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Fabien Derville (Mobivia) : « Nos investissements vont à la transformation de nos modèles »
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Interview exclusive de Fabien Derville, le très discret patron de Mobivia raconte comment il a européanisé et fait muter son groupe en mode digital pour le faire coller avec son temps.
Où en êtes-vous dans votre déploiement européen ?
Fabien Derville : En entrant en Allemagne par le rachat d’A.T.U fin 2016, nous avons passé un palier important. C’était une volonté d’adresser ce marché résolument moderne avec une entreprise familiale culturellement proche de nous, alignée sur les métiers de Norauto, avec un maillage fantastique. Avec l’Allemagne, nous apprenons à être en avance sur les sujets de la nouvelle mobilité. Nous voulons développer nos implantations actuelles et ne visons pas d’être nécessairement sur tous les marchés européens.
Pourquoi avoir invité Michelin au capital d’A.T.U ?
F. D. : Nous sommes dans l’air des alliances capitalistiques, stratégiques ou commerciales. Nous ne nous interdisons donc pas d’adresser des sujets nouveaux avec d’autres. Michelin avait une connaissance de l’Allemagne que nous n’avions pas encore. Pour Michelin, c’était intéressant d’aider Mobivia à remettre sur pied une entreprise (A.T.U) à l’époque fragile et de sauver un réseau indépendant. Depuis, A.T.U progresse en chiffre d’affaires et en résultats, la trajectoire est encourageante.
Pourquoi avoir quitté la Russie ?
F. D. : Les résultats de nos deux centres Norauto étant en-deçà de nos espérances, il fallait donc accepter que les consommateurs russes n’aient que modestement besoin de nous. De plus, se développer progressivement et par nous-mêmes pour devenir un acteur significatif aurait pris trop de temps. Aujourd’hui, la question de la vitesse est cruciale. Enfin, dans un passé encore récent, nous investissions sur la duplication du modèle; aujourd’hui, nous devons investir sur son renouveau. Notre priorité est de nous concentrer sur la transformation de l’expérience client sur nos marchés historiques, où les enjeux sont importants. Cela passe par la digitalisation, la technologie et l’efficience logistique. Les capitaux investis sur le développement européen sont donc aujourd’hui mobilisés sur la transformation de nos modèles.
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Vous avez acheté deux pure-players scandinaves. Un modèle en exploration ?
F. D. : Le pure-player est une façon intéressante d’adresser plusieurs marchés à la fois, d’autant plus lorsqu’ils sont petits. Pour Mobivia, il s’agit d’un apprentissage à moindre coût qui nous amène à penser que si nous réussissons à passer notre réseau physique en version omnicanale, notre modèle sera durablement au service des automobilistes. Nous travaillons à ne pas être « disruptables ». Aujourd’hui, chez Mobivia, le canal digital représente entre 5 et 10 % du business selon les enseignes et les pays. C’est amené à croître. Pour le modèle du centre auto, Internet est devenu le principal canal d’entrée et de réservation, sinon de vente.
Comment vous positionnez-vous dans le paysage européen de la pièce, en pleine mutation ?
F. D. : Nous sommes génétiquement plus BtoC que BtoB. Nous n’avons pas suivi le mouvement des concentrations de distributeurs de pièces débouchant sur la naissance de gros opérateurs. Mais cela ne nous empêche pas d’être compétitif sur l’achat de pièces détachées car nous sommes sur le 20/80 (les pièces à forte rotation), alors que les acteurs du BtoB réalisent leurs performances sur le 80/20. Nous n’avons donc pas considéré qu’il était stratégique d’entrer dans la course à la consolidation.
Les rachats d’Originauto et d’Exadis signent-ils l’arrivée de Mobivia sur le terrain du BtoB ?
F. D. : Avec Synchro Diffusion, nous sommes dans le BtoB depuis déjà 2004. L’intégration du site de vente de pièces aux pros Originauto nous fait franchir une étape. De son côté, Exadis, qui met le stock à deux heures des clients, est une brique complémentaire pour livrer nos ateliers Norauto et Midas, et toujours également sa clientèle de garagistes indépendants. Avoir le bon stock au bon endroit, livrer le client quand et où il le veut est un enjeu stratégique et nous avions besoin de renforcer notre « supply chain ». Investir dans les métiers du BtoB est un axe stratégique assumé, que nous considérons de manière raisonnée afin de garder la capacité d’investir sur le service à l’automobiliste, qui est notre cœur de métier.
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Avec Via ID et CarStudio, vous disposez d’un vivier de startups liées au métier de l’entretien comme aux nouvelles mobilités. Est-ce un axe stratégique pour Mobivia ?
F. D. : L’univers des mobilités foisonne. Et, si nous étions parmi les premiers à créer un fonds d’investissement sur le sujet avec Via ID, aujourd’hui il y en a beaucoup, dont certains ont plus de moyens que nous. Nous devons être l’acteur le plus pointu et donc très pertinent dans nos choix. Aujourd’hui, nous orientons notre investissement vers la mobilité urbaine et douce (majoritairement du deux-roues) et la mobilité « as a service ».
Comment Mobivia pilote l’électrification attendue du parc ?
F. D. : La montée en charge des ventes de véhicules électriques va impacter significativement l’aftermaket tel qu’il existe aujourd’hui. Comme tous, il nous faut faire évoluer nos business models et la compétence de nos équipes. Il y a des gros enjeux de métiers. Je suis résolument optimiste car, pour celui qui va savoir s’adapter et améliorer l’expérience client, c’est une opportunité. Notre responsabilité entrepreneuriale est d’inventer une mobilité durable : différente, la plus décarbonée possible, multimodale, et les business models qui vont avec.
Votre position sur l’accès aux données véhicules ?
F. D. : Mobivia supporte activement les initiatives qui favorisent un accès équitable à la data et aux ressources du véhicule. Et souhaite contribuer aux projets, nationaux ou européens, publics ou privés, qui veulent développer des solutions ouvertes et sécurisées étant amenée à devenir des standards de l’industrie, dans l’intérêt de l’usager automobiliste tout d’abord, et de tous les acteurs du secteur.
Caroline Ridet
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