Quand RMC débat du métier d’expert
Un débat animé
Une intervention suffisante pour lancer le débat avec Benjamin Labonne. «Il faut tout de même dire aux auditeurs que lorsqu’ils ont un accident, comme ils vont voir un médecin lorsqu’ils sont malades, ils doivent d’abord se rendre chez leur carrossier : c’est lui qui les conseillera la marche à suivre en fonction du type de sinistre, car dans le cas de petits accrochages, il n’est pas toujours nécessaire de mobiliser son assureur, a-t-il souligné. Surtout que l’assureur envoie généralement un expert qui aura la défense de ses intérêts économiques comme priorité, c’est pourquoi, à la FFC, nous sommes attachés au principe d’expertise contradictoire.» Une intervention qui n’a pas manqué de faire réagir Sylvain Girault. «Ça discute beaucoup pendant la pub», a d’ailleurs précisé François Sorel, comme pour souligner l’intensité des débats entre les invités hors antenne.Florian Mourgues (SEAI) a, lui, déploré l’absence d’un représentant du Ministère de l’Intérieur, autorité de tutelle des experts en automobile, avant d’insister auprès des auditeurs pour qu’ils n’hésitent pas «à reprendre en main la gestion de leur sinistre, qu’ils se présentent chez leur carrossier au moment où l’expert passe, ce qui est possible même le samedi, car beaucoup de carrossiers sont ouverts ce jour-là». Face aux deux journalistes, qui ont rappelé la difficulté pour les victimes d’un sinistre de libérer un créneau dans leur emploi du temps si l’expertise a lieu en semaine, le président du SEAI a expliqué qu’il ne fallait pas hésiter «à appeler l’expert ou à se rapprocher de son assurance pour connaitre son nom », ainsi l’expert « se rendra compte que le client est intéressé par le lieu, le moment et la façon dont son véhicule sera traité».La dépendance économique en questions
Sujet éminemment polémique, la dépendance économique d’une majorité d’experts en automobile vis-à-vis des compagnies d’assurance et mutuelles qui les mandatent a également été mise sur la table par Florian Mourgues. «Je précise que les experts d’assurance sont dépendants économiquement de l’assureur», a-t-il déclaré, ce à quoi Sylvain Girault a bien évidemment réagi. «On parle d’experts d’assureurs, d’experts indépendants mais moi, je ne sais pas ce que c’est, a-t-il souligné. Ce que je sais, c’est que les quelque 3 300 experts en automobile qui exercent en France disposent d’un agrément et sont tous inscrits sur la liste nationale.» Liste publique consultable par tous sur le site internet de la Sécurité Routière.Rappelant la place centrale de l’expert dans «le triangle qui réunit l’assuré, le réparateur et l’assureur», Sylvain Girault n’a pas résisté à prendre la défense des donneurs d’ordres, comme il l’avait fait lors du dernier Congrès de l’ANEA, le 18 mars dernier. «Aujourd’hui, les assureurs sont sur un marché extrêmement concurrencé», a-t-il précisé, rappelant par là leur souci d’être soucieux des économies réalisables. «Mais la dépendance économique des experts envers les donneurs d’ordres existe bel et bien», a insisté Florian Mourgues. Un point sur lequel Benjamin Labonne a surenchéri : «avec Les Affranchis (NdlR : société de conseil en gestion de sinistres qu’il dirige), nous avons remarqué que la valeur des véhicules économiquement irréparables, des épaves, était plus basse de 15% en moyenne lorsqu’ils sont expertisés par un expert d’assurances».Le “rôle économique de l’expert” évoqué
Fidèle à ses préoccupations de carrossier et attentif au rendu final des véhicules à réparer, Benjamin Labonne est notamment revenu sur un sujet qui lui tient à cœur : «la difficulté de faire passer le coût d’un raccord peinture» auprès des experts mandatés par les assureurs. Ce sur quoi l’un des deux journalistes n’a pu que rebondir : «le rôle économique de l’expert est un sujet important et est au cœur des débats actuellement : l’expert doit faire face à la pression des assureurs et savez-vous qu’ils sont notés en fin d’année en fonction de ce qu’ils coûtent aux assureurs qui les mandatent ?», a-t-il lancé aux auditeurs.«Ne jouons pas les Jean Valjean, les Misérables», a tempéré toutefois Sylvain Girault, qui a évoqué les grands groupes de concession ou les leaders du marché de la réparation de vitrage –sans toutefois nommer Carglass– pour préciser que les entreprises de réparation ne se portent pas forcément si mal que ça. Il n’a, en revanche, pas évoqué du tout les petits carrossiers avec ou sans enseigne. «Le coût de la réparation automobile, chaque année, c’est 7 milliards d’euros, a-t-il précisé. Lorsque l’assureur nous confie son carnet de chèques, il n’est pas rempli ni signé : il y a donc un équilibre à trouver car, in fine, c’est le client qui paye sa prime» plus chère lorsque les coûts augmentent.De la difficulté de traiter les VGE
«Nous, TPE et PME adhérentes de la FFC-réparateurs, nous n’avons pas les moyens des Carglass et autres, a poursuivi Benjamin Labonne. Moi, si je fais une erreur, le client ne revient pas chez moi.» Et devant la question de l’augmentation du prix des pièces de rechange, à laquelle Florian Mourgues agrée, le président du SEAI a précisé que «ce n’est pas une raison pour réduire le temps de main d’œuvre nécessaire au carrossier pour remettre le véhicule en état de circuler au sens de la sécurité routière». Et Jean-Luc Moreau d’ajouter qu’aujourd’hui, «c’est presque un combat de faire passer la réparation d’un véhicule gravement endommagé (VGE), qui bien souvent passe véhicule économiquement irréparable (VEI)».Sylvain Girault (ANEA) s’est alors empressé d’évoquer le recours à la pièce de réemploi pour permettre de faire baisser les coûts de réparation et de conformer un VGE à sa valeur résiduelle. «Un jugement va peut-être faire jurisprudence, a renchéri Jean-Luc Moreau. Un assureur a récemment été condamné pour avoir refusé une réparation et le tribunal l’a contraint à indemniser la victime au-delà de la valeur résiduelle de son véhicule», a-t-il précisé, évoquant par là le sort des Assurances du Crédit Mutuel (ACM), condamnées en décembre dernier à Antibes.L’occasion d’évoquer la fameuse escroquerie des 5 014 VGE transformés en VO. Et l’occasion pour Sylvain Girault de préciser aux auditeurs ce qu’il avait déjà souligné devant le Congrès de l’ANEA : «les experts concernés dans cette affaire font partie des 1% de la profession qui ont tourné le dos aux activités principales d’un expert en automobile pour se tourner vers la remise en état de VEI». Après une intervention téléphonique brève et sans réel intérêt d’Antoine Jouve, directeur du développement de BCA Expertise, François Sorel et Jean-Luc Moreau ont dû conclure l’émission en se rendant compte «que seuls 10% du sujet de l’expertise en automobile avait été traité» et en promettant une prochaine émission sur le même thème avec, sans doute, un représentant de la profession d’assureur autour de la table.