Pascal Luchetti (PSA) : « Nous ne subissons pas la transition. Nous la gérons »
L’après-vente mondial du constructeur français, à la tête des réseaux Peugeot, Citroën, DS, Opel et Vauxhall, vit un paradoxe. Certes, l’ambiance est électrique du côté de la filière industrielle. Les constructeurs français et allemands ont déjà prévenu des lourdes conséquences économiques et sociales générées par la transition à marche forcée du parc et des normes CO2 drastiques imposées par Bruxelles. Carlos Tavares lui-même est monté au créneau. Le patron de PSA – et président de l’ACEA – n’a pas hésité à évoquer une filière amont « à genoux ». Mais en aval, du côté des ateliers, le discours semble nettement plus détendu. L’après-vente est en évolution, certes, mais pas en révolution, selon Pascal Luchetti, le patron de l’après-vente mondial. D’abord parce qu’il est encore difficile d’établir des pronostics et des échéances précises sur l’état du parc d’ici dix ans. « On parle de 10 % de véhicules hybrides (VHE), électriques (VE) et à hydrogène, ce qui laisse encore un bel avenir pour le moteur thermique. » Ensuite, parce que l’électrification dans son sens le plus large est une manne, pas un frein. À condition d’être préparé. Et même si l’on parle de 30 % perdus dans le panier moyen pour l’entretien et la réparation d’un VE, la compensation viendra du VHE, à hauteur de 20 %, car il nécessite des compétences technologiques à plus forte valeur ajoutée. « D’autant que le client a besoin de réassurance sur ces modèles. Et r(é)assurer, c’est fidéliser ! », lance Pascal Luchetti. C’est exactement ce que rappelait GiPA dans son étude 2018 portant sur 47 753 conducteurs européens (France, Allemagne, Italie, Royaume-Uni et Espagne). Dans son panel : des détenteurs de thermiques âgés de 9,4 ans en moyenne (13200 km/an), mais sur ce nombre, 230 possesseurs de VHE de 3,3 ans (12 000 km/an). 91 % déclaraient déjà qu’ils ne reviendraient pas sur un modèle thermique lors de leur prochain achat de véhicule, et tous indiquaient fréquenter plus assidument l’atelier pour la maintenance de leur hybride (1,32 fois par an contre 1,27 fois par an pour un thermique). Les réseaux de marques émergeaient clairement avec une part de marché de 60 % sur la maintenance des hybrides (et 52 % sur les thermiques). « Nous ne subissons pas la transition, nous la gérons ! Certains ont prédit que l’arrivée du véhicule électrique serait une catastrophe en SAV. Ce n’est pas le cas. Nous avons anticipé en mutant vers le métier de fournisseur de services, et plus uniquement vendeur de voitures. Nous assumons toutes les contraintes d’un marché naissant en le transformant en opportunités car notre image est en jeu. Le tout dans une stratégie mondiale, sachant que l’Europe est la région qui pousse le plus sur la question du CO2. »
Technicité et digitalisation
La montée en compétences des ateliers est l’autre atout dans la botte du constructeur. « La complexité de la technologie demande des investissements, de la formation, des habilitations dont le suivi est exigeant (deux ans). Tous nos techniciens de tous nos réseaux sont donc déjà qualifiés pour intervenir sur les modèles hybrides et électriques. » Enfin, les ateliers ont à leur disposition un bouquet de services donnant l’assaut final : vente de contrats de services, garantie de la batterie étendue à 8 ans/160 000 km, vente et pose d’une Wall Box et ses accessoires pour la recharge à domicile… Plus largement encore, le groupe a entrepris de digitaliser ses ateliers, avec notamment le très en vogue système Vidéo Check, le diagnostic vidéo destiné au client. À l’heure actuelle, 1 900 points de vente en sont équipés dans le monde, avec un objectif de 4000 d’ici 2020 dans vingt-cinq pays. En 2019, 72 550 vidéos ont été envoyées, avec un taux de transformation moyen de 50 % générant un CA additionnel de 20 M€. Le directeur après-vente monde entend conserver durablement cette longueur d’avance. Clairement, l’objectif est de mettre de la distance entre les réseaux du groupe et les indépendants, considérant qu’ils sont encore peu ou mal préparés à accueillir les motorisations alternatives dans leurs ateliers. Il joue clairement sur le temps. « Les investissements et le temps nécessaires à cette mise à niveau technique sont complexes à mettre en place. Les indépendants se concentrent logiquement sur le parc roulant actuel, là où ils vont trouver leur marge immédiate. »
Distrigo, l’outil intégrateur
Enfin, aucun chiffre global, donc mondial, n’est communiqué sur la progression des ventes de pièces d’équipementiers chez Distrigo ou les ventes aux MRA. On sait seulement, d’après les déclarations faites sur le salon Equip Auto, que la progression globale des trente-neuf plaques françaises tourne autour de 20 % en 2019, au profit en partie des pièces équipementiers et Eurorepar. La vente de pièces d’origine truste naturellement le mix des ventes, devant les pièces multimarques Eurorepar, les gammes IAM et celles issues de l’économie circulaire. Pascal Luchetti reconnaît seulement que « la conversion culturelle n’a pas été évidente. Ce changement de paradigme –je rappelle que nous étions pratiquement les premiers à le faire – est bel et bien intégré. La pièce, c’est un métier à part entière. » Cette révolution logistique opérée il y a quatre ans, dans le cadre plus général du plan Push to Pass, aurait largement facilité l’intégration d’Opel et de Vauxhall dans les rangs de PSA et accélérer l’intégration des pièces de l’Allemand et de l’Anglais chez Distrigo, en à peine deux ans. Une fluidité qui devrait se dupliquer à l’occasion de la fusion avec le groupe italo-américain FCA prévue dans un an, après validation des Autorités de la concurrence. « Mais d’ici là, les choses sont claires, nous restons concurrents. »
Muriel Blancheton
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Chiffres clés
• Réseaux Peugeot, Citroën, DS, Opel, Vauxhall
• 130 000 personnes
• 51 millions d’entrées atelier en 2019 dans le monde
• 13,5 Md€ de CA en 2019
• 200 entrepôts Distrigo, dont 130 en Europe
• 12 000 références sur 60 familles de produits chez Eurorepar
• 30 équipementiers fournisseurs