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Cour de cassation et expert (suite) : le CNPA prépare la riposte

Romain Thirion
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Face à la récente décision de la Cour de cassation relative au “rôle économique de l’expert”, les syndicats de réparateurs sont désormais vent debout. Et, à l’image du CNPA, entendent démontrer, jugements à l’appui, que cette décision inattendue ne fait en aucun cas jurisprudence…
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La petite histoire de l’arrêt de la 2e chambre civile de la Cour de cassation du 2 février dernier a tout du rendez-vous manqué avec la problématique de la réparation-collision. Comme l’entendait récemment la FNAA. Mais il s’agit aussi d’un rendez-vous manqué de la part du réparateur lui-même, qui comptait sur la justice pour rappeler la primauté du droit à la libre concurrence et à la liberté de fixer ses tarifs, face au rôle d’arbitre économique de l’expert. Et rappeler le droit du libre choix du réparateur par le client. Un réparateur dont le combat, s’il avait été assisté dès le début par les services juridiques des organisations professionnelles représentatives du métier de carrossier, aurait sans doute pris une tournure toute différente.
Incomplet argumentaire
Car le professionnel est bel et bien parti au feu la fleur au bout du fusil, sûr de l’argumentaire de son avocat. Un argumentaire qui a fonctionné devant le Tribunal de commerce, dont les juges ne sont pas magistrats mais issus du monde de l’entreprise. Un argumentaire qui a échoué, ensuite, face aux juges professionnels de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence (13). Car la carrosserie Technique Auto, établie à Six-Fours-les-Plages (83), s’est vue débouter faute d’avoir su démontrer que la comparaison avec ses confrères locaux sur une base économique ne tenait pas. Au contraire, l’avocat du cabinet d’expertise s’est au moins appuyé sur les statistiques de l’INSEE pour prouver le bon droit de son client. Dans une situation ou l’écart des tarifs présentés s’avérant important, les juges, faute d’une défense mieux orchestrée, ont protégé la partie faible : l’assuré. Et donc reconnu à l’expert son rôle économique.Réunis par la FNAA 06 et le SEAI pour un colloque sur le recours direct, le 24 mars dernier, les représentants nationaux des branches carrosserie des organisations professionnelles (FFC, CNPA, FNAA) sont arrivés à une conclusion similaire. L’argumentation de la défense n’a pas été assez complète et précise, pour démontrer l’irréalisme de l’arbitrage économique effectué par l’expert du cabinet Ott. Il aurait fallu présenter aux juges un véritable corpus de documents, précisant la diversité des tarifs pratiqués dans le secteur retenu par l’expert, le type de structures présentes sur la zone, la grille de tarifs des pièces, le montant des ingrédients et de la peinture, etc. Or, le juge ne maîtrise pas ces paramètres. Un travail qui n’a pas été approfondi, comme le regrettent les syndicats.
Bien mauvais timing pour se syndiquer
D’autant que ces syndicats, CNPA en premier lieu, n’ont “récupéré le bébé” qu’avant le pourvoi en cassation de Technique Auto. «Le carrossier n’était syndiqué nulle part ; il n’a souhaité le faire qu’une fois l’arrêt de la Cour d’appel prononcé, déplore Yves Levaillant, président de la branche carrossiers du CNPA. Nous avons contacté son avocat, Me. Roche, que nous ne connaissions pas, et avons accepté d’accompagner financièrement le réparateur dans sa procédure. Nous avons mis notre avocat spécialisé dans les questions de procédure, Me. Fabiani, sur le dossier.» Mais cela n’a pas suffi. La FFC Réparateurs affirme avoir également été approchée par Technique Auto dans le même timing. Un timing bien mauvais pour se syndiquer…Car désormais, c’est auxdites organisations professionnelles qu’il revient de rattraper les pots cassés. Même si l’arrêt de la Cour de cassation est encore loin de valoir arrêt de principe, sur lequel sont généralement construites les jurisprudences. Pour que la Cour prononce un arrêt de principe, encore faut-il qu’un certain nombre de ses juges aient eu à se prononcer sur plusieurs contentieux similaires et décident de fixer une décision type prévalant pour l’avenir. Et le CNPA annonce déjà fourbir ses armes, avec des décisions pouvant venir contredire le jugement de la Cour d’appel d’Aix sur des dossiers similaires. Mais défendus plus rigoureusement au regard de la réalité de la concurrence sur le terrain.
