J.-V. Schaffnit, 07ZR : « Aujourd’hui, nous sommes une véritable centrale d’achat »
De pure-player à place de marché, 07ZR a mué. En quinze ans, la plateforme est devenue le réflexe shopping du réparateur pour son dépannage en pneus et en pièces. Aujourd’hui, elle se revendique centrale d’achat complète pour les MRA et adopte les codes de fonctionnement d’Amazon. Entretien exclusif avec le discret mais déterminé directeur général Jean-Vincent Schaffnit...
Pneus, lubrifiants, pièces, batteries, consommables… 07ZR est en diversification perpétuelle ?
Et ce n’est pas fini puisque depuis peu, nous proposons des machines de montage (équilibreuses, ponts élévateurs) ! Le pneumatique représente encore 75 % de nos activités. Il reste encore le cœur de notre chiffre d’affaires. Mais nous avons très tôt compris que nous devions nous diversifier pour devenir multi-produits et devenir le « one-stop-shopping » de nos 30 000 clients ateliers européens. Et nous avons également très vite compris que cette orientation imposait d’évoluer sans cesse technologiquement. Nous avons vraiment pris la virage de la diversification en 2016, avec un écosystème complexe à appréhender. Pour nous, il ne s’agit pas uniquement de se plugger à un stock de pièces. Intégrer un équipementier peut demander plusieurs mois car il entre dans une dynamique technologique avec de hauts niveaux d’engagement. Cela passe par l’achat de bases de données équipementiers comme TecCom... l’enrichissement de cette data avec un partenaire technique, l’intégration de moteurs de recherche ad hoc avec des pièces imposées par le constructeur… La pièce est plus exigeante que le pneu. Nous sommes vraiment partis d’une feuille blanche, avons recruté des experts et amélioré le parcours client, et aujourd’hui, nous sommes une centrale d’achat !
Qui sont vos clients français et quel est le prix d’un panier moyen ?
Nous ne travaillons pas avec les centrales de groupements. Nous privilégions les réparateurs en direct. En France, nous avons un portefeuille de 12 000 clients pros mixés entre MRA avec ou sans enseigne, pneumaticiens, centres autos, fast-fitters, voire concessionnaires. De manière générale, le réparateur vient en dépannage sur notre plateforme (hors MRA sans enseigne qui vient plutôt en appros), sachant qu’il bénéficie de conditions réelles dès l’achat du premier pneu. Il n’y a pas d’obligation de volume. Le panier moyen en pièces est de 150 € environ et de 200 € en pneumatiques. On parle d’un changement moyen de trois pneumatiques à 65 € l’unité, mais ce chiffre devrait évoluer avec l’augmentation des tarifs actuels, que l’on évalue à 30 % depuis 18 mois.
Le digital est en mouvement perpétuel. Nous sommes devenus une plateforme qui n'a plus rien à voir avec un simple site de commerce de pneus en ligne.
Développement de marques blanches
Quels nouveaux services mettrez-vous en place bientôt ?
Nous allons bientôt proposer des sessions de formation portant sur le référencement dynamique des pros. Cette présence digitale doit leur apporter la visibilité dont ils ont besoin pour doper leurs ventes et donc leurs achats chez nous. Une manière de boucler la boucle. C’est du BtoBtoC. Nous allons également développer des mises aux couleurs adaptées à celles d’enseignes européennes car ce sont des demandes croissantes de la part de ces partenaires potentiels. Nous planchons actuellement sur cette forme de marque blanche avec des sites adaptés et marketés, traduits et dotés de serveurs ad hoc (montés de manière ultrarapide) ! Mais surtout, nous mettons en face un service client et des agents commerciaux formés pendant cinq mois sur l’ensemble des produits proposés. Chez 07ZR, nous comptons 150 personnes en moyenne, dont 80 sur la force de vente.
Quel est l’impact de l’inflation magistrale des coûts de transport ?
Aucun à notre niveau, puisque nous ne sommes qu’un intermédiaire et n’avons aucun stock. Nous ne faisons que mettre en relation un client avec un fournisseur. Et c’est ce dernier qui répercute les hausses dans ses prix de vente. Et plus la livraison doit être rapide, plus c’est cher. Un pneu mid-brand (quality), positionné à 70 % du prix premium en temps normal avant Covid, se vend actuellement aussi cher ! Nous observons une forte pénurie aussi bien dans le pneu que dans la pièce. En dix-huit mois, il y a eu jusqu’à 30 % d’augmentation des tarifs ! Cette situation nous favorise d’ailleurs puisque nous pouvons basculer d’un fournisseur à un autre en cas de rupture. Je rappelle que nous travaillons avec 500 marques de pneumatiques et 720 marques dans la pièce équipementier avec 3 millions de références. C’est notre force en tant que place de marché par rapport à un distributeur local…
Vous subissez tout de même des ruptures comme tout le monde…
Bien sûr, mais nous compensons avec notre force commerciale fournisseurs qui identifie chaque jour de nouvelles sources pour les intégrer au catalogue. Au cumul, nous pouvons travailler avec 81 millions de pièces stockées chez l’ensemble de nos équipementiers (la pièce étant stockée plusieurs fois). Cela permet de diminuer voire d’effacer les éventuelles ruptures pour le client réparateur, qui trouve toujours une solution alternative. Idem sur le pneumatique avec la carence en noir de carbone, dont les plus gros producteurs mondiaux sont russes ou ukrainiens. Ce qui ralentit la production chez les manufacturiers. Une production déjà ralentie par les fermetures d’usines en 2020 en Europe et encore actuellement en Chine.
