Stéphane Antiglio et Jeremy de Brabant, PHE : « Distribuer des pièces coûte de plus en plus cher »

Jérémie Morvan
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PHE_S Antiglio et Jeremy de Brabant

Le groupe avance une solide croissance pour 2023, porté par un vieillissement généralisé du parc européen. Attention toutefois à l’inflation, dont les effets multiples ne se sont pas tous encore pleinement manifestés… Visions et analyses croisées du président et du directeur général de Parts Holding Europe.

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Comment s’est déroulé l’exercice 2023 pour PHE ?

Jeremy de Brabant : Globalement 2023 aura été une belle année, avec notamment un premier semestre très solide ; le groupe progresse sur la totalité de ses territoires, avec une croissance organique à deux chiffres, au-delà du marché [N.D.L.R.: + 12,2 % au S1]. En termes de croissance externe, nous avons enregistré en février dernier le renfort d’AD Basconia, au Pays basque espagnol. Notre développement se poursuit donc à l’international, au point de représenter aujourd’hui un tiers du CA du groupe, et cela alors même que l’activité est encore jeune puisqu’elle n’a été initiée qu’en 2016. Notre stratégie en la matière n’a pas changé : PHE entre sur un marché en ciblant des entreprises connues et reconnues, qui possèdent une vision et une culture proche de celle de notre groupe; l’objectif dans un second temps est d’atteindre une position de leader. PHE est ainsi n°1 en France, en Italie et en Espagne, et n°2 en Belgique. Nous devrions terminer l’année autour de 2,5 Md€ de CA, en avance sur notre plan de marche initial.

Stéphane Antiglio : L’année n’aura pas été simple pour autant, car le métier de la distribution coûte de plus en plus cher. Le secteur a dû composer avec l’inflation sur les salaires, les différentes énergies, le coût des véhicules de livraison tant à l’achat qu’en location, les loyers des bâtiments, et un coût de détention des stocks en forte hausse avec des taux d’intérêt qui ont pris 4 points en un an… C’est clairement une nouvelle donne pour le marché !

Quelles ont été les zones les plus dynamiques ?

J. de B. : La croissance a été globalement homogène en Europe, à l’exception de la Belgique où l’inflation a eu un impact plus prononcé sur certaines lignes de coûts, notamment les index salariaux. Mais nos adhérents ont ici aussi réussi à faire mieux que le marché. Plus largement, le kilométrage annuel moyen n’est pas encore revenu à un niveau d’avant Covid-19 au Benelux, contrairement aux marchés du sud de l’Europe.

S. A. : Les parcs roulants vieillissent partout ; une situation plutôt favorable à l’IAM, et donc aux distributeurs indépendants et aux MRA. Les prix des véhicules ont grimpé en flèche sur ces dernières années, et les questions des consommateurs sur les véhicules électriques ne sont pas encore levées. Tout cela crée un attentisme qui génère un vieillissement du parc européen.

Ces difficultés sur le marché du VN ne poussent-elles pas justement les réseaux de marque à se renforcer sur leur activité après-vente ?

S. A. : Les réseaux constructeurs bougent sur l’après-vente, avec des forfaits et des opérations commerciales. Ils cherchent à se rendre plus compétitifs à l’heure où la vente de véhicules est plus compliquée. Néanmoins, structurellement, ils ont des handicaps face aux réparateurs multimarques, à commencer par un maillage du réseau et une flexibilité moindres. Les réseaux multimarques apparaissent plus proches des consommateurs, plus agiles et surtout moins chers alors que le pouvoir d’achat des ménages est sous pression. Ces réseaux ont des atouts importants en main !

L’électrification a-t-elle d’ores et déjà un impact sur le business sur les marchés où vous êtes présents ?

J. de B. : L’électrification du parc va plus vite dans les pays du Nord que dans ceux du Sud. En revanche, elle progresse moins vite que les projections initialement annoncées pour de multiples raisons : le prix des véhicules, le coût de l’électricité, le parc de bornes de recharge, etc. Suivant notre slogan « Réparer aujourd’hui, préparer demain », nous nous préparons justement à l’arrivée des véhicules électriques et des hybrides rechargeables dans nos ateliers. Via l’Institut AD, ou dans le cadre du programme Move Up 2027 mis en place par Doyen, ou encore le programme Millenium en Espagne, nous préparons nos adhérents à la montée en puissance de l’électrique. Une montée en puissance qui fait figure d’évolution dans le parc roulant, aucunement d’une révolution…

Peut-on dire aujourd’hui que les perturbations en matière de supply chain sont résolues ?

J. de B. : Si cela va mieux aujourd’hui, on est encore très loin des taux de service que l’on pouvait constater avant le Covid-19. Très peu de fournisseurs sont revenus à leurs taux de service antérieurs. Le distributeur doit surstocker pour pouvoir servir ses clients garagistes, c’est le choix de PHE. L’enjeu du financement des stocks est important car surstocker pour compenser, cela signifie supporter des coûts supplémentaires. Nous avons conscience que la question de la supply chain n’est pas simple pour les équipementiers. PHE et ses fournisseurs travaillent à trouver des solutions pour améliorer la situation.

Comment envisagez-vous 2024 ?

J. de B. : On peut espérer une accalmie au niveau de la hausse du prix des pièces. En revanche, au niveau des coûts, l’inflation va se poursuivre : hausse des salaires, des loyers, des coûts d’assurance, financement des stocks… avec le risque d’un « effet ciseaux » sur le prochain exercice. Il va falloir piloter très finement nos entreprises !

S. A. : Les mêmes causes produisent les mêmes effets pour nos clients réparateurs : ils vont devoir augmenter les salaires de leurs collaborateurs après l’inflation de 2023, gérer la hausse du coût de l’énergie, des polices d’assurance, etc. Il faut aussi poursuivre les nécessaires investissements dans la formation de leurs équipes et financer de nouveaux équipements pour leurs ateliers ! Ils vont très probablement devoir rehausser leurs taux de main-d’œuvre, ce qui ne plaide pas en faveur d’une baisse des coûts d’entretien-réparation.

Jérémie Morvan
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