Le droit de la concurrence primordial ?
Suite à cette arrêt, le CNPA a sollicité Luc Grynbaum, professeur de l’Université Paris-Descartes et rapporteur de la commission de la Charte réparateurs automobiles-assureurs devant la Commission d’examen des pratiques commerciales (CEPC) en 2008. Et le Code de la concurrence pourrait bien avoir primauté dans ce type de litiges, donnant ainsi un avantage certain au réparateur. L’objectif, pour le CNPA, est donc d’obtenir d’autres décisions, favorables cette fois aux carrossiers au regard du droit à la libre concurrence. «Nous sommes prêts à financer les procédures les plus solides afin, en premier lieu, d’obtenir un jugement contraire à l’arrêt de la Cour d’appel d’Aix avant d’en obtenir d’autres, annonce Yves Levaillant. Et, dans ce dossier précis, nous étudions un éventuel recours devant la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH).»Dans le même temps, les travaux vont prochainement reprendre avec la CFEA afin d’obtenir une Charte de bonnes pratiques experts-réparateurs unique pour l’ensemble des organisations d’experts qui en font partie. Et non plus deux chartes distinctes, comme c’est le cas avec l’ANEA et BCA Expertises. «La charte n’a pas été mentionnée devant la Cour d’appel, car le carrossier n’en était pas familiarisé, puisque non syndiqué, déplore Yves Levaillant. Alors que le procès remporté à Grenoble en octobre 2014 par Louis Iannello (NdlR : membre du bureau national de la branche Carrossiers du CNPA et responsable régional en Rhône-Alpes) avait vu la défense s’appuyer dessus avec succès. Et que le fond du litige ne portait que sur un tarif de recharge clim’.»
L’importance des chartes interprofessionnelles
En effet, lorsque des accords professionnels existent entre des branches représentatives, ceux-ci sont généralement considérés par les juges. Et à l’époque, les juges du Tribunal de Grenoble avaient considéré que l’expert incriminé avait manqué aux règles de l’article 6 de la Charte de bonnes pratiques experts-réparateurs signée avec l’ANEA. Un article relatif au fameux “rôle économique de l’expert” mais dont l’annexe 3, censée référencer “la jurisprudence relative en matière d’appréciation objective” du marché de réparation sur lequel évolue l’expert, n’a pas été validée par l’ensemble des syndicats de réparateurs.En effet, à en octobre 2014, faute d’entente sur la définition d’une éventuelle “appréciation objective”, FNAA et FFC Réparateurs avaient quitté la table des négociations. Empêchant ainsi cette annexe d’entrer en vigueur. Reste à remettre le tissu sur le métier, donc, afin d’effectivement permettre à la charte interprofessionnelle d’apprécier, ou non, le cadre dans lequel doit s’exprimer le « rôle économique » de l’expert. Un rôle qui, comme l’affirme la branche Carrossiers du CNPA, existe en vertu de l’article R326-4 du Code de la route. Qui dispose que «dès qu'il a connaissance d'une contestation portant sur les conclusions techniques ou sur le coût des dommages ou des réparations, l'expert doit en informer, par tous moyens à sa convenance, les parties intéressées, notamment le propriétaire et le professionnel dépositaire du véhicule».Mais selon le CNPA, l'on parle ici de désaccord singulier. Et il faudrait d’abord expliciter ce “rôle économique”, en fixer le cadre dans lequel il pourrait s’exprimer. Car la chambre syndicale refusera toute idée de comparaisons générales entre les réparateurs d’une même zone de chalandise qui, elle aussi, reste à définir de façon raisonnablement objective…On le voit, la partie ne fait que commencer...
Romain Thirion
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