Marco Moretti, Brembo: « Nous nous adaptons à une relation centralisée avec les groupes »

Muriel Blancheton
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Quelles sont les positions mondiales de Brembo ?

Marco Moretti : Nous vendons nos systèmes (disques, plaquettes, étriers…) dans 70 pays et possédons des sites de production partout en Europe et dans le monde, jusqu’au Brésil, États-Unis, Mexique, Chine et Inde. Nos sièges sont implantés en Espagne, en Scandinavie, en Russie, aux États-Unis et au Japon. Le groupe compte plus de 10 600 collaborateurs et près de 10 % d’entre eux sont des ingénieurs et des spécialistes produits pour la R&D. Le chiffre d'affaires 2018 s'est établi à 2,6 Md€ en 2018, soit + 7,2 % sur un an ! Mais le premier semestre est en baisse de 1,2 % avec 1, 3 Md€, dûe à la chute des immatriculations mondiales de 6,6 % sur la période. Ces résultats soulignent bien la situation difficile qui caractérise depuis longtemps le secteur auto. L’IAM éprouve les mêmes difficultés. À court terme, nous ne prévoyons pas de reprise tant que les conditions actuelles d'incertitude politique et économique demeurent. À long terme, on peut s'attendre à un impact plus graduel des changements technologiques, environnementaux et sociaux. L’innovation joue donc un rôle fondamental car c’est précisément lorsque les marchés sont en difficulté que l’innovation fait levier.

On parle beaucoup d’électrification, de décarbonation, de connectivité… Un changement de périmètre pour les équipementiers ?

M. M. : Oui, nous investissons chaque année au moins 6 % du chiffre d’affaires pour rester dans la course. Comme je l’ai dit, la clé reste l’innovation. Nous travaillons déjà sur le freinage du futur, répondant aux exigences environnementales sur la baisse des émissions de CO2. Et tout ceci aura obligatoirement un impact dans les années à venir en IAM, d’ici quinze ans… Mais je pense également que notre prochaine étape sera liée à notre capacité à fournir plus de services aux clients. Brembo est au début d'un chemin vers une profonde transformation de ses métiers, déjà amorcée avec l’électromécanique. L'avenir de nos produits sera fait de métal « intelligent ». Notre ADN, c’est la recherche de la légèreté, ce qui nous a déjà donné un avantage dans l'électrification. Aujourd'hui, nous pouvons développer un système de freinage entièrement électrique, contribuant à plus de stabilité et de confort. Nous avons toujours mis des barrières technologiques entre nos concurrents et nous ! Nous continuerons…

Votre regard sur la concentration du marché en rechange et l’arrivée d’acteurs américains sur la pièce ?

M. M. : C’est une tendance bien établie qui ne surprend plus personne ! Les acteurs de la distribution en Amérique du Nord ont identifié des opportunités de croissance rentable en Europe, en particulier parce que comparés aux géants américains, les acteurs européens sont encore petits et peu intégrés. La tendance s’est ralentie sur les dix-huit derniers mais dans un avenir proche, nous allons probablement assister à quelques évolutions intéressantes… Dans tout cela, notre stratégie n’a pas changé. Nous nous sommes adaptés à une relation plus directe et centralisée avec ces grands groupes internationaux, car ils ont besoin d'interlocuteurs réactifs. Mais nous maintenons notre focus sur des marchés locaux dans lesquels nous continuons d’investir. Nos règles d'or sont les mêmes : notoriété, richesse et exhaustivité de la gamme, qualité du service, présence sur le territoire, accessibilité des pièces et accompagnement.

Mais pourrait-on voir arriver des Américains comme O’Reilly Automotive ou Auto Zone en Europe ?

M. M. : Ce ne sont que des rumeurs. Comme je l'ai dit, nous parlons d'entreprises plus grandes que la moyenne des entreprises européennes. Ils peuvent parfaitement acquérir le plus gros des acteurs du continent, et s’appuyer sur un levier financier considérable. En revanche, je ne sais pas comment ils peuvent exporter leur modèle tel quel vers l’Europe. Leur principal facteur de succès sera leur capacité à interpréter correctement les particularités de notre marché et définir une stratégie cohérente à long terme.

Que pensez-vous de l’arrivée des constructeurs sur l’IAM ?

M. M. : Nous examinons très attentivement ces mouvements. Pourront-ils s’adapter au monde de l’après-vente ? Changeront-ils leurs habitudes ? Pour le moment, la stratégie de PSA semble plus claire. Et nous verrons également si et comment cela rejaillira sur Fiat (FCA). En revanche, je n'ai pas assez de clés pour comprendre le véritable intérêt de Renault dans l'opération Exadis... Mais toutes ces approches ne vont pas radicalement changer la photographie du marché. Les équipementiers vendront toujours leurs pièces.

Comment êtes-vous distribués en Europe ?

M. M. : Dans chaque pays, nous travaillons de manière intense avec le premier ou au moins l’un des trois leaders du marché domestique : Stahlgrüber en Allemagne, Intercars en Pologne, Sator aux Pays-Bas, Birner en Autriche, Doyen en Belgique… Nous sommes présents partout. La Russie est un marché spectaculaire, la Grèce également... En France, nous avons une pénétration entre 5 et 10 % du marché en étant surtout distribués via le canal dit « moderne » des centres autos, comme Norauto, ou sur le Web via des pure-players tels qu’Oscaro, Mister-Auto ou Yakarouler. Dans le canal traditionnel, nous travaillons avec PHE via ACR et Doyen. Comparée aux autres marchés, la distribution française est très certainement la plus exigeante car elle demande un soutien très fort de la part des fournisseurs, en marketing, en catalogues… Un niveau qu’elle applique pour elle-même afin d’accompagner les développements de ses ateliers.

Muriel Blancheton

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