Malus au poids : Bienvenue en "absurdie"

Muriel Blancheton
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Le voyage n’est pas long et il est conduit par Claude Cham, le président de la Fiev, Dominique Stempfel, le président du Syndicat des Pneus ou encore Xavier Horent, délégué général du CNPA, pour ne citer qu'eux. Car dès l'annonce d'un malus poids pour « lutter contre les ventes de gros SUV », les réactions se sont multipliées pour dénoncer l'idéologie d'une décision prise sans concertation ni étude d'impact.

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Pour rappel, la proposition d’un malus au poids écartée du dossier PLF 2021 par Bruno Le Maire en septembre, puis replacée par Barbara Pompili en octobre, vient d'être finalement actée pour 2022. Avec quelques réaménagements :

  • Le malus démarrera à 1 800 kgs et non plus 1 300 kgs et s'appliquera, comme pour le malus CO2, sur l'ensemble des véhicules neufs immatriculés pour la 1ère fois en France
  • Les voitures électriques et les hybrides rechargeables ayant au moins 50 kms d'autonomie électrique en ville sont exclues
  • Un abattement de 200 kg par enfant est prévu pour les familles ayant au moins trois enfants à charge, et 400 kg pour les véhicules d'au moins huit places acquis par une entreprise ou une personne morale.
  • Le malus est fixé à 10 € par kilo excédentaire et plafonné à 10 000 €. Au cumul avec le malus CO2, la somme ne doit pas dépasser 40 000€ en 2022 et 50 000€ en 2023.
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« Nous faisons un voyage en absurdie ! Les émissions de CO2 sont déjà visées par des pénalités. C’est une taxe sur une taxe (…). Si c’est pour respecter une proposition de la Convention Citoyenne, cela relève de l’idéologie et non de la réalité des faits. Et l’idéologie n’a jamais été un bon carburant pour favoriser l’innovation et la créativité », relève Claude Cham, le président de la Fiev. Dominique Stempfel, le président du Syndicat des Pneus pointe du doigt la contradiction du gouvernement qui s'est opposé en vain à la fermeture du site Bridgestone de Béthune en proposant de fabriquer des pneus plus gros pour le marché porteur des SUV. « Donc, il faut éradiquer les SUV de nos routes et taxer fortement les véhicules lourds, mais en même temps, il faut fabriquer des pneus plus gros pour rentabiliser les usines. Un scénario absurde qui conduit à fabriquer des produits destinés à un marché qu’on veut détruire ? »

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En 2022, près de 45 % des véhicules du marché français (toutes marques confondues) seront soumis au malus, si l'on tient compte du malus CO2 et du malus poids, souligne le CNPA. Les Français paieront en moyenne 1 150€ de malus sur l'achat de leur véhicule. "Ce malus poids a connu de très nombreux rebondissements, signes également d’une évidente absence de consensus au niveau des parties prenantes. Dont acte. 2022, c’est très loin. Alors, une taxe de plus, tellement expurgée du contenu de la proposition initiale, tellement assortie d’exonérations, limitant son impact à seulement 3 % d’un marché réservé aux plus riches… la pilule est amère, certes, mais on parie sur le fait qu’elle finira par passer. En France, la chasse "aux gros" est désormais autorisée. On taxe au poids, sans trop faire trop de détails sur les conséquences de long terme dont les acteurs automobiles - infréquentables et inaudibles - s’alarment à juste titre", estime Xavier Horent (CNPA) qui détaille la mesure :

  • Le seuil fixé et les montants ont ceci de pratique que l’on peut les monter ou les descendre assez facilement et rapidement. En l’occurrence, les uns descendront, les autres augmenteront, bien sûr, car la puissance publique a désormais un nouvel instrument fiscal entre les mains.
  • Les exonérations et abattements accordés sont autant de nouvelles niches qui seront bien gardées par leurs bénéficiaires tout en participant d’une exceptionnelle exception française en matière de complexification de la réglementation automobile. Les garagistes seront désormais en charge, entre autres, de contrôler les livrets de famille !
  • Les véhicules thermiques, notamment de marque étrangère, subventionneront ces exonérations.
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  • Les véhicules électriques et hybrides, aujourd’hui dispensés, ont vocation demain à devenir aussi une matière d’autant plus taxable qu’ils bénéficient pour le moment d’un important soutien public pour en assurer l’essor.
  • Le rendement budgétaire sera d’autant plus faible que le commerce de véhicules haut de gamme s’expatriera, une fois de plus, pour le plus grand bonheur des pays frontaliers. Les choix d’implantation industrielle finiront par suivre, baisse de la fiscalité de production ou non.

Comme bien souvent, une image vaut mieux que des explications pour souligner une contradiction : celle de la photo du véhicule présidentiel - postée par Fabrice Godefroy (Expert Mobilité pour 40 Millions d’Automobiliste) : celle de la DS 7 Crossback, dernier SUV sorti des usines de notre fleuron français Citroën et dont le PTAC est de… 2 tonnes.

Muriel Blancheton
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