Roberto Caravati, Brembo : « Ne jamais descendre sous les 92 % de taux de service »

Muriel Blancheton
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Roberto Caravati

En IAM, l’équipementier s’est développé sur des marchés matures comme l’Europe, les États-Unis et la zone EMEA. Roberto Caravati dessine un paysage de l’IAM mondial polarisé entre la pièce premium et les MDD, avec toujours une forte consolidation des acteurs. Explications du patron de l’après-vente Monde de Brembo.

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Votre traversée 2024 et les leviers de croissance pour Brembo ?

Roberto Caravati : Brembo Aftermarket va clôturer l’exercice avec une croissance de près de 18 %. Le groupe continue de grandir sur un marché du freinage en rechange estimé entre + 6 et + 8 %, ce qui signifie que nous performons jusqu’à trois fois mieux que le marché. L'Europe, même impactée par les crises énergétiques et l’inflation, est naturellement une zone de croissance pour Brembo ! Notre pénétration en IAM est de l’ordre de 30 % en moyenne en Espagne, Allemagne, Pologne…voire plus en Italie, notre marché domestique. En France, nous sommes sous les 5 %, d’où la création il y a quelques mois d’une nouvelle filiale française. Ailleurs, j’ajouterais les États-Unis et l'Asie comme leviers significatifs. Mais je dois souligner l’évolution de Brembo dans les pays du Nafta et en Asie-Pacifique (+ 35 %). Mais quelle que soit la région, le taux de service ne doit jamais descendre sous les 92 %, avec notre approche go-to-market. Nous proposons une solution taillée pour chaque client et son véhicule dans le contexte actuel de développement durable. Ce qui signifie des gammes et des produits plus “verts“, des kits en disques et plaquettes… Des solutions OE adaptées très vite à l’IAM comme bientôt notre disque Brembo CCM, en matériau carbone céramique composite.

Quelles tendances observez-vous sur le marché mondial de l’Aftermarket ?

R. C. : Un phénomène de polarisation assez net sur deux segments : en premier lieu, l’inclinaison des fournisseurs en première monte à se diversifier dont certains en rechange (constructeurs et indépendante), poussés par la quête de nouvelles profitabilités après les milliards d’euros dépensés pour l’électrification. En second lieu, la polarisation très claire des ventes entre marques privées ou marques premium, sans tranche intermédiaire. Ce choix nous convient puisque Brembo est premium avant tout, et notre job consiste à convaincre l’atelier de proposer systématiquement nos gammes à son client final.
J’ajouterai que le manque de techniciens dans les ateliers pour intervenir sur des véhicules de plus en plus technologiques est une autre tendance, assez préoccupante. La problématique est générale à l’ensemble du secteur et même au-delà de l’aftermarket, comme nous le savons. Mais la digitalisation des ateliers est bien réelle. Il faut être conscient de cette problématique généralisée, c’est d’ailleurs pourquoi nous regardons de très près l’association Talents4AA. C’est une superbe initiative pour notre secteur.

Après l’inflation, quel(s) facteur(s) peuvent impacter le secteur ?

R. C. : Nous avons tous été portés, il est vrai, par une inflation importante générée par la hausse des coûts des matières premières, du transport aérien et maritime… Nous devrions retrouver des taux normaux autour des 2 à 3 %. En revanche, nous devons rester en veille sur des facteurs géopolitiques pouvant tendre encore le marché, notamment sur les coûts de transport. Le retour en politique de Donald Trump, l’issue incertaine du conflit russo-ukrainien… Ce sont autant de moments cruciaux pour l'industrie automobile car la période est difficile. L’anticipation des acteurs pour se consolider financièrement est essentielle à ce moment précis. Nous sommes tous les yeux rivés sur nos tableaux de bord et la rentabilité. Notre marché est à un carrefour de son histoire.

Considérez toujours que la concentration de la distribution européenne n’est pas achevée, par rapport à celle des États-Unis par exemple ?

R. C. : Je le pense toujours ! La consolidation en Europe incarnée par LKQ, AAG/GPC, PHE… n'est rien en taille comparée aux acteurs américains qui trustent le marché IAM là-bas (Autozone, GPC, O'Reilly…). Elle se joue à présent avec les acteurs de taille intermédiaire qui se rachètent entre eux. Cette consolidation est un vrai défi. Dans cette photographie de la distribution, je ne vois pas d’acteurs lointains comme les chinois New Carzone ou Tuhu par exemple, tenter de prendre des parts de marché. L’IAM exige de la proximité, de la connaissance terrain. L’Union européenne est composée de vingt-sept Etats, ce qui est complexe à gérer. C’est déjà difficile pour les Européens de se comprendre entre eux…

Qui sont vos concurrents directs en production ?

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Brembo

R. C. : Historiquement, nous sommes confrontés à des compétiteurs européens réputés comme Bosch, TRW, ATE chez Continental, Federal Mogul (DRiV). 

Notre force réside dans le fait que nous fabriquons les disques et plaquettes que nous vendons, même en aftermarket, contrairement à la majeure partie de nos concurrents.

Quel est votre circuit de distribution ?

R. C. : Nous privilégions depuis toujours nos ventes vers la distribution traditionnelle, qui revend ensuite à ses propres clients. Nous ne dérogerons pas à cette règle et respectons cette chaîne de valeur. Ce qui sous-entend que nous n’intervenons pas dans les ventes de la distribution vers certains sites web comme Autodoc ou Oscaro… Cette digitalisation des ventes par des acteurs 100 % en ligne capte un niveau de la distribution que les grossistes traditionnels ne doivent d’ailleurs pas négliger. Je pense que nous avons un rôle de protection à jouer à ce niveau avec eux.

Quelle est votre vision à cinq ans pour l’aftermarket ?

R. C. : Ce marché sera radieux car moins vous vendez de véhicules neufs, plus vous réparez de véhicules âgés, qui plus est sur un parc croissant et encore majoritairement thermique. Le client final hésite à changer de véhicule et augmente le nombre de kilomètres parcourus. Tout ceci est mécanique et devrait conduire à un marché IAM dynamique. Enfin, comme je dis toujours, les systèmes de freinage restent essentiels, que ce soit sur un véhicule thermique ou électrique. Cette technologie ne va pas disparaître. Brembo sera toujours dans la course !

Muriel Blancheton
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