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Pièces captives (suite) : le premier Ministre signe le début de la fin du monopole

Romain Thirion
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 Six ans ! Il aura fallu six ans pour qu’un gouvernement suive enfin les préconisations de l’Autorité de la concurrence (ADLC) et prenne la décision de libéraliser le marché des pièces captives, dont les constructeurs ont le monopole en France au titre du droit à la protection des dessins et modèles : telle fut l'annonce du Premier Ministre, Edouard Philippe, à l’occasion de l’anniversaire des 10 ans de l’Autorité. Même s'il reste nombre d'obstacles à surmonter...

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L’écho des mots du Premier Ministre a dû résonner désagréablement aux oreilles des représentants des constructeurs automobiles présents au Palais Brongniart, siège de la Bourse de Paris, ce mardi 5 février, à l’occasion du dixième anniversaire de l’Autorité de la concurrence (ADLC).

Edouard Philippe, qui tenait un discours pour marquer l’événement, semble enfin avoir tranché le nœud gordien qui liait de façon un peu trop serrée le marché des pièces “visibles” à la rechange constructeur. Des pièces captives de ces mêmes constructeurs car protégées par le Code de la propriété intellectuelle au titre des dessins et modèles.

Une annonce qui tombe à pic !

Dans un contexte marqué par une crise du pouvoir d’achat symbolisée par le mouvement des “Gilets jaunes” et par l’ouverture d’une enquête de la Commission européenne sur les bénéfices tirés par les constructeurs du monopole sur les pièces captives avec l’aide d’Accenture, cette nouvelle sera sans nul doute saluée par l’ensemble des acteurs de la rechange indépendante… Et par les associations de défense des consommateurs !

Le 4 février dernier, en effet, l’UFC-Que Choisir avait notamment profité du Grand débat national pour établir douze propositions permettant de redonner du pouvoir d’achat aux Français, parmi lesquelles la fameuse libéralisation du marché des pièces de carrosserie… Les économies que pourraient réaliser les consommateurs grâce à cela s’élèveraient à quelque 9 milliards d’euros, d’après les calculs de l’organisation !

Edouard Philippe : « des mesures en trois temps »

Le Premier Ministre a estimé, de son côté, la baisse de prix des pièces concernées entre 6 et 15%. « Les pièces détachées [constituent] un budget important pour les ménages gros rouleurs, surtout lorsque leurs véhicules sont usés, a déclaré le Premier Ministre. Or le prix de ces pièces, et donc ceux de la réparation, sont plus élevés chez nous qu’ailleurs en Europe, probablement parce qu’en France, les constructeurs bénéficient de l’exclusivité de la vente des pièces détachées visibles, et que la concurrence se trouve de ce fait probablement un peu trop faible. »

Et Edouard Philippe d’ajouter que « nous (NdlR : le gouvernement) prendrons des mesures qui permettront de réduire sensiblement le prix de ces pièces. Nous le ferons progressivement et en lien avec les professionnels. D’abord sur les phares, les vitres et les rétroviseurs puis sur les pièces de carrosserie ». Le Premier Ministre a, en outre, ajouté que le gouvernement souhaitait encourager à « l’utilisation de pièces de seconde main », en l’occurrence des pièces issues de l’économie circulaire (PIEC). « Je ne méconnais pas les aspects liés à la qualité, mais je sais aussi que l’on peut rendre du pouvoir d’achat et un pouvoir d’achat considérable à nos concitoyens en agissant en la matière », a-t-il souligné.

La FEDA se félicite déjà

« Pour la première fois, le Gouvernement rejette sans ambiguïté l’argument trompeur de la sécurité, régulièrement brandi pour défendre le maintien du monopole, alors que cet argument est démenti dans les faits, dans tous les marchés où les pièces détachées ont été libéralisées », s’est immédiatement félicité la Fédération de la distribution automobile (FEDA), première organisation professionnelle de la filière aval de l’auto à réagir aux propos d’Edouard Philippe. Mais comme l’a souligné le Premier Ministre, la libéralisation du marché des pièces captives ne se fera pas d’un seul coup… et ne se fera certainement pas sans coup férir non plus !

Pour mémoire, en 2012, l’ADLC elle-même préconisait une libéralisation en trois temps. Une année pour ouvrir le marché des pièces de vitrage et d’optique, qui représentent 30% du business des pièces visibles captives des constructeurs. Une deuxième année pour ouvrir le marché des rétroviseurs et pare-chocs, qui pèsent 30 à 40% du business. Et enfin, une troisième année pour libéraliser le marché des pièces de tôlerie, étape ultime d’une libéralisation totale. Un échéancier qui recoupe partiellement l’ordre des priorités évoqué par Edouard Philippe…

Des obstacles à franchir… listés par l’ADLC en 2012 !

Mais en 2012, l’ADLC évoquait aussi les (nombreux) obstacles qui devraient être franchis pour autoriser les équipementiers à commercialiser les pièces qu’ils ne vendent qu’aux constructeurs et pour permettre aux acteurs de l’après-vente d’offrir librement des solutions aux réparateurs et aux clients.

  • Le premier : abroger « par une modification du cadre législatif, la protection par le droit des dessins et modèles et le droit d’auteur des pièces visibles de rechange destinées à redonner leur apparence initiale aux véhicules automobiles en France ». Selon nos confrères du magazine Capital, la dérégulation du marché des pièces détachées devrait être introduite par amendement au projet de loi d’orientation sur les mobilités (LOM), dont l’examen par le Parlement débute mercredi 6 mars.
  • Le deuxième obstacle à la commercialisation par les équipementiers des pièces visibles correspond au problème de l’utilisation des outillages par l’équipementier, aux clauses d’approvisionnement prioritaire et à la suppression du logo du constructeur sur les pièces concernées, « afin de rendre le délit de suppression de marque (article L.713-2-b) non opposable par les constructeurs à leurs fournisseurs équipementiers fabriquant déjà pour leur compte la pièce détachée en question ».
  • Le troisième obstacle concerne l’accès aux informations techniques par les réparateurs, par les fournisseurs d’informations techniques et les fabricants d’outils de diagnostic, et concerne également l’accès aux informations pertinentes relatives au numéro d’identification des véhicules (VIN).
  • Le quatrième obstacle relevé par l’ADLC en 2012 concernait certaines clauses présentes dans les contrats de garantie et d’extension de garantie, considérées comme de possibles restrictions à la concurrence en réduisant l’accès aux indépendants pendant la période de garantie et de ses extensions.
  • Enfin, le cinquième et dernier obstacle envisagé par l’ADLC concernait l’utilisation généralisée des prix de vente conseillés par l’ensemble des acteurs et échanges d’informations sur les prix de vente conseillés.
Quid de la réaction des acteurs ?

Cet ultime frein, comme les quatre précédents, relève selon l’ADLC d’un examen possible au titre du droit de la concurrence. Mais attention toutefois : ce 5ème obstacle des prix de vente conseillés concerne en fait le sacro-saint référentiel du prix constructeur, qui engage, lui, toutes les pièces concurrencées. Si on le remet en question, cela signifie aussi que tous les prix des pièces pourraient dévisser. Les réparateurs pourraient certes “se refaire” en augmentant le prix de la main d’œuvre, sous-évaluée notamment en rechange indépendante. Mais les autres acteurs de l'amont cette fois, constructeurs comme équipementiers et distributeurs indépendants comme distributeurs constructeurs, en souffriraient tous...

La réaction des constructeurs et des nombreuses organisations professionnelles de l’après-vente se fait à présent attendre. Nous ne manquerons pas de vous tenir au courant lorsqu’elles tomberont…

Romain Thirion
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