La pièce, le Graal des plateformes
Estimez-vous que le MRA a lâché prise sur le pneumatique ?
Le MRA a peut-être perdu un peu la main à un moment de l’histoire, mais il l’a récupérée depuis, notamment via les places de marché. Je dirais qu’Internet a permis de rompre un maillon de la chaîne avec des offres comme la nôtre, permettant à ces réparateurs de s’adresser à une autre source que leur enseigne habituelle. Des enseignes qui ont réagi par ailleurs en infusant du digital dans leurs propres offres et en renforçant leur logistique.
La pièce est-elle le Graal des plateformes de pneumatiques BtoB ?
Augmenter le portfolio offres et services en s’étendant aux pièces est, en tous cas pour nous, non seulement logique mais nécessaire ! Rester sur un secteur aussi concurrencé que le pneumatique, même si à un moment donné nous détenions 75 % du marché, est dangereux. Il en va de la survie de toute entreprise d’ailleurs ! Après le pneu, s’étendre aux pièces de freinage, aux amortisseurs… était le meilleur moyen de conserver une grande partie de notre clientèle de centres autos, fast-fitters et négociants et MRA. Élargir nos cibles vers le lubrifiant, la batterie, les machines… n’est que la suite logique pour nos clients garagistes. Nous avons fait le choix de la diversification très tôt, d’autant que nous sommes un site payant. La démarcation est donc un pari quotidien.
Les plateformes BtoB comme 07ZR peuvent-elles laminer à terme la distribution traditionnelle ?
Chacun apporte sa valeur ajoutée avec ses propres armes. Nous sommes partenaires de certains distributeurs depuis des années, qu’ils soient plus ou moins régionaux. Nous travaillons avec des fournisseurs, qu’ils soient manufacturiers ou équipementiers. Il ne faut pas oublier que nous sommes une place de marché, donc nous sommes ouverts à tous. Chacun peut venir faire son marché au juste prix avec le juste service, sachant qu’une livraison en H+4 coûtera toujours plus cher qu’en J+1. Le client a le choix.
Nous sommes multi-produits et multi-pays, et notre promesse client, c’est un suivi de l’achat à sa livraison.
Qui sont vos plus gros concurrents aujourd’hui ?
Je dirais les autres acteurs du digital pour leur ancrage européen, plus que les distributeurs traditionnels. Nous sommes multi-produits et multi-pays, et notre promesse client, c’est un suivi de l’achat à sa livraison. D’où un travail permanent de nos équipes avec les transporteurs pour avoir un délai de livraison respecté avec les fournisseurs (24 h/ 2/jour sur le pneu) et trouver des alternatives en cas de produits manquants… Des deux côtés de l’écran, il y a des humains. Il ne faut jamais l’oublier.
Pourriez-vous imaginer un accord avec un constructeur pour la pièce ?
Stellantis l’a fait via Mister-Auto avec Alzura Tyre24, donc pourquoi pas ! Nous sommes ouverts à toute opportunité dans le cadre d’une stratégie commune. Mais nous ne mettrons jamais nos clients en porte-à-faux. Et il faut vraiment que la valeur ajoutée courre sur toute la chaîne de valeur, donc jusqu’au réparateur.
Adopter le fonctionnement d'Amazon
Le crash de Finntyre a-t-il créé un appel d’air chez vous ?
La nature ayant horreur du vide, un distributeur disparu est vite remplacé, même lorsqu’il s’agit d’un géant. Surtout avec plus de 600 fournisseurs en pneumatiques sur une plateforme telle que la nôtre. Tout est vite délayé, donc cela n’a pas créé d’appel d’air, d’autant que nous ne travaillions pas en direct avec lui. Le problème s’est logé plutôt en amont avec des manufacturiers dépendants de cet hyper-grossiste et des distributeurs sans alternative de marques du jour au lendemain. Sa chute est très certainement due à une succession d’erreurs et une mauvaise gestion. Grossir trop vite coûte cher. Cependant, on parle de réinjection d’argent par certains manufacturiers… À voir.
Quelle est votre vision de 07ZR à moyen et long terme ?
Celle d’Amazon dans son mode de fonctionnement ! Notre évolution tend vers ce modèle dans la simplification des prises de commande, le suivi de la livraison, et surtout avec la centralisation des paiements et des factures. Cette étape permettra d’améliorer encore la qualité de notre service en soulageant le fournisseur, puisque nous prendrons en charge le paiement du client, donc le risque financier, et en trouvant obligatoirement une solution compensatrice en cas de retard de livraison au client. Actuellement, 100 % de la pièce est déjà facturée par nos soins, et nous montons progressivement sur le pneumatique. Nous devrions être prêt au 1er janvier 2023.