ateliers. C’est un business important et nous avons signé des accords de partenariats entre ces grands comptes, nos distributeurs et leurs ateliers. Ces accords sont locaux (Espagne, Italie, Royaume-Uni…), ou de manière régionale avec des zones précises comme l’Europe.

Cette gestion suggère une densité d’ateliers avec des équipes formées ?

G. W. : Nous comptons plus de 1000 ateliers supplémentaires (à fin septembre 2024), venus massifier nos réseaux de 33 000 garages (Eurogarage, Top Truck et ateliers badgés NAPA). Notre maillage et notre concept sont suffisamment attractifs pour qu'ils se rallient aux réseaux de réparation qu’animent nos réseaux de distribution. Mais la gestion des talents est importante : nous devons soutenir les distributeurs afin qu’ils forment et fassent monter en compétences leurs ateliers. C’est sans nul doute l’un des challenges les plus importants !

L’ampleur que prend le segment des véhicules de plus de 15 ans m’interroge sur l’évolution des croissances et des marges de toute la chaîne de valeur. Quand certains pays annoncent des parcs circulants dont 40 % ont déjà plus de 15 ans, les besoins sont mécaniquement différents. 

Y-a-t-il une zone plus dynamique qu’une autre en aftermarket d’après vos observations ?

G. W. : C’est un curseur qui change en permanence ! Les développements sont différents par zone et je pense qu'il n'y a pas de réponse universelle. La croissance en nombre de véhicules est évidente en Amérique latine, en Asie avec l’Inde et la Chine. Dans ces pays, beaucoup d’équipementiers sont chinois ou indiens. Et c’est notre mission en tant qu’ITG que d’ouvrir les flux entre ces fournisseurs et nos distributeurs. L'Amérique du Nord et l'Europe sont deux zones plus établies, mais la dynamique est tirée par le transfert technologique vers l’électrification. Par conséquent, les ateliers ont de nouveaux besoins en pièces, équipements et formations !

À l’échelle mondiale, avez-vous une offre en pièces circulaires ?

G. W. : Nous disposons d’offres larges en “reman“ via nos distributeurs et nous en faisons la promotion, mais cela ne va pas assez vite à mon goût dans la diffusion. Il y a encore quelques résistances de la part de certains distributeurs. Les plus gros en taille sont très bons dans ce domaine, comme AAG, ceux de taille intermédiaire ne le sont pas encore. Nous devons travailler sur ce dossier, d’autant que la demande augmente par le vieillissement du parc. Cela doit passer par un travail de fourmi sur les collections essentielles avant de pousser ces offres sur le terrain.

Que pensez-vous de la convergence OES/IAM ?

G. W. : Les constructeurs réduisent la voilure de leurs réseaux, mais protègent jalousement l'accès aux données de leurs véhicules envers la rechange indépendante. C’est contradictoire. Je vois plutôt cette convergence grandir dans nos réseaux avec l’arrivée de néo-constructeurs, la Chine en tête, en quête de ces collaborations avec le marché indépendant. Ils n’ont ni la culture après-vente, ni les structures avec les services associés. La question est : parmi les 150 marques chinoises présentes aujourd’hui, laquelle sera encore là demain ?

La résistance d’une entreprise passe par de l’anticipation logistique et financière, décrit Franck Baduel, le CEO d’AAG. Vous partagez ce point de vue ?

G. W. : Tout à fait ! Nous avons vu au cours des dernières années que l’inflation et l’explosion des prix a précipité le développement de certaines entreprises dans les abymes. À présent, la technologie croissante fait bouger les lignes, de la gestion des moteurs à combustion aux moteurs électriques et la pile à combustible… les évolutions sont permanentes. Sans parler de la digitalisation des process. Tout ceci requiert des investissements massifs anticipés et une gestion de la complexité à toute épreuve. 

Comment voyez-vous l’aftermarket dans cinq ans ?

G. W. : Toujours aussi bon ! Nous surfons sur un marché dynamique. Cela étant dit, j’observe deux phénomènes devant lesquels l’écosystème va devoir faire face et adapter ses offres. Premièrement, l’ampleur que prend le segment des véhicules de plus de 15 ans m’interroge sur l’évolution des croissances et des marges de toute la chaîne de valeur. Quand certains pays annoncent des parcs circulants dont 40 % ont déjà plus de 15 ans, les besoins sont mécaniquement différents. Le consommateur se tourne prioritairement vers les pièces alternatives et non plus les pièces d’origine. Deuxièmement, la croissance inévitable du parc électrique dans les trois à cinq prochaines années se superpose avec la consommation encore énorme en pièces pour véhicules thermiques. Cette position hybride est un grand défi pour les distributeurs, c’est un jeu d’équilibriste. Dans certains pays, comme en Norvège, le marché du véhicule électrique est établi, avec une maturité qui donne une bonne vision pour les grossistes sur les pièces en croissance et celles qui chutent en réparation. D'autres pays sont encore au point de départ sur l’électrique – en Pologne par exemple – et tout reste à faire.

Chiffres Clés

•    35 Md€ de CA
•    Présence dans 114 pays
•    32 structures régionales : 2600 distributeurs, 4518 points de vente
•    34 000 ateliers sous enseigne Eurogarage ou Top Truck et ateliers badgés NAPA
•    60 fournisseurs premium

Muriel Blancheton
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