« Magneti Marelli a changé son état d’esprit »
L’Italien Magneti Marelli, dans le giron du Japonais Calsonic Kansei (propriété du fonds KKR) depuis sa cession par Fiat en 2018, affronte les mêmes turbulences que ses clients constructeurs, mais a solidement ancré ses positions dans un aftermarket effervescent. Andrea Anfossi, patron des Pièces et Services pour l’Europe du Sud, livre la feuille de route après-vente du géant mondial.
Comment évolue Magneti Marelli Parts & Services depuis deux ans ?
Andrea Anfossi : Avec de belles perspectives compte tenu de la demande en pièces de rechange au niveau planétaire ! La cause est connue de tous : le parc circulant augmente, vieillit et consomme de la pièce de rechange. J’observe ce phénomène via notre réseau de distribution présent dans plus de 100 pays (Europe, Asie, Amérique du Nord et du Sud, Afrique et Océanie) et via notre propre réseau Checkstar Service Network et Checkstar Car Body Network (Italie, Espagne, Allemagne, Pologne, Brésil, Argentine et en Chine). Nous avons un portefeuille calibré pour répondre aux demandes des ateliers : pièces de carrosserie, alternateurs, démarreurs, produits électriques et électroniques, pièces techniques, consommables et outillage pour garage.
Où sont vos leviers de croissance ?
A. A. : Nous sommes divisés en trois zones : Amérique du Sud, EMEA et APAC. Nous observons depuis trois ans une effervescence mondiale due aux âges des parcs. Si je zoome sur l’Europe, l’Italie – où nous avons renforcé notre logistique – est très consommatrice de pièces techniques pour le freinage et les amortisseurs ou encore les filtres. En France et en Allemagne, nos ventes augmentent en pièces électroniques et systèmes d’éclairage.
L’inflation a également eu un impact ?
A. A. : Nous avons eu ces deux dernières années un taux d'inflation très élevé en Europe et ailleurs qui a fait exploser les prix pour toute la filière. Nous avons été prudents dans la gestion de l’inflation et des augmentations sur les produits. Les volumes ont augmenté et nous avons pu maintenir un certain équilibre entre croissance des prix et dynamique des coûts (transport…). Je rappelle également que le prix de certaines pièces (éclairage et électronique notamment) augmente seulement du fait de leur complexité technologique croissante. Et c’est cette tendance que nous allons constater à présent : moins de volume mais des prix en hausse du fait du contenu technologique des pièces… Nous devons être prêts à prendre cette direction.
« S’adapter en permanence en n’hésitant pas à renverser la table »
Dans ce secteur, qui est le plus compétiteur ?
A. A. : Chez les équipementiers, j’observe une nette évolution de la qualité des pièces et composants venus de Chine d’année en année. Il faut être attentif à cela, mais la Chine est une concurrente dont il ne faut pas avoir peur. Ce n’est pas le monstre décrié comme on peut l’imaginer. En distribution, l’Europe s’est évidemment concentrée mais a gardé ses spécificités par pays. Il n’y a pas de révolution mais des évolutions. On a pu le constater en Italie, où de grandes plateformes de distribution qui n’existaient pas il y a cinq ans se sont installées pour vendre aux distributeurs sur un territoire géographique compliqué (Autodis par exemple, Distrigo). Ce qui a changé la donne tout en s’adaptant aux spécificités du territoire. Idem en Espagne et en France.
Un distributeur chinois pourrait-il s’installer en Europe ?
A. A. : Tout est possible. Les acteurs chinois sont puissants. Pas uniquement du point de vue manufacturier, mais aussi en distribution. Il suffit de voir dans d’autres domaines l’émergence rapide d’acteurs, plutôt digitaux, comme Alibaba… même si Alibaba n'est pas devenu Amazon.
Croyez-vous aux alliances entre l’OES et l’IAM ?
A. A. : Il y a longtemps, tout le monde était convaincu que la rechange constructeur allait naturellement renverser le marché par rapport aux indépendants. On a vu l’opposé se produire, avec des parts de marché OES arrivées à un plafond de verre partout en Europe. Et Magneti Marelli le sait mieux que tout le monde en ayant été dans le giron de Fiat Chrysler jusqu’en 2018 ! Du fait de structures complexes et d’objectifs différents, l’OES n’est pas encore au même niveau que la rechange indépendante sur le marché de la pièce. Tout n’est pas qu’une question de marge. Il faut comprendre le marché indépendant. Les constructeurs qui ont ouvert le chemin ont recruté des personnes issues de l’aftermarket pour mieux l’appréhender, à l’image de Stellantis avec Distrigo. Mais il faut également comprendre la complexité des structures et des marques au sein d’un même groupe qui compile quatorze marques...
Quels sont vos grands défis ?
A. A. : Je dirais qu’il s’agit de s’adapter en permanence en n’hésitant pas à renverser la table, et apporter du service, celui dont la chaîne a besoin (de la distribution à la réparation). Nous l’avons fait avec la disparition de certaines lignes de produits, le carburateur par exemple. Il faut être en mesure de bouleverser ses portefeuilles produits en collant aux besoins du parc. Il faut également et absolument se concentrer sur le niveau logistique que nous sommes capables d’apporter vers la supply chain et les services vers les ateliers (équipements, formations…).
La digitalisation est un grand défi que nous abordons au niveau mondial avec notre projet 5.0 Digital Wave. Il s’agit de digitaliser les relations de toutes les parties prenantes : relation client (CRM), chaîne d’approvisionnement (Extended Supply Chain), tarification (Pricing) et enfin gestion de la garantie des produits et des réclamations de livraison (Warranty and Claims). Ce projet change l’état d’esprit de Magneti Marelli Parts & Services : la technologie, associée à la simplification des processus, crée de la valeur pour toute notre chaîne.
Le troisième point est le recrutement dans les ateliers. C’est crucial pour la croissance de notre secteur. Nous investissons pour cela dans des formations dédiées, des instituts techniques, ou encore des écoles, spécialisées, mais il reste très difficile de recruter et de motiver la nouvelle génération.
Quelle est votre vision à cinq ans ?
A. A. : Je dirais que nous survivrons tous, dans un univers où les véhicules ne cessent de rouler et de croître, dans un horizon encore plus large que cinq ans. Mais encore une fois, j’insiste sur notre capacité à développer des produits dont le marché a besoin avec des offres différenciées en gammes, qualité et prix. Nous devons nous concentrer sur le bon niveau de services avec des offres abordables. Nous avons changé notre état d’esprit dans ce sens car le client a changé, et j’entends par là l’atelier et son